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Le théâtre à l’écart des planches

May Sélim, Lundi, 23 avril 2018

Certains metteurs en scène optent pour des sites historiques ou des locaux vétustes du centre-ville comme lieu de représentation de leurs spectacles. Des cadres insolites qui constituent tantôt un défi, tantôt une solution de facilité.

Le théâtre à l’écart des planches
Aan Al-Ochaq (à propos des amants). (Photo : Bassam Al-Zoghby)

Aan Al-Ochaq (à propos des amants), Al-Khoroug lil Nahar (la sortie vers le jour), Ghazl Al-Aamar (tissage de vie) ou Atyaf Al-Mawlawiya (les spectres des derviches) — tous ces spectacles, donnés au cours des dix dernières années, se sont déroulés sur des sites historiques, de l’époque fatimide à celle mamelouke.

Aan Al-Ochaq, monté par Hani Afifi au palais d’Al-Amir Taz, a mêlé les chansons d’Oum Kalsoum aux paroles soufies d’Ibn Hazm. Le même espace avait accueilli auparavant l’expérience d’Intissar Abdel-Fattah, Al- Khoroug lil Nahar. Tenu dans l’enceinte du même palais et exploitant ses différents espaces en plein air, Abdel-Fattah a voulu mêler les rites folkloriques et traditionnels, en évoquant les commandements du livre des morts chez les pharaons. Ghazl Al-Aamar de Hassan Al-Greitli a été plutôt un spectacle de contes donné à la maison Al-Harawi et à Wekalet Al-Ghouri, tour à tour.

Atyaf Al-Mawlawiya, présenté dans le palais d’Al-Ghouri en 2009, a profité de la topographie des lieux pour créer une belle scénographie dans un cadre typiquement islamique et proposer l’initiation de son personnage principal au soufisme. « Il faut se méfier parfois de l’espace scénique sélectionné. Le spectateur peut tomber plus amoureux du site historique que du spectacle. Je me rappelle que dans les années 1970, une compagnie de théâtre anglaise a présenté Hamlet au théâtre son et lumière sur le plateau des Pyramides de Guiza. Imaginez Hamlet au pied des Pyramides ! Malgré moi, j’étais ébloui par l’image du Sphinx sous l’effet de l’éclairage plus que par la pièce elle-même », souligne le metteur en scène et professeur de théâtre à l’Université américaine du Caire, Mahmoud Al-Louzy. Et d’ajouter : « D’habitude, l’espace scénique historique ajoute aux attraits du spectacle et permet au metteur en scène d’avoir un décor fixe. De quoi alléger un peu sa responsabilité, étant sûr d’un certain succès. Mais le défi est de présenter un spectacle vraiment en harmonie avec l’espace ».

Un choix alternatif

Al-Louzy explique qu’en Grèce, au Liban ou encore dans d’autres pays, investir des espaces historiques et des sites archéologiques pour monter des pièces est devenu une mode, voire un moyen de promotion touristique. Mais le professeur de théâtre insiste sur le fait que cela n’est guère en contradiction avec l’importance de bâtir de nouveaux théâtres. L’un n’empêche pas l’autre. Loin des espaces et des sites archéologiques, plusieurs jeunes metteurs en scène ont, quant à eux, tendance à insérer leurs spectacles dans un vieux bâtiment du centre-ville du Caire, leur offrant un cadre plus intimiste. Ainsi, le public a pu assister récemment à des pièces dans un appartement, dans un ancien hôtel, dans une salle de répétition ou — comme dans le cas de The Metamorphosis (métamorphose) d’Omar Al-Moetaz Billah (voir article principal) — dans un ancien cinéma.

Les responsables du festival D-Caf ont été parmi les premiers à le faire, en présentant leurs performances dans l’immeuble Al- Chourbagui ou encore à l’Hôtel viennois. « En Egypte, beaucoup de théâtres sont fermés ou en restauration. Pendant les années 1960, les années glorieuses du théâtre égyptien, aucun théâtre n’était fermé. Les jeunes artistes indépendants cherchent à tout prix à faire du théâtre et à cibler un grand public. Ils travaillent dans des conditions difficiles et montent des spectacles avec leurs moyens disponibles et leurs budgets limités. Cela se passe aussi partout dans le monde. Les petits espaces situés au centre-ville constituent un vrai choix alternatif », conclut Al-Louzy.

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