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De petites têtes et des corps gros

Névine Lameï, Lundi, 09 avril 2018

Dans sa nouvelle exposition à la galerie Zamalek, le sculpteur Kamal Al-Feqqi revêt ses personnages d’une couche de chrome dur. Une façon de donner à ses sculptures un aspect lumineux et un effet métallique.

De petites têtes et des corps gros

Le sculpteur Kamal Al-Feqqi use d’une technique nouvelle dans son exposition, actuellement à la galerie Zamalek, sous le titre de Macrophobia. Il revêt, en effet, ses sculptures en bronze de chrome dur, afin de leur attribuer des couleurs très vives : rouge, rose, bleu … « Le chrome dur, à l’effet miroité, capture l’attention du récepteur et crée une sorte d’interaction entre lui et la sculpture contemplée. Se regarder à travers cet espace miroité, cela nous aide à prendre conscience de notre apparence et à dépasser les valeurs du monde matériel », explique Al-Feqqi. Et d’ajouter : « Je suis un artiste en quête inlassable du mouvement et de l’expression. Je suis à la recherche d’un art qui rompt avec l’inertie de la masse, avec les ambivalences du plat et du creux, du rude et du poli, de l’ombre et de la lumière, etc. ».

De petites têtes et des corps gros
La série En attendant Godot.

Kamal Al-Feqqi essaye de miroiter dans ses oeuvres un monde en perpétuelle mutation. « L’équilibre dans mes oeuvres n’est pas synonyme de stabilité, mais de dynamisme et d’action. Le chrome dur, ce dépôt électrolytique, appliqué directement sur le bronze, selon l’épaisseur requise, est à la fine pointe de la technologie, pour répondre aux exigences croissantes de l’industrie spectaculaire de nos jours. Toute nouveauté technique suscite mon intérêt. La solution chrome dur augmente considérablement la durée de vie de mes sculptures et leur assure une meilleure résistance à l’abrasion. Une abrasion qui donne un effet de pointillisme, de coupure, de rayure, d’usure et d’effondrement sur le corps et le visage de mes protagonistes qui ressemblent à des extraterrestres venus d’un ailleurs spatial, pour conquérir notre terre, jusqu’à la délivrance ».

A chacun son interprétation

De petites têtes et des corps gros
Des sculptures lumineuses, trempées dans du chrome dur.

Pour Al-Feqqi, il est temps de rompre avec le déjà-vu. Il casse ainsi l’intégrité spatiale, pour se libérer du monde visible et de la réalité. De quoi permettre une multitude de lectures ou d’interprétations, face à son oeuvre abstraite ou conceptuelle.

Bien posées et résistantes, les statues d’Al-Feqqi sont d’une grande légèreté, ouvertes au vent et à la lumière. Elles sont taillées dans une dimension, un peu plus petite que l’échelle humaine. C’est la manière de l’artiste d’animer tout un monde aux personnages absurdes. Ceux-ci ressemblent à des personnages de dessins animés, avec de petites têtes et de gros corps. « Cette série aux petites têtes, nommées Godot, symbolise, par l’absurdité de ses formes, la vacuité de l’existence », lance Al-Feqqi. Une série inspirée de la pièce de théâtre En attendant Godot, de Samuel Beckett, le maître de l’absurde.

Vivant en solitaires, en état de réflexion, de contemplation, d’attente ou de refus, ils sont souvent attachés à d’autres pièces sculptées : une chaise, un papillon … Tous les personnages de Kamal Al-Feqqi, aux traits égyptiens, se lancent dans l’inconnu. « Pour se révolter contre toute attente, je les fais asseoir sur des chaises, ou encore les faire tenir des chaises en main. Symbole du pouvoir, la chaise, dans mes sculptures, invite davantage à s’interroger sur le sens de la vie et les mystères de la création, dans un monde cauchemardesque et évanescent », précise le sculpteur.

Dans une autre oeuvre, l’artiste a recours au papillon incrusté sur une partie de sa sculpture, pour symboliser le changement. Car, pour lui, le papillon est l’animal-totem, qui symbolise de plus le changement et la transformation personnelle, avec grâce et légèreté. « Face à un papillon, il faut prendre du recul, trouver une autre manière de voir les choses. Le rêve d’un papillon est mon rêve à moi dans un monde inconnu, absurde et fantastique », conclut Al-Feqqi .

Macrophobia, de Kamal Al-Feqqi, jusqu’au 30 avril, de 10h à 21h (sauf le vendredi), à la galerie Zamalek. 11, rue Brésil, Zamalek.

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