En lice dans la catégorie des films documentaires aux côtés de sept autres oeuvres, le film tunisien Soeurs courage, de Salem Trabelsi et Latifa Deghri, a remportéune mention spéciale durant la 7e édition du Film africain de Louqsor qui vient de se terminer la semaine dernière.
Produit par Machmoum productions, ce film de 51 minutes relate l’histoire de deux soeurs boxeuses liées par une grande passion au pugilat, mais qui se séparent. Alors que l’aînée a choisi de raccrocher les gants sous la pression d’une famille qui n’a cesséde la harceler pour se marier, la cadette, en revanche, a réussi àfuir clandestinement la Tunisie, pour se rendre en France dans le but de sauver sa vocation de boxeuse.
Ce documentaire s’inscrit dans le prolongement du film Boxe avec elle, produit l’année dernière, dans lequel les deux cinéastes suivent les parcours des jeunes boxeuses tunisiennes, àsavoir Wided Younsi (championne d’Afrique 2010), Rim Jouini (médaille d’argent au Championnat du monde de boxe 2010), et les deux soeurs Houda et Marwa Rahali, ainsi qu’Amel Touati (championnes de Tunisie de 2008 à 2010). Les deux coréalisateurs ont essentiellement suivi les traces de Houda et de Marwa Rahali de 2011 et jusqu’en 2016, jetant la lumière sur les difficultés qu’affrontent les boxeuses dans un pays arabe qui vit toujours, malgréla révolution, sous la pression de la tradition.
En effet, la force de ce film, même si la qualitéde l’image et de la mise en scène laissent àdésirer, réside dans la quantitédes interviews faites avec les protagonistes, mais aussi avec leurs amies et les gens qui les entourent. Les scènes tournées, en plans rapprochés, mettent en exergue le poids de la sociététunisienne, comme celle oùl’on assiste àl’effacement des tatouages. Autre grand mérite du film est le niveau de la souplesse, avec laquelle la caméra se déplace pour filmer les différentes étapes de la vie des deux soeurs. A commencer par les grandes ambitions, passant par le travail àla chaîne de l’une des soeurs, pour gagner son pain, jusqu’àses moments de frustration totale. Les réalisateurs nous introduisent dans leurs maisons modestes, malgréleur statut de championnes d’Afrique.
Il faut saluer l’effort des deux coréalisateurs Salem Trabelsi et Latifa Deghri qui ont réussi àtailler un portrait croiséde ces deux soeurs, de par les images et la narration poignante.
Wallay ou l’histoire émouvante d’un ado
Wallay du réalisateur burkinabéBerni Goldblat a ratéle grand prix et le prix spécial du jury, mais a remportéle prix de l’Association des critiques égyptiens (EFCA). Il s’agit d’une histoire émouvante d’un adolescent turbulent. Le film s’ouvre sur une lettre écrite par Ady et envoyéde France par la poste àune certaine Ellie, au Burkina Faso, oùl’ordinateur n’est pas le principal moyen de communication.
Dès le départ donc le réalisateur burkinabénous introduit dans le contexte du film. Deux mondes lointains (culturellement) liés par les mêmes racines. Ady, 13 ans, fait les 400 coups avec ses copains banlieusards àParis et ne respecte pas son père qui l’a élevéseul. Ce dernier, àbout de ressources, décide de confier Ady àson oncle Amadou le temps d’un été. L’oncle Amadou et sa famille habitent au Burkina. Et là-bas, à13 ans, on se doit de devenir un homme.
Ady croit qu’il part simplement en vacances, mais la réalitéest tout autre : un voyage initiatique vers la maturitéest au rendez-vous. Au village de sa famille au Burkina, Ady (Makan Nathan Diarra) est aux yeux de tous l’homme blanc, àcause de son allure métissée. Il symbolise en même temps la modernitésous toutes ses formes. Il se balade dans tout le quartier fier de son iPod. Le conflit entre ces deux mondes est d’abord moral et ensuite civilisationnel.
Il refuse la circoncision que son oncle Amadou voudrait lui imposer pour devenir un homme. Et crie : «c’est pour cela que mon père m’a envoyé ici ». Un moment intense de choc civilisationnel qui met en relief, encore une fois, l’écart qui existe entre son monde actuel et le monde d’oùil vient. Il ne trouve consolation, en ce moment, que chez sa grand-mère, qui ne comprend pas un mot de français. La grandmère l’accueille àbras ouverts, elle l’aime, ne le juge pas, et lui aussi accepte son amour. A travers elle, il commence àchanger, notamment lorsqu’elle lui dit : «on est le produit de son époque et non pas de son père ». Une phrase choc dite par cette grand-mère qui représente ses origines qu’il ignore.
Donc, c’est cette rencontre qui fait basculer le film et c’est àce moment-làqu’il prend conscience d’oùil vient particulièrement. Ady a pris conscience que le respect des plus grands se gagne àune échelle mutuelle. En effet, l’oncle Amadou ne lâche pas du lest et lui remet son passeport, après quelques rudes épreuves. Le petit a dûtravailler pour rembourser l’argent qu’il a voléàson oncle. L’un des éléments forts de cette fiction est la présence du médiateur. Il s’agit d’un jeune cousin francophone qui expliquait les codes sociaux burkinabés, dressait les repères et guidait le petit dans sa démarche, facilitant le passage de l’adolescence àl’âge adulte. Un beau film qui traite du brassage et de la richesse culturelle qu’on peut avoir de nos origines diverses et qui porte bien au coeur les marques d’une société, tout comme le documentaire tunisien Soeurs courage .
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