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Le baiser interdit

Yasser Moheb, Lundi, 26 mars 2018

Avec Balach Tébosni (ne m’embrasse pas), le réalisateur Ahmad Amer signe un premier long métrage au sujet controversé. Projeté actuellement dans les salles, après avoir fait le tour dans plusieurs festivals internationaux, le film s’avère malheureusement sans grand éclat.

Le baiser interdit
Parler des tabous de la société à travers le baiser.

Un film sur les limites de la liberté et de l’art de la séduction à l’écran aurait pu permettre de faire face au conservatisme en Egypte. Il est dès lors bien dommage que le long métrage Balach Tébosni (ne m’embrasse pas) soit resté dans le flou, sans pouvoir remplir cette tâche. Il s’agit du premier film d’auteur du jeune scénariste Ahmad Amer, qui a opté pour une formule mixte, se situant entre drame et documentation. Non sans humour, il a voulu transgresser les normes, en concentrant son sujet autour de l’histoire des baisers dans le cinéma égyptien.

Comme l’indique son titre, il s’agit moins du baiser lui-même que du refus du baiser. Il est question d’un jeune réalisateur, Tamer Taymour — interprété par le jeune comédien Mohamad Mahran—, qui est en train de tourner son premier long métrage, intitulé Al-Sarab (le mirage). Celui-ci doit contenir une scène romantique, et donc un baiser. Toutefois, l’héroïne du film, Fagr— campée par la jeune comédienne Yasmine Raïs—, refuse d’être embrassée devant les caméras, par pudeur et puis par conviction, car elle est d’avis que ceci est interdit par la religion. En parallèle, on suit le jeune documentariste Ibrahim, qui est en train de tourner son premier film documentaire sur l’histoire du baiser dans la vie des stars et des personnes de son entourage. De quoi le pousser à se promener avec sa petite caméra dans les coulisses du tournage du premier film susmentionné. Il est surpris par l’attitude de l’actrice, qui est censée être le sex-symbol de sa génération, annonçant du jour au lendemain qu’elle a retrouvé le chemin de la foi.

Il est assez fréquent qu’un film présente des extraits de films, que ce soit pour la documentation ou bien pour souligner efficacement des faits passés. Ceci est le cas de Ne m’embrasse pas, lorsque le réalisateur utilise des scènes de films anciens, montrant les baisers les plus célèbres du cinéma égyptien. De quoi permettre des effets de flash-back et de mise en contexte, tout en servant également des effets comiques et nostalgiques. Mais malheureusement, le résultat est assez fade et dépourvu d’une véritable structure dramatique.

Problèmes de structure

Avec un titre et un contexte pareils, on aurait pu s’attendre à un film original ou profond. Cependant, Balach Tébosni a plutôt l’air d’un exercice de cinéma d’à peu près deux heures, tourné par un groupe de jeunes qui ont manqué leur but. Répétitif, sans trame dramatique, le film tombe dans le piège de l’ennui total, poussant le spectateur à se demander: « Bon, et après ». Annonçant son recours à des événements vrais, inspirés de la vie de certaines stars qui se sont retirées de la scène artistique, pour des raisons religieuses ou pour avoir décidé de porter le voile, le scénariste-réalisateur n’a pas réussi à en faire un scénario bien ficelé.

Les problèmes de structure et d’idée dédoublent le sentiment de déroute chez le spectateur. Le film tombe dans le cliché total de l’art documentaire: présenter des anciennes scènes en les expliquant par une voix off, tout en laissant la parole aux protagonistes-témoins, s’adressant directement à la caméra. De quoi donner l’impression que le film a été essentiellement conçu comme un documentaire, puis au fur et à mesure, s’est transformé en fiction.

Le cinéaste Ahmad Amer présente un film qui se veut volontairement sarcastique, mais qui souffre de lenteur. On ne s’attendait pas forcément à une oeuvre de mouvement, ni à une oeuvre romantique, mais il aurait fallu au moins parvenir à défendre sa cause. Les deux comédiens Yasmine Raïs et Mohamad Mahrane ont campé leurs rôles sans aucune sophistication. Presque tous les acteurs et invités du film se sont avérés à l’aise dans leurs rôles, mais, malheureusement, sans rien apporter de nouveau. L’ensemble manque décidément de charme .

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