Rabab Wahba, des ailes pour voler
Ses poteries oscillent entre le rude et le poli, le vernis et le mat, le clair et l’obscur. En dépit de l’abstraction de leurs formes et la rigidité de leurs postures, elles rappellent les statues pharaoniques. Elles donnent l’impression qu’il s’agit de corps féminins, toujours assez doux.Un contraste savoureux émane, en effet, des poteries de Rabab Wahba, 39 ans. Fille de Mervat Al-Sweifi, l’une des pionnières de la poterie, Wahba s’inspire de la technique de sa mère, des formes abstraites et populaires, tout en ajoutant une touche émotionnelle, favorisant l’aspect expressionniste. Ainsi on trouve des ailes qui surgissent de toutes parts dans ses poteries. « Mes ailes sont des symboles de rêve, de la femme en quête de liberté dans une société qui étouffe ses ambitions. Je théâtralise mon sujet, parfois ridiculisé dans l’humour ou dans la douleur ».
A son argile, à haut degré de cuisson, elle ajoute des oxydes colorants : du bleu et ses dégradés. Cette couleur est étroitement liée au rêve, à la sagesse et à la sérénité, mais aussi à l’Egypte Ancienne. « Au temps des pharaons, les femmes étaient sur un pied d’égalité que les hommes. Elles étaient respectées. D’ailleurs, la sculpture et les reliefs les représentaient souvent de la même taille que leurs homologues masculins », précise l’artiste, spécialiste de l’influence de l’art égyptien sur les cultures contemporaines .
Jusqu’à fin mai, a la galerie Khan Maghrabi, de 10h à 21h (sauf le dimanche). 18, rue Mansour Mohamad, Zamalek
Chérine Moustapha, la familiarité du quotidien
Dépeindre Le Caire au quotidien, les soucis de ses habitants : c’est ce qui attire l’autodidacte Chérine Moustapha, diplômée en pédagogie à l’Université de Hélouan. Ses peintures « dramatiques » puisent dans le « populaire ». Mais le « populaire » (poisson, main de Fatma, chat ...), même s’il est très présent, n’est pas l’essentiel chez Moustapha. Les motifs populaires ne sont qu’un simple décor, et c’est l’homme (dessiné au crayon noir) et ses « batailles » du quotidien (en couleurs criardes) qui se taillent la part du lion.
Les protagonistes agissent toujours dans une unité cohérente et « familiale » … Des gens qui font la queue devant les boulangeries, d’autres devant les entrepôts des bonbonnes de gaz … Les rues du Caire sont « cacophoniques » et encombrées. Des véhicules attendent leur tour devant une station-service engendrant des embouteillages ici et là.
Chérine Moustapha habite le quartier de Daher, proche du centre-ville, un fait qui se retrouve dans son travail. « Les anciens quartiers cairotes se caractérisent par la convivialité de leurs habitants. Dans chaque toile, j’essaie d’améliorer le quotidien, de retrouver la tranquillité », une tranquillité que l’artiste perçoit avec nostalgie, mais sans tristesse aucune .
Rania Al-Helw, la spiritualité
D’inspiration néo-spiritualiste, Rania Al-Helw, 34 ans, vient d’obtenir son doctorat sur l’influence de l’école théosophique sur l’art figuratif contemporain. « La Société théosophique est un groupement non sectaire qui vise à encourager l’étude comparée des religions, des philosophies et des sciences. Ses enseignements aident à réaliser la nature spirituelle latente en chaque être humain », explique Al-Helw.
Passionnée d’art pharaonique, l’artiste-peintre est aussi une disciple du fameux égyptologue Abdel-Ghaffar Chédid. A partir des arts anciens, elle a su se forger un style qui lui est propre. Simple et épuré, il a quelque chose de spirituel, à travers des couleurs vives (notamment le jaune orangé), qu’elle ne quitte plus depuis ses séjours à Siwa et à Louqsor.
Ses peintures ne manquent jamais de rappeler la déesse Hathor (symbole de la sagesse et la clairvoyance chez les pharaons). En blanc, Hathor est représentée avec son sycomore (lié aux rites de la mort chez les pharaons) et d’autres symboles hiéroglyphiques, ou encore avec le disque solaire de Rê. L’artiste affirme vouloir transmettre un message de « fraternité, sans distinction de race, ni de sexe, ni de couleur » .
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