Des femmes nubiennes qui se défoulent en suivant le rythme.
Après avoir présenté, dans de précédentes expositions, le corps de la femme dans un cadre dramatique — mettant l’accent sur sa condition sociale ou traitant de sujets comme le célibat, la maternité ou la stérilité —, l’artiste-peintre d’origine nubienne Mervat Chazli a choisi cette fois de peindre les femmes du Sud différemment. Il s’agit de femmes qui affirment leur existence en faisant la fête. Et ce, à travers des scènes de danse dans lesquelles elles se montrent plus belles que jamais, sous l’effet de la joie de vivre.
Les quelques trente peintures à l’huile exposées à la galerie Picasso à Zamalek portent toutes quelque chose de très traditionnel et de très moderne à la fois. « Je me suis libérée cette fois-ci des contraintes académiques pour aller plus vers un expressionnisme abstrait ou une abstraction figurative. D’où une plus grande spontanéité gestuelle et émotive », déclare Mervat Chazli. Ainsi, ses peintures montrent des femmes en harmonie, festives et joyeuses, tout en mouvement, sans que leur unisson les étouffe ou porte atteinte à leur liberté. Bien au contraire, ce sont des femmes autonomes et très à l’aise. « Mon travail n’a rien à voir avec les clichés de la danse orientale qui invitent à contempler indignement le corps de la femme ou à stimuler le désir des hommes. J’ai opté plutôt pour des mises en scène décentes de danses de mariage dans un cercle familial ou tribal, qui préservent le patrimoine de la Nubie », explique Chazli.
L’artiste fait tout de même une place aux hommes dans ses peintures, côte à côte avec ses protagonistes femmes. C’est le cas notamment dans son oeuvre Araghid (selon le nom d’une danse traditionnelle nubienne). « Cette danse associe hommes et femmes dans des cercles suivant la cadence. C’est un bon moyen de faire connaissance », souligne Chazli. Et d’ajouter : « Mes peintures traitent des différents aspects de la vie sociale. La femme est la mère, l’épouse, la déesse et la soeur. Les Nubiens n’ont jamais cherché à restreindre la liberté des femmes ».
Foisonnement de couleurs
A l’aide d’une palette aux couleurs de l’arc-en-ciel, Mervat Chazli donne à l’ensemble de ses oeuvres un mouvement extrêmement énergique. Les couleurs, mais aussi les agencements et les compositions sont cohérents et non détachés de l’environnement nubien. « Côte à côte, main dans la main, mes personnages sont très liés. C’est leur union qui fait leur force. Cela dit, je n’ai pas laissé les femmes agir en cavalières seules ; elles ne monopolisent pas le pouvoir », précise l’artiste.
Mervat Chazli ne manque pas de poétiser son environnement, ses ressentis et ses divers états d’âme. « Mon exposition invite au questionnement et à la rêverie », précise-t-elle, qui, tout en mettant l’accent sur la joie de vivre, n’omet pas de faire place à l’ironie sociale. Un coq, un poisson, un corbeau, un chat, etc., autant de symboles iconographiques, souvent dessinés sur les murs et les maisons de Nubie, sont repris par Chazli. « Le corbeau, c’est la corruption. Le chat, l’hypocrisie, et le coq, la société qui nous entoure. Le poisson représente la vie et l’oiseau, la paix recherchée », conclut Chazli, qui est aussi détentrice d’une thèse de doctorat sur L’Inspiration nubienne dans l’art contemporain. Un thème qu’elle a excellé à développer par cette dernière exposition en date à la galerie Picasso .
Jusqu’au 1er février, de 10h30 à 21h (sauf le dimanche). 30, rue Hassan Assem, Zamalek.
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