L’artiste-peintre Omar Abdel-Zaher, connu par son art qui peint d’habitude des scènes très chaleureuses du quotidien de sa région natale, la Nubie, tente une nouvelle expérience très réussie à la galerie Khan Maghrabi. Cette fois-ci, sous le titre Mer et Nil et avec une fantaisie imaginative, dotée d’un certain réalisme, Abdel-Zaher peint tout un monde de pêcheurs, soit au bord de la mer, notamment au lac Borollos, soit au bord du Nil, à Assouan. Il s’agit d’un artiste très soucieux, dans sa nouvelle série de peintures à l’huile, qui travaille la composition avec un « emblème du vécu ». Une composition très cohérente, riche en motifs populaires, coptes et pharaoniques. Le tout est intimement en interaction avec des protagonistes, hommes et femmes, qui, unis en duo, en trio ou en masse, et en complète distorsion, portent une âme très égyptienne. Une manière de s’écarter de la tradition classique et académique étudiée, à la recherche d’un nouveau langage artistique.
Déformer donc volontairement les corps des protagonistes donne lieu à des interprétations plus libres. L’artiste le confirme: « Le corps est peint, non pas en tant qu’objet représenté, mais en tant que symbole du vécu ». Et pour le faire, Abdel-Zaher trouve dans le monde maritime, de la mer ou du Nil, une terre fertile d’expérimentations qui puisent sa matière dans différentes sources d’inspirations, à saveur purement égyptienne : héritage traditionnel et populaire, ornementations folkloriques et nubiennes, dessins simples et stylisés, contraste ente le bleu de la mer, symbole de vérité, ou le vert des crues du Nil, symbole d’espérance, avec d’autres couleurs terreuses et une mise en valeur des profondeurs humaines. Des talismans, signes et symboles nostalgiques aux infimes détails flottent à la surface des peintures. Voici des filets, des cafés, des pêcheurs qui sirotent un thé, une petite barque à la proue allongée (synonyme dans la pensée égyptienne de véhicule des dieux ou des êtres en cours de divinisation), ou encore des poissons (synonyme de fertilité et de bonté). Le tout est animé par des protagonistes à postures pharaoniques et aux traits nubiens (des yeux larges, une peau brune, des lèvres épaisses...). Autant de langages visuels significatifs, dans des compositions bizarres et hors normes, capables de perturber la vision du récepteur et de rompre avec l’uniformité des peintures de Abdel-Zaher.
Un monde de pêcheurs
Dans l’une des peintures, intitulée Al-Sabahiya (le lendemain des noces), Abdel-Zaher peint brillamment tout un monde de pêcheurs installés dans une ambiance différente. Voici des pêcheurs, hommes et des femmes, célébrant avec un couple de nouveaux mariés le lendemain de leurs noces. Une merveilleuse scène allégorique faisant appel à celle d’un sacrifice ou d’une offrande rituelle et sacrée, pratiquée au temps des pharaons. Dans une autre peinture, intitulée Guéziret Heissa (l’île de Hesse en Nubie), Abdel-Zaher accentue tout un monde féminin de pêcheuses qui, aux cheveux ondulés et en l’air, aux yeux larges et aux lèvres volumineuses, sont entourées de poissons multicolores, miroirs de l’île de Hesse aux maisons multicolores. D’où un contraste ente les couleurs chaudes et froides. Il y a toujours du rouge, du vert, du jaune et de l’orange, et surtout du bleu qui domine la scène. Le bleu chez Abdel-Zaher est une couleur qui aspire à une vie paisible et pleine de promesses. Ceci, loin du chaos et des soucis. « L’île de Hesse, où vivent des Nubiens depuis des milliers d’années, est l’unique village en Nubie que les habitants n’ont jamais abandonné. Dépourvus d’animaux ou de plantes, et donc de tout moyen de subsistance, les hommes originaires de cette île n’ont qu’à traverser le Nil, avec leurs barques, à la recherche d’un travail à Assouan. Ce qui fait que ce sont les femmes qui dominent la scène. Seules elles survivent dans cette île, gardent les enfants et pratiquent la pêche », explique Abdel-Zaher. Un artiste qui a choisi de faire son doctorat en Art primitif. Ses peintures rappellent celles des gens de la caverne qui vivent isolés, à l’écart du monde.
Peindre un état d’âme
« C’est vrai, peindre la mer aux horizons plus étendus, ou le Nil aux paysages plus limités, c’est peindre deux ambiances différentes, l’une tumultueuse et vague, l’autre est calme et paisible. Néanmoins, l’ensemble de mes peintures exposées sont cohérentes. Car la vie des pêcheurs est la même partout. En djellaba aux bords du Nil, ou en pantalon de pêche au lac Borollos, l’exposition est symbolique et imaginative. Elle puise dans le plus profond de l’âme humaine », déclare Abdel-Zaher qui installe ses personnages familiers, à la fois philanthropes et fantasmagoriques, dans son propre monde maritime, réinventé ou rêvé. Un monde riche en sentiments et en mystères .
Jusqu’au 20 janvier, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 18, rue Al-Mansour Mohamad, Zamalek.
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