175 films de 53 pays au programme, dont plusieurs coups de coeur européens, l’Australie comme invitée d’honneur et l’Egypte absente de la compétition officielle, tels sont les principaux traits de cette 39e édition du Festival du film du Caire, essentiellement sponsorisé cette année par le groupe de chaînes télévisées dmc. Le festival postule plus que jamais sa tradition universaliste en donnant la chance à des cinémas jusqu’alors peu représentés dans ses sélections officielles. Des productions du Vietnam, de Colombie, d’Azerbaïdjan ou de Slovaquie vont côtoyer celles hollywoodiennes et européennes.
Parmi les 15 films choisis pour la compétition figure Une saison en France, le nouveau film du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, qu’il vient de tourner avant d’être nommé ministre de la Culture et du Tourisme au Tchad. Ce film tourné en France raconte le quotidien difficile d’un demandeur d’asile centrafricain. Il s’agit de Abbas, un ancien professeur de français en Centrafrique, qui vit depuis presque deux ans en France. Travaillant sur les marchés, il réussit à construire des liens, notamment avec une belle fleuriste jouée par Sandrine Bonnaire, toutefois, il se trouve toujours hanté par le fantôme de sa femme, morte en Afrique. Une fois sa demande d’asile rejetée, Abbas va devoir choisir entre partir ou tomber dans la clandestinité.
Toujours en compétition officielle, il y a le film InSyriated (en Syrie) du réalisateur belge Philippe Van Leeuw, et qui a été primé à trois reprises lors du Festival du film francophone d’Angoulême. Prix du public au Festival de Berlin, ce huis clos pendant la guerre en Syrie n’a cessé de collecter les prix depuis des mois. Deuxième long métrage de son réalisateur, cette coproduction franco-belge aborde le quotidien d’une famille vivant toujours en Syrie.
En lice également Tunis By Night (Tunis, la nuit), le nouveau film d’Elyes Baccar, est le seul film arabe en compétition cette année. Après son film Elle et Lui sorti en 2004, Elyes Baccar signe son deuxième long métrage de fiction, un drame de 112 minutes qu’il a commencé à tourner en 2015. Pour son nouveau film, le cinéaste a réuni dans son casting Raouf Ben Amor, Amel Hedhili, Amira Chebli et Helmi Dridi. Il y raconte l’histoire de Youssef qui s’apprête à prendre sa retraite après avoir travaillé pendant une vingtaine d’années au service de la radio nationale tunisienne. L’intrigue se situe le soir du 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, quelques heures après l’auto-immolation de Mohamed Bouaziz, alors qu’il donne la dernière émission de Tunis By Night. Le film retrace alors l’histoire d’une famille déchirée par les conflits, porteuse de deux visions du monde totalement opposées. Entre le frère islamiste et la fille qui se veut libérée, un grand gouffre, approfondi par les différends entre un père portant l’allure de l’intellectuel et une mère conservatrice. Le film « peint avec finesse les contrastes fondés sur les rapports à la politique, à la religion, au corps et à la pensée », a affirmé Baccar dans la presse, lors de la première projection de son film.
Les vingt-deux films en compétition pour la Pyramide d’or seront soumis au jury présidé par le comédien égyptien Hussein Fahmi. Le réalisateur égyptien Khaïri Bichara, le producteur et réalisateur palestinien Hani Abou-Assaad, le scénariste tchèque Peter Vaclav Fedres, l’auteur et chef de photo australien Scott Hillier, le producteur et distributeur chinois Jack Lee, l’écrivaine indienne, également productrice et journaliste, Kiran, la comédienne française Fabienne Babe et la comédienne syrienne Kinda Allouch sont les membres du jury 2017.
Pas de films égyptiens en compétition officielle
Aucun film égyptien n’est présent cette année parmi les concurrents dans la compétition officielle du festival. La rareté des films égyptiens participants qui a marqué les dernières éditions s’est transformée cette année en une absence totale. De quoi mettre la question suivante sur le tapis : Est-ce que les festivals en Egypte ont perdu de leur aura aux yeux des producteurs égyptiens qui préfèrent participer aux compétitions des autres festivals internationaux, y compris ceux arabes tels le Festival de Dubaï ou celui d’Abu-Dhabi ? La réponse est malheureusement trop évidente.
Par ailleurs, un panorama spécial sera réservé aux récents films égyptiens, sortis entre 2016 et 2017, tels Cheikh Jackson de Amr Salama, Al-Asléyine (les originaux) de Marwan Hamed, Youm Lil Settat (journée pour les femmes) de Kamla Abou-Zikri, Photocopie de Tamer Achri, Akhdar Yabès (vert sec) de Mohamad Hammad, Ali Méeza et Ibrahim de Chérif Al-Bendari et Mawlana de Magdi Ahmad Ali. Et ce, sans oublier le documentaire Jeanne D’arc Al-Masriya (Jeanne D’arc, l’Egyptienne), de la réalisatrice Iman Kamel. Il s’agit d’une manière de contourner l’absence des films égyptiens en compétition officielle et de faire découvrir aux festivaliers étrangers le cinéma local, contemporain, à travers une panoplie de ses meilleures productions.
Toujours sur le plan des nouveaux panoramas, une sélection de 6 films français portant la signature de jeunes réalisatrices françaises est programmée cette année, regroupant des films tels que Corniche Kennedy réalisé par Dominique Cabrera, Bird People de Pascale Ferran, Bande de filles réalisé par Céline Sciamma et Camille Redouble de Noémie Lvovsky.
Trois tables rondes sont prévues, l’une est axée autour du thème « Les Challenges du cinéma égyptien », discutant les nouveaux problèmes envisagés par le cinéma du pays, y compris le piratage, l’hégémonie de certains producteurs, l’absence de films égyptiens dans les festivals locaux ... La deuxième table ronde a pour titre « Netflix et l’avenir de la distribution cinématographique », alors que le troisième colloque aborde « La Violence contre la femme et les images de ce phénomène dans le cinéma ».
Hommages en série
Cette édition est dédiée à la star mythique Chadia, chanteuse et comédienne égyptienne qui a enrichi le cinéma et qui a été récemment hospitalisée. En même temps, le festival rend hommage au comédien égyptien Samir Ghanem pour l’ensemble de ses oeuvres, ainsi qu’au comédien égyptien Magued Al-Kidwani et la Tunisienne Hind Sabri. Et ce, outre un hommage spécial aux cinéastes et critiques décédés lors de l’année passée, dont les critiques Samir Farid, Ahmad Al-Hadari, Fawzi Soliman, Yaacoub Wahbi, Moustapha Darwich, Mohamad Abdel-Fattah, ainsi que les deux cinéastes, la Française Jeanne Moreau et le Libanais Jean Chamoun.
Une gamme de films prometteurs et un lot d’idées nouvelles accompagnent l’ouverture du Festival du film du Caire. Cette nouvelle édition se veut plus énergique et engagée que d’habitude. A ne pas rater.
Pour le programme détaillé, à consulter le site du festival www.ciff.org.eg
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