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Sorciers des temps modernes

Soheir Fahmi, Lundi, 06 novembre 2017

Dans sa nouvelle exposition à la galerie Al-Asséma, Omar Al-Fayoumi nous surprend, tout en restant fidèle à son monde de portraits aux mille visages.

Sorciers des temps modernes
Des visages qui cachent maladroitement les âmes.

Dans un coin du café où il a l’ha­bitude de s’installer, Omar Al-Fayoumi siège, heureux de se retrouver en compagnie d’autres qu’il affectionne. Qu’importe s’il les connaît ou pas, ces êtres humains dispersés autour de lui réchauffent son coeur. Le café reflète exactement l’âme de cet artiste tellement particulier qui ne peut se passer des êtres humains, et surtout de leurs visages qui cachent maladroitement une partie de leurs âmes sous les masques de leur quotidien. Dans ses oeuvres, Omar Al-Fayoumi n’est jamais loin de ces visages qu’il ne cesse de sonder avec amour. Dans un retour aux sources, il va même puiser dans les Portraits du Fayoum, un prolongement de ce monde d’êtres humains, mais surtout de femmes aux visages imperméables, qui en disent long sur leurs âmes.

Touchant au monde du portrait qu’il ne cesse d’approcher, Al-Fayoumi cumule les expositions sur les cafés et leurs clients : des gens simples et des portraits qui revêtent toute une panoplie d’amis, mais aussi d’in­connus.

Dans sa nouvelle exposition, il nous sur­prend. Sans trop s’éloigner de son monde de prédilection, celui des cafés et des visages, il nous plonge dans le mythe et la magie. Ils sont là ces magiciens du monde moderne qui déforment nos vies et n’arrivent pas à cacher leurs cornes qui garnissent leurs crânes de manière fantaisiste. Même lorsqu’il veut incarner ces magiciens qui nous veulent du mal, il ne peut s’empêcher de nous faire sou­rire. Car Al-Fayoumi sait qu’ils sont éphé­mères. Même si la réalité est dure et ne nous convient pas, il la sait dérisoire.

Visages aux cornes
Dans leurs visages bariolés en bleu, vert ou orange, ils sont prétentieux et arrogants, mais comiques. Al-Fayoumi a un regard sans complaisance sur ces hommes pour la plu­part en costume — cravate — qui lèvent leur index pour nous intimider, ou qui froncent les sourcils. L’artiste les dépeint avec humour et sarcasme. Quelquefois, il les habille de camisoles de force, faisant illusion à leur folie. Ces nouveaux monstres de nos temps modernes n’auront pas le dernier mot. Ce peintre, en s’éloignant des visages sereins ou tristes de ces précédents portraits, porte un nouveau message sur ce qui peuple notre monde contemporain.

Les couleurs sont franches et fortes ; les visages sont déformés. Les corps sont à peine perceptibles, mais les cornes jaillissent ça et là et les regards sont fourbes et dissi­mulés. Un ange prend la position de prière et ses ailes surgissent des deux côtés du corps. Cependant, on s’aperçoit, sans trop de peine, que des cornes jaillissent sur la tête de ce diable qui se camoufle en ange gardien. D’ailleurs, il est évident pour le spectateur, qui fait partie prenante de cette exposition, que ces êtres qui nous regardent sont très laids et bien loin de notre monde.

Ces nouveaux magiciens ou sorciers, qui croient qu’ils viendront à bout de nos rêves, essayent de se mouvoir en groupes pour cacher cette vulnérabilité que le peintre tient à démontrer. Ils avancent en se dressant devant nous, à deux ou à trois. L’espace de la planche est étroit pour leurs cornes ; ils complotent ensemble des stratégies comiques. L’artiste les met en scène comme autant de marionnettes dérisoires. Ils sont installés sur des chaises de café, dans cet espace tant chéri par le peintre. Ils veulent s’accaparer de notre monde.

Mais, ça et là, Omar Al-Fayoumi garde le rêve et la nostalgie d’un monde meilleur, en peignant des portraits de couple en couleurs douces ou des visages paisibles en attente. Il contrebalance la haine des visages aux cornes. Des femmes se dressent dans des cadres ovales, comme autant d’icônes aux grands yeux profonds qui prolongent notre monde familier. Sans trop s’éloigner de son monde de prédilection, les portraits et les cafés, lieux de rencontres et d’échanges, le peintre sait nous surprendre et nous rassurer avec cette dose d’optimisme qu’il maintient.

Al-Fayoumi fait partie de ces artistes qui partent tous les ans au village de pêcheurs de Borollos, pour peindre avec d’autres les barques des gens simples et surtout les murs de leur maison. Il n’est jamais dissocié des problèmes qui nous assaillent et ne veut guère s’éloigner des gens simples .

A la galerie Al-Asséma, Jusqu’au 26 novembre, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 9/11, Al-Guézira Al-Wosta, Zamalek.

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