
Les jeunes de la troisième promotion maitrisent le chant et la danse.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
Quand vous entrez dans la salle de théâtre du centre Ibdaa, une ambiance tendue règne. Une musique inquiétante se joue et cinq comédiens armés de mitraillettes vous regardent avec méfiance. Ils surveillent et jouent les gardiens des planches, lieu d’un pays situé dans l’avenir. C’est ainsi que débute la pièce de théâtre Sallem Nafsak (livrez-vous), montée par Khaled Galal et qui témoigne des talents d’une trentaine de comédiens, membres de la troisième promotion du Studio de l’acteur. Il s’agit d’un atelier de formation de comédiens professionnels de trois ans dirigé par Galal lui-même.
Dans Sallem Nafsak, on est dans un espace et dans un avenir lointains où tout est bien contrôlé, propre et mis en place. Un monde où la science et la technologie s’imposent. C’est plutôt un monde de science-fiction où le pays du futur est le modèle avancé de l’utopie. Mais ce pays est pénétré par un être humain de notre société actuelle. Un homme pauvre, instable et troublé, fuyant sa société écrasante. Il constitue une vraie menace pour tous les citoyens de ce pays du futur. Il est arrêté par les gardiens et mis sous surveillance. L’équipe médicale et scientifique affirme son danger et le traite comme un malade atteint d’un virus épidémique. Certains veulent l’exterminer et d’autres cherchent à comprendre son état. Il faut scanner sa mémoire, découvrir ses souvenirs et retrouver en lui l’être humain. L’équipe médicale va essayer de le soigner afin de l’épurer et de l’intégrer à la société. Telle est la ligne dramatique essentielle qui donne naissance ensuite à une série de sketchs musicaux dans laquelle Galal parodie la société égyptienne, oscillant entre mélodrame et farce. Les fichiers de la mémoire de l’homme troublé dénoncent les changements sociaux d’aujourd’hui. Khaled Galal ridiculise tout dans des sketchs de comédie noire où interprétation, intonation, gestuelle, expression du visage et chants sont de mise.
Les fichiers du malade ou de l’étranger s’ouvrent à l’aide de logiciels compliqués. Chaque fichier représente un sketch du quotidien. Le harcèlement, la folie des réseaux sociaux, l’ingratitude des enfants, les rumeurs, l’absence de la morale, le terrorisme, l’amour raté, etc. En fait, la scène de la mobilisation d’un islamiste déclenche les éclats de rire du public. Les leaders, portant des barbes rouges, chantent et interpellent le nouvel islamiste sur les rythmes du hip-hop et du rock. Ebloui par l’univers de la piété et les promesses du paradis, le jeune islamiste est poussé à commettre un attentat suicide. Après sa mort, il retrouve les leaders qui se moquent de lui sur les mêmes rythmes de la chanson de mobilisation.
L’absurde poussé à l’extrême
Dans une autre scène, un voleur demande à son voisin la main de sa fille prostituée. Toutes les discussions attendues dans une situation pareille deviennent contradictoires et exagérées. Le prétendant fait la louange de sa bien-aimée qui n’a aucune éthique. Pourtant, le père refuse le prétendant, voleur et accro aux drogues parce qu’il ne boit pas l’alcool ! L’absurdité est poussée à son paroxysme.
Dans une autre scène, Galal joue avec la nostalgie du passé. Il évoque un amour frivole sur les réseaux sociaux face à celui des années 1940. Tous les maux de la société évoqués sont écrasants. Le malade étranger a perdu son humanité. Le dernier ficher de sa mémoire constitue le seul espoir. Le sketch évoque l’amour de la patrie. Il est capable de revenir à lui, à regagner sa vie et à résoudre tous ces problèmes sociaux écrasants.
Les sketchs nous touchent par un jeu brillant et une comédie noire bien mise en place. En effet, ces sketchs sont le fruit d’un travail collectif et d’improvisation avec les étudiants du Studio de l’acteur qui nous font rire et pleurer à la fois.
Tous les jours à 20h, au centre Ibdaa, terrain de l’Opéra, Guézira. Tél. : 27363446
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