2017, c’est l’année Dalida ! Le Caire célèbre le trentième anniversaire de sa disparition. Le 3 mai 1987, la chanteuse italienne d’origine égyptienne mettait fin à ses jours à Montmartre, accompagnant son geste funeste de ces mots : « La vie m’est insupportable. Pardonnez-moi ... ». Depuis son décès, les ouvrages historiques, artistiques et critiques sur Dalida se sont multipliés, son parcours offrant aux scénaristes une matière à la fois tragique et riche en incidents.
Le film biographique Dalida, signé Lisa Azuelos et projeté pour l’ouverture des Dalidays (du 17 au 19 octobre), à l’Institut Français d’Egypte, évoque la star en tant qu’icône, mais avant tout en tant que femme. Un grand désespoir et une certaine fatalité l’habitent, ce qui le classe dans la catégorie des films importants à voir en 2017, pour le haut sentiment de mélancolie et de déchirement humain qu’il inspire. Tout au long du film, le public se laisse transporter entre les années marquantes de la vie de Dalida — au rythme de ses plus belles chansons. Le point de départ de la trame est bien choisi : sa première tentative de suicide en 1967, qui est aussi sa renaissance. L’oeuvre retrace assez dramatiquement la vie d’Iolanda Gigliotti, la femme, plus que celle de Dalida l’artiste. C’est pourquoi il a été projeté dans le volet Dalida, la femme, le première des volets des Dalidays, suivi par Dalida la comédienne et Dalida la chanteuse.
Au-delà des feux des projecteurs et du glamour, le film essaie de cerner l’être humain, avec ses qualités et ses défauts, ses habitudes, ses routines et ses réactions. « Toutes les femmes veulent être Dalida. Dalida voulait juste être une femme », a souligné la réalisatrice lors d’un entretien à l’occasion de la sortie de son film au début de cette année.
Le film réussit bien à ressusciter le mythe de cette chanteuse à la voix de velours qui, trente ans après sa mort, continue d’éblouir les chroniqueurs et de passionner des millions de fans. Star exaltée, dont on s’est moqué au début, puis qui est entrée dans la légende, elle était une femme aux moeurs bien en avance sur son époque et à la destinée tragique. C’est cette complexité qui se dévoile sous les paillettes que tente de retranscrire Liza Azuelos.
Un premier rôle rayonnant
Cigara Wa Kas (un verre et une cigarette).
Lors des Dalidays, les spectateurs ont aussi pu voir deux films dans lesquels avait joué Dalida. « Nous avons décidé de présenter le tout premier film joué par Dalida et son dernier film, tous deux égyptiens heureusement. Nous avons trouvé logique de jeter la lumière sur son parcours cinématographique et, par là, de dévoiler indirectement son talent de comédienne », ont souligné les organisateurs des Dalidays. Un objectif atteint, puisque Cigara Wa Kas (un verre et une cigarette), réalisé par Niazi Moustapha en 1956, et Al-Youm Al-Sadès (le sixième jour), signé Youssef Chahine en 1986, réussissent à bien résumer un parcours de 30 ans, comportant une dizaine de films.
Commençons par Cigara Wa kas (un verre et une cigarette), avec la danseuse et comédienne Samia Gamal, Kouka et Nabil Al-Alfi en tête d’affiche. C’est dans ce film à petit budget que Dalida — annoncée sur l’affiche par le prénom Dalila — réussit à capter l’attention du public tout en étant face à deux comédiennes de grande renommée. Campant le rôle de Yolanda, une infirmière italienne vivant en Egypte et qui ne cesse de chambouler la vie familiale du chirurgien dont elle est l’assistante, Dalida a excellé — sous la houlette du très talentueux Niazi Moustapha — à jouer le caractère de la femme coquette, attirante, mais méchante. Trois ans plus tard, Dalida a connu un succès encore plus grand à travers son premier film en France, intitulé Brigade des moeurs, signé Maurice Boutel en 1959.
Dalida tragédienne\
Al-Youm Al-Sadès (le sixième jour).
Quant au film Al-Youm Al-Sadès (le sixième jour), seul film égyptien à offrir à Dalida la tête d’affiche, il offre un espace d’interprétation assez vaste. La diva y retrouve la terre égyptienne de ses débuts et domine l’écran sous la direction d’un Chahine en pleine forme et face à un Mohsen Mohieddine à la popularité montante. C’était l’occasion pour la coquette diva de prouver son talent de tragédienne, loin du strass, des parures et de l’image de la belle idole et de redonner un nouveau souffle à sa carrière.
Pas de maquillage, les cheveux couverts par un foulard noir, les ongles coupés, elle incarne dans ce film une grand-mère, Seddiqa, une femme musulmane éteinte et austère, qui se laisse aller à la détresse et à l’indifférence. Elle n’a qu’une seule mission et un seul intérêt : tenter de guérir son petit-fils atteint du choléra, tentative dont le résultat se voit six jours après la contraction de la maladie. Tout au long du film, elle reste froide, lointaine et complètement différente de la créature sensuelle et souriante qui paradait en robes colorées dans presque tous ses autres films.
Si la prestation de Dalida dans ce film n’a, certes, pas fait l’unanimité auprès de son public, son rôle de Seddiqa a été, d’après ses proches, d’une grande importance pour elle, que ce soit sur le plan artistique ou humain. On murmurait même que Dalida n’aurait pas supporté de se voir vieille à l’écran, ce qui l’aurait poussée à plonger encore plus gravement dans la déception qui l’a accompagnée jusqu’à son suicide quelques mois plus tard. Une fin tragique pour celle qui a tant rayonné et illuminé l’écran par ses films et ses chansons.
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