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Des photos alarmantes

May Sélim, Lundi, 09 octobre 2017

Tenue à Amman en février dernier, l’exposition de photos Les Fils barbe­lés, du Jordanien Raed Asfour, a lieu cette semaine au centre Beit El Sura (la maison de la photo). L’exposition dénonce les barrières érigées par l’homme partout dans le monde.

Des photos alarmantes
La statue du Christ emprisonnée.

Ils sont là pour protéger, pour séparer, pour préserver les droits et les frontières, etc. Ainsi, justifie-t-on, la présence des fils de fer barbelés partout dans le monde. Pourtant, avec sa caméra, Raed Asfour s’approche de cette ancienne invention de Joseph Glidden qui remonte aux XVIIIe siècle et capte des histoires de peur, de mutila­tion, de violence et d’emprisonne­ment. « Les fils barbelés ont toujours existé. Mais, de plus en plus, ils s’étendent, s’accumulent et s’affir­ment. Leur présence est devenue une scène banale du quotidien », souligne l’activiste, homme de théâtre, direc­teur du centre Al-Balad à Amman en Jordanie et photographe, Raed Asfour, qui expose une série de pho­tos de fils barbelés à Beit El Sura (la maison de la photo) au Caire.

Tout a commencé pendant un petit séjour à Tunis en 2012. « Il y avait une manifestation dans la rue. Les autorités ont rapidement placé des fils de fer barbelés devant les mani­festants pour les empêcher d’avan­cer. La scène m’a frappé et j’ai voulu la capter », raconte-t-il. Pendant cinq ans de suite, Asfour, voyageant ici et là, a pris plus de 800 photos de fils barbelés. En Egypte, en Jordanie, en Tunisie, au Brésil, etc. Pour le photographe jordanien, c’est la peur de l’Autre qui gère la situation. « Ce n’est pas simplement une question de colonisation ou de conflit arabo-israélien. Dans l’exposition, j’ai fait exprès de ne pas citer les pays où j’ai pris ces photos. Pour moi, la situation est la même partout dans le monde », ajoute-t-il.

Une vingtaine de photos sont affi­chées dans la salle de Beit El Sura. D’autres sont projetées sur un écran télévisé. Et au début de la projec­tion, une dédicace au poète égyptien feu Sayed Hégab, suivie par son poème : « J’aime la mer mugis­sante, et j’adore son cri. Je sens en elle l’envie latente des personnes libres et une vraie vie ». Les mots de Sayed Hégab résument bien le concept de l’exposition. « A Amman, j’ai exposé une quarantaine de pho­tos et j’ai fait une projection d’une autre quarantaine sur un écran gigantesque afin d’implanter le spectateur dans la scène. Le specta­teur pouvait trouver des fils barbe­lés au niveau de sa taille, sentir et vivre leurs effets. Mais à Beit El Sura, l’espace est beaucoup plus limité, ainsi, j’ai refait une sélection des photos affichées dans la salle de l’exposition et celles projetées », explique Asfour.

Magnifique contraste
Dans ses photos, on retrouve sou­vent un magnifique contraste. Des fleurs et des plantes verdâtres der­rière les fils de fer piquants. Des fils rouillés devant un paysage flou au lever du jour, la statue du Christ qui sème la paix et la tolérance face à des fils noirs. Un focus sur un oiseau coloré qui s’arrête entre les fils. Des vagues violentes qui avan­cent et s’infiltrent entre ces barbe­lés, des barques au bord de la mer derrière des cercles de fils de fer. Le drapeau de la Palestine entouré de ces fils, etc. Chaque photo nous raconte une histoire. Les photos en noir et blanc accentuent la situation dramatique. « En prenant quelques photos, j’ai dû affronter les autori­tés. En Palestine, les soldats israé­liens m’ont menacé avec leurs armes. L’éclairage naturel dispo­nible, le temps, la situation où je prends la photo, tous ces éléments déterminent mes cadres, mes angles et le style de ma photographie : en noir et blanc ou en couleurs », explique le photographe qui utilise souvent sa caméra comme moyen de documentation historique et non pas journalistique. « Ces fils barbe­lés sont devenus une partie de notre Histoire humaine. Parfois, je trouve des fils rouillés et d’autres neufs ensemble. On continue à ajouter ces barrières piquantes et l’on s’adapte à leur présence. Les régimes poli­tiques en utilisent et les gens ordi­naires aussi. Ils existent même dans la mer. On se méfie de la nature et de la force des vagues ! c’est incroyable. Le pire est que personne n’agit pour faire disparaître ces fils de fer barbelés », déplore Asfour. Ses photos exposées dénoncent la peur, rejettent les barrières et appel­lent à la liberté. Elles voyageront encore vers Beyrouth et Abu-Dhabi au début de l’an 2018 l

Les fils barbelés, jusqu’au 20 octobre, tous les jours de 14h à 22h (sauf le lundi) à Beit El Sura, 30 rue 15 Maadi. Tél. : 01022043555

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