Fawzi Soliman, avec la réalisatrice Hala Lotfy.
Telle une douce brise d’été. Bye ByeFawzico ». C’est ainsi que la réalisatrice HalaLotfy a exprimé, sur sa page Facebook, sonregret quant au départ de l’un de ses mentors, lecritique Fawzi Soliman, disparu le 3 septembredernier à 91 ans, après quelques semainespassées à l’hôpital. Pourtant, ce baroudeurdu cinéma s’apprêtait, trois mois auparavant,à effectuer son périple estival qui devaitle mener, comme tous les ans, de KarlovyVary à Salzbourg, en passantpar Locarno, Fawzi Solimanétant un invité permanent deces festivals et l’ami de pasmal de leurs organisateurs.
Normalement, les lecteurs d’Al-Ahram Hebdo devaient lire, àcet endroit même, des articlessignés par lui, abordant lesactivités de ces festivals qu’ilcouvre depuis des années, nousfaisant découvrir les talents etles nouveautés des événementsartistiques internationaux.Lorsqu’on croisait FawziSoliman au fameux CaféRiche ou dans les couloirs del’Opéra, où il était souvent,il n’hésitait pas à arrêter soninterlocuteur pour lui conseillerde voir absolument tel ou telfilm. Le critique rodé avaittoujours en tête un titre « à nepas manquer », un nom qu’ilfallait interviewer, peu importaitl’âge. Il était constamment prispar le souci de la vulgarisation,de faire passer l’informationau profit d’un maximum depersonnes.
Pour bien des cinéastes,critiques et cinéphiles, il étaitun père spirituel, comme le souligne SalahHachem, critique vivant à Paris, dans unarticle publié sur le site Cinéma Isis. Il y rendhommage à « tonton Fawzi ou am Fawzi »,comme il l’appelait de son vivant, en écrivant :« Il nous encourageait à être curieux, àvoyager, à lire, à tout regarder, à écrire, àdécouvrir et à nous étonner. Il nous poussait àcultiver le goût de l’aventure. Encore étudiantsà la faculté des lettres de l’Université du Caire,nous lisions ses articles dans la revue Al-Kateb(l’auteur), prisée par les intellectuels arabesà l’époque. On le lisait côte à côte avec AliChalach, Sobhi Chafiq, Ahmad Al-Hadari ...avant de se joindre à eux ». Et d’ajouter :« Fawzi Soliman était un passionné du cinémaqui nous a transmis son amour dans les années1960 et qui nous a emmenés avec lui dans sesvoyages, d’un festival à l’autre, à Cannes,Berlin, Karlovy Vary, … ».
L’après-révolution
En effet, avec Ahmad Al-Hadari et Moustapha Darwich,Fawzi Soliman était une figureemblématique d’une périodemarquée par l’essor de lacritique cinématographique etde l’action culturelle par le film.D’autres comme Samir Faridet Kamal Ramzi, plus jeunes,n’ont pas tardé à leur emboîterle pas. Au lendemain de larévolution des Officiers libres,on comptait déjà 588 longsmétrages à l’actif du Septièmeart égyptien et 354 salles decinéma dans toute l’Egypte. Leréalisme social était de mise àl’écran ainsi que les films surla lutte des classes. Un premierciné-club se créa en 1956, suivid’un Organisme pour le soutiendu cinéma égyptien en 1957, del’Institut supérieur du cinéma auCaire en 1959, de l’Associationpopulaire du cinéma en 1961et de l’Organisme généraldu cinéma égyptien la mêmeannée, chargé de la productionet de la distribution des filmsainsi que du rachat des sallesd’exploitation et des studios des entreprisesprivées. Le régime nassérien s’intéressaitdavantage au rôle du cinéma sur le plansocial et le percevait comme un instrumentd’éducation et de culture. D’où l’émergenced’une génération de critiques, dont FawziSoliman, ayant le souci de la vulgarisation, soità travers les projections-débats ou à travers leslivres, les articles et les traductions, publiésde part et d’autre sur le cinéma égyptien oumondial.
Dans ce contexte, l’Union des critiqueségyptiens du cinéma a vu le jour et a adhéré, en1972, à la Fipresci (Fédération internationalede la presse cinématographique). FawziSoliman en était le secrétaire général pendantplusieurs années. Il était aussi connu pouravoir animé, pendant longtemps, le ciné-clubde l’institut Goethe au Caire, organisant descycles pour les divers cinémas occidentaux,balayant ses courants et tendances, lesprésentant parfois même à Assiout ou àAssouan, en Haute-Egypte. Grâce à ses bonsrapports avec l’institut Goethe, il a lancé unpremier festival sur le cinéma indépendantet a initié plusieurs ateliers de travail oude formation ainsi que des programmesd’échange visant à soutenir les jeunes talentsou à leur ouvrir de nouveaux horizonscinématographiques. Il fut également parmiles fondateurs du Festival d’Alexandrie ducinéma méditerranéen et membre du comitéd’organisation et de sélection du Festivalinternational du Caire.
En 2012, Fawzi Soliman a reçu l’ordre dumérite de la République fédérale d’Allemagnepour ses efforts déployés dans le domainede la culture et de la coopération. Lors de lacérémonie de décoration, une belle énergie sedégageait de la présence de cet homme, qui atoujours su rallier plusieurs générations .
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