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L’histoire au travers des mots

May Sélim, Dimanche, 20 août 2017

Le Syrien Mounir Al-Chaarani, l’Egyptien Mohamad Abla et l’Italien Guido Ballatori puisent diffé­remment dans l’art de la calligraphie. A l’occasion du troisième Forum sur la calligraphie arabe, Al-Chaarani et Abla exposent au Palais des arts jusqu'au 24 août. Et Ballatori passe deux semaines de résidence à Louqsor, pour produire des oeuvres calligraphiques sur la Divine Comédie.

L’histoire au travers des mots
Hommage à Chaarani, au Palais des arts. (Photo:Bassam Al-Zoghby)

Devant ses tableaux, on joue aux devinettes. On essaye de déchiffrer un mot, une phrase. On est à la recherche de références, face au travail du calligraphe syrien Mounir Al-Chaarani. Avec plus de 40 ans de car­rière à son actif, il vient d’être honoré, lors de la troi­sième édition du Forum de la calligraphie arabe, qui s’étend jusqu’au 24 août, au Palais des arts. « Tout petit, je m’intéressais déjà à la calligraphie arabe. J’interrogeais les formes et les différents styles calligra­phiques. Et j’ai conclu, depuis très tôt, que l’histoire de la calligraphie arabe était mal documentée. Il fallait creuser beaucoup plus pour comprendre. Mes recherches m’ont fait découvrir des formes et des styles rarement utilisés. L’évolution de la calligraphie arabe s’est arrêtée durant l’Empire ottoman. A l’époque, on s’intéressait plutôt à mieux dessiner la calligraphie et non pas à la développer. C’est le souci de la technique qui l’emportait », souligne Chaarani qui a décidé de remédier à cette situation, en relevant le défi de faire évoluer et revivre l’art de la calligraphie.

Il part souvent du patrimoine pour développer une calligraphie, à la croisée des disciplines artistiques contemporaines. Ainsi, il a développé l’écriture cou­fique, manipulé le diwani ou revivifié le sonboli (à l’origine formé de lettres séparées). Chaarani mise sur l’attachement des lettres inachevées. « Développer la calligraphie exige de bien maîtriser cet art, tout d’abord. Puis, derrière chaque calligraphie, on peut faire déchaîner l’Histoire », lance le calligraphe syrien, pour qui le fond et la forme se complètent toujours.

Sur l’une de ses toiles, on lit à l’écriture coufique : Men Fadlat Al-Qalb Yatakallam Al-Lissan (de la bonté du coeur, la langue parle). Chaarani respecte la forme compacte de ce style et joue avec ses lignes géométriques. Il leur attribue une cer­taine rondeur et reconstruit la phrase, en reprenant la forme architecturale des coupoles. Le diwani lui permet de varier les styles, dans d’autres tableaux : « Chaque forme d’écriture possède ses secrets. Le mot, la phrase doivent avoir un sens, un message, d’où leur valeur ».

Pour l’artiste, la calligraphie arabe ne se limite pas à la lan­gue du Coran. Ce n’est pas ainsi qu’il se plaît à la décrire. Dans ses oeuvres, il a recours à des vers de poésie, à des proverbes arabes, à des citations mar­quant le souvenir de quelques écrivains contemporains. « Al-Hurufiya est une autre discipline qui n’a rien à avoir avec la calligraphie (il s’agit d’insérer simple­ment les lettres au sein du tableau, et non pas de les rendre à la base même de la composition). Si on parle de l’évolution de la calligraphie, on doit certainement accorder plus d’intérêt à la forme de la lettre. C’est évidemment le point de départ », estime l’artiste, sans nier que le travail exige encore plus d’effort au niveau de la composition même, offerte aux mots, dans le tableau. « Al-Hurufiya emprunte à la peinture les cou­leurs et à la calligraphie les lettres uniquement. Cela permet-il une vraie évolution ? Je ne le crois pas ».

L’artiste est soucieux de développer le genre et de le divulguer auprès des jeunes. Pour ce faire, il anime des ateliers de calligraphie et offre des cours aux personnes intéressées. « Il faut bien former les jeunes calli­graphes et les guider à mieux connaître les secrets de cet art. Ma page sur Facebook est toujours ouverte à toutes sortes de discussions et d’échanges ».

En fait, le calligraphe reconnaît les bienfaits de la technolo­gie numérique. « Je ne peux plus me contenter des techniques traditionnelles. Les calames n’existent plus. J’en garde quelques spécimens, en référence à l’histoire de la calligra­phie. Aujourd’hui, les logiciels typographiques sont devenus des outils indispensables pour le calligraphe », conclut Chaarani .

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