Hommage à Chaarani, au Palais des arts.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
Devant ses tableaux, on joue aux devinettes. On essaye de déchiffrer un mot, une phrase. On est à la recherche de références, face au travail du calligraphe syrien Mounir Al-Chaarani. Avec plus de 40 ans de carrière à son actif, il vient d’être honoré, lors de la troisième édition du Forum de la calligraphie arabe, qui s’étend jusqu’au 24 août, au Palais des arts. «
Tout petit, je m’intéressais déjà à la calligraphie arabe. J’interrogeais les formes et les différents styles calligraphiques. Et j’ai conclu, depuis très tôt, que l’histoire de la calligraphie arabe était mal documentée. Il fallait creuser beaucoup plus pour comprendre. Mes recherches m’ont fait découvrir des formes et des styles rarement utilisés. L’évolution de la calligraphie arabe s’est arrêtée durant l’Empire ottoman. A l’époque, on s’intéressait plutôt à mieux dessiner la calligraphie et non pas à la développer. C’est le souci de la technique qui l’emportait », souligne Chaarani qui a décidé de remédier à cette situation, en relevant le défi de faire évoluer et revivre l’art de la calligraphie.
Il part souvent du patrimoine pour développer une calligraphie, à la croisée des disciplines artistiques contemporaines. Ainsi, il a développé l’écriture coufique, manipulé le diwani ou revivifié le sonboli (à l’origine formé de lettres séparées). Chaarani mise sur l’attachement des lettres inachevées. « Développer la calligraphie exige de bien maîtriser cet art, tout d’abord. Puis, derrière chaque calligraphie, on peut faire déchaîner l’Histoire », lance le calligraphe syrien, pour qui le fond et la forme se complètent toujours.
Sur l’une de ses toiles, on lit à l’écriture coufique : Men Fadlat Al-Qalb Yatakallam Al-Lissan (de la bonté du coeur, la langue parle). Chaarani respecte la forme compacte de ce style et joue avec ses lignes géométriques. Il leur attribue une certaine rondeur et reconstruit la phrase, en reprenant la forme architecturale des coupoles. Le diwani lui permet de varier les styles, dans d’autres tableaux : « Chaque forme d’écriture possède ses secrets. Le mot, la phrase doivent avoir un sens, un message, d’où leur valeur ».
Pour l’artiste, la calligraphie arabe ne se limite pas à la langue du Coran. Ce n’est pas ainsi qu’il se plaît à la décrire. Dans ses oeuvres, il a recours à des vers de poésie, à des proverbes arabes, à des citations marquant le souvenir de quelques écrivains contemporains. « Al-Hurufiya est une autre discipline qui n’a rien à avoir avec la calligraphie (il s’agit d’insérer simplement les lettres au sein du tableau, et non pas de les rendre à la base même de la composition). Si on parle de l’évolution de la calligraphie, on doit certainement accorder plus d’intérêt à la forme de la lettre. C’est évidemment le point de départ », estime l’artiste, sans nier que le travail exige encore plus d’effort au niveau de la composition même, offerte aux mots, dans le tableau. « Al-Hurufiya emprunte à la peinture les couleurs et à la calligraphie les lettres uniquement. Cela permet-il une vraie évolution ? Je ne le crois pas ».
L’artiste est soucieux de développer le genre et de le divulguer auprès des jeunes. Pour ce faire, il anime des ateliers de calligraphie et offre des cours aux personnes intéressées. « Il faut bien former les jeunes calligraphes et les guider à mieux connaître les secrets de cet art. Ma page sur Facebook est toujours ouverte à toutes sortes de discussions et d’échanges ».
En fait, le calligraphe reconnaît les bienfaits de la technologie numérique. « Je ne peux plus me contenter des techniques traditionnelles. Les calames n’existent plus. J’en garde quelques spécimens, en référence à l’histoire de la calligraphie. Aujourd’hui, les logiciels typographiques sont devenus des outils indispensables pour le calligraphe », conclut Chaarani .
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