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Le théâtre, au plaisir des plus jeunes

May Sélim, Lundi, 07 août 2017

Des troupes de théâtre étatiques et indépendantes ont recours à Internet pour faire la promotion de leurs oeuvres et donner un nouvel essor à un genre jusqu'ici mal financé. Coup de projecteur sur les créateurs actuels du théâtre pour enfants.

Le théâtre, au plaisir des plus jeunes

Qui dit théâtre pour enfants en Egypte, dit automatique­ment Théâtre des marion­nettes. Il s’agit d’un théâtre de l’Etat, fondé dans les années1950, et dont la gloire repose surtout sur un nombre de spectacles à succès datant de l’époque nassérienne, comme Al-Leila Al-Kébira (la grande nuit du mouled ou fête foraine commémo­rant un saint), mis en scène par Salah Al-Saqqa. Aujourd’hui, à défaut de budget, la troupe du Théâtre des marionnettes reprend souvent les pièces de son répertoire, datant des années 1960. Actuellement, par exemple, se donne sur les planches du Théâtre des marionnettes à Ataba Sahsah Lamma Yéngah (quand Sahsah réussit), une création signée autrefois Salah Al-Saqqa. En fait, les marionnettes à fils, les guignols, les ombres chinoises attirent toujours le jeune public, d’où un succès main­tenu. Les nouvelles productions sont rares, non seulement à défaut de financement, mais aussi faute de textes.

De plus, les marionnettistes sont de moins en moins nombreux. Afin de former une nouvelle génération intéressée par ce genre de théâtre, les membres de la troupe proposent aux enfants jusqu’à l’âge de 14 ans des ateliers de fabrication de marionnettes, à des frais dérisoires, pendant l’été.

La troupe du Théâtre national pour enfants, fondée dans les années 1980 par le metteur en scène Al-Sayed Radi, connaît désormais un nouvel essor, grâce surtout à des spectacles à succès qu’elle a présentés cette année, à savoir Badr Al-Bodour (pleine lune), Voyage de Nour et Blanche Neige. « Nos spectacles sont souvent présen­tés par des comédiens professionnels et par des enfants formés dans nos ateliers au cours de l’année. Des ate­liers en musique, en arts plastiques, en jeu accueillent les enfants intéres­sés, l’hiver comme l’été. Pendant l’été, cinq jours par semaine, et pen­dant l’hiver, un jour par semaine de 12h à 17h, gratuitement. Nous visons à instruire, à divertir et à présenter des spectacles en phase avec l’enfant d’aujourd’hui », explique Hassan Youssef, directeur de la troupe qui présente ses spectacles sur les planches du théâtre Abdel-Moneim Madbouli, récemment renouvelé (autrefois théâtre Métropole), à Ataba. « Bien que nos activités remontent aux années 1980, nous sommes restés longtemps sans locaux. On trouvait difficilement des planches pour pré­senter nos productions. S’ajoutent à cela les faibles échos médiatiques qu’on avait », souligne Hassan Youssef.

Le public n’était pas au courant des activités de la troupe, mais aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux et aux nouvelles planches, les artistes sont parvenus à mieux annoncer leurs spectacles. La situa­tion est bien meilleure, par rapport à il y a quelques années.

La troupe Wamda (flash) pour les arts de l’aragoz (guignol) et les ombres chinoises, soutenue par le Fonds de développement culturel, est un autre exemple des formations du théâtre de l’Etat ; elle fut créée en 2003 à l’initiative de Nabil Bahgat. La troupe s’intéresse surtout aux marionnettes populaires à gaines et aux ombres chinoises, comme étant des exemples concrets de la culture et de l’identité populaires. Elle se produit tous les week-ends à la maison Al-Séheimi.

Vive les indépendants !

Le théâtre, au plaisir des plus jeunes
Spectacle de guignols par la troupe Wamda (flash).

Mais loin des efforts du théâtre public et des formations financées par l’Etat ou le ministère de la Culture, on a vu récemment plein d’autres initiatives indépendantes, visant à réhabiliter le théâtre pour enfants et à lui donner de beaux jours. Même s’il n’existe pas en Egypte des chiffres bien documen­tés indiquant le nombre de ces troupes indépendantes, on peut quand même dénombrer quatre troupes comme étant les plus en vue. C’est le cas de la troupe et boîte de production alexandrine, Creation Group, fondée et dirigée par Gamal Yaqout. Celle-ci orga­nise, en ce moment, un atelier de jeu, dans ses locaux à Gianaclis. Cet atelier, de deux mois, vise à former de petits comédiens, afin d’interpré­ter le texte de Yaqout Les Fantômes de Hamada. A l’issue de l’atelier, le spectacle sera donné en septembre prochain, sur les planches de la Bibliothèque d’Alexandrie. Pour ce faire, Yaqout compte monter deux versions : l’une sera jouée par les petits talents en herbe, et l’autre sera interprétée par des marion­nettes et des guignols que les enfants fabriquent et manipulent par eux-mêmes. « J’ai commencé à m’inté­resser au théâtre pour enfants, il y a dix ans. Au palais de culture d’Al-Anfouchi, je tenais des répétitions pour l’un de mes spectacles, et les enfants sont venus participer à des ateliers de dessins, organisés par là-bas. Ils ont montré un vif intérêt pour les répétitions et voulaient découvrir le monde du théâtre », raconte Yaqout, le premier à avoir monté un théâtre indépendant pour enfants, à Alexandrie.

Dans le but de surmonter la routine et de fuir les carcans de la bureaucra­tie du théâtre de l’Etat, le marionnet­tiste Mohamad Fawzi a créé, en 2008, sa propre troupe de théâtre pour marionnettes. Il lui a attribué le nom de Kayan Marionnettes (identi­té marionnettes) et a choisi d’instal­ler ses locaux dans le quartier d’Al-Haram. C’est là que se déroulent les répétitions et les réunions, mais pour présenter ses spectacles, il doit s’or­ganiser pour trouver des planches, privées ou publiques. Ce marionnet­tiste, qui a environ 40 ans, a décidé de ne pas baisser les bras et d’échap­per à la tutelle « des dinosaures » du théâtre étatique, pour faire enfin les pièces pour enfants dont il a tant rêvé. Il n’attendra guère ni des meilleurs jours qui peut-être ne vien­dront jamais, ni un financement dif­ficile à obtenir. Ainsi, il a été encou­ragé par la réussite de ses spectacles d’ombres chinoises, présentés dans des festivals internationaux, afin de lancer, l’an dernier, un premier festi­val égyptien international en ligne sur les spectacles pour enfants. Ce festival vise à connecter les marion­nettistes, de par le monde, par l’in­termédiaire des réseaux sociaux. Sous le patronage de l’UNIMAA (union internationale des marionnet­tistes), la première édition s’est tenue, en mars dernier, dans le but de créer une plateforme regroupant les artistes des marionnettes. Ces der­niers peuvent échanger leurs expé­riences et leurs styles, à travers la toile, partageant plus de 70 spec­tacles, diffusés sur la page Facebook du festival, accessible gratuitement aux navigateurs. Internet semble porter une solution miracle à ces artistes, ne trouvant pas autrefois suffisamment d’échos dans la presse traditionnelle.

Par exemple, pour annoncer les activités de l’Association Francophone Cairote des Arts (AFCA), Mohamad Al-Ghawi a créé une page Facebook et un site web, depuis la création de l’association, en 2007. Au départ, l’AFCA, com­posée d’une équipe égyptienne de passionnés, cherchait à programmer des ateliers artistiques pour les étu­diants des établissements franco­phones : un atelier de narration, un autre de dessin, etc. Puis, dans un deuxième temps, l’idée a été d’élar­gir son public, en liant ses ateliers à la société, aux matières enseignées dans les écoles et à la vie quoti­dienne. En 2010, l’AFCA a lancé alors le Festival international Hakawi, proposant des spectacles remarquables venus des quatre coins du monde, mais aussi des pièces pour enfants que les artistes de l’as­sociation ont montées avec des enfants du pays. D’ailleurs, pour les vacances, l’AFCA tient un club d’été, offrant plusieurs ateliers de théâtre aux enfants jusqu’à l’âge de 13 ans. Et les jeunes participants donneront, à la fin du mois d’août, un spectacle inspiré de Harry Potter.

Festivals suspendus

Le théâtre, au plaisir des plus jeunes
Réhlat Nour (voyage de Nour).

Même s’il tente, à son tour, d’orga­niser un festival international sur le théâtre pour enfants, Mohamad Karim semble avoir plus de difficul­tés à poursuivre ses efforts. En 2008, il a créé la fondation Manitone pour le théâtre pour enfants et a donné plusieurs spectacles à succès, notam­ment dans des stations balnéaires comme Hurghada et Charm Al-Cheikh. Ensuite, il a organisé plusieurs festivals pour enfants, par­rainés par le ministère du Tourisme, pendant deux années consécutives. Puis d’un coup, Manitone ne par­vient plus à poursuivre ses festivals. L’absence de touristes a peut-être porté un coup dur à ses activités, mais Karim continue son travail de recherche en la matière, à traduire des textes pour enfants et à préparer d’autres projets des festivals. En attendant, il effectue toutes les démarches bureaucratiques pour obtenir les autorisations nécessaires et être prêt, le moment venu, pour sauter sur l’occasion.

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