« L’art copte, bien qu’il soit un art en lui-même, a toujours composé avec de fortes influences (pharaoniques, gréco-romaines et orientales), aussi bien stylistiques qu’iconographiques », déclare l’artiste Guirguis Lotfi dont l’exposition, à la galerie Art Talks, se dote d’une forte « égyptianité » affermie par le « sacré » ancestral, inspiré de l’art copte. Ses oeuvres témoignent d’une Egypte contemporaine, en mutation, très colorée, vive, massive et chaotique.
Un pied dans le passé, un autre dans le présent, Guirguis Lotfi insiste, non sans nostalgie, sur « la grandeur de l’Egypte, pour faire face à la régression actuelle, en temps des Frères musulmans ». D’où le titre de l’exposition Héya di Misr ya Abla (c’est l’Egypte Abla). Une expression tirée d’un célèbre film d’espionnage … où un responsable des services secrets arrête une espionne pour le compte de l’Etat hébreu, et lui lance cette phrase pour lui rappeler qu’elle a trahi son pays !
Sans pleurer son Egypte, Guirguis Lotfi a favorisé l’idée de la masse, comme pour affirmer l’union de la société, sans distinction religieuse aucune. Et ce, par le biais de protagonistes, aux traits égyptiens, aux grands yeux pénétrants, inquiétants et expressifs, corps tassé, grosse tête bien ronde, parfois inclinée.
Ces protagonistes, en dépit de leurs différences, s’unissent avec force, solidarité et cohérence, dans des scènes « iconographiques » bien animées. D’où leurs tenues, inspirées des postures de statues grecques, avec un halo de sainteté sur la tête. On a même l’impression que chaque protagoniste connaît par coeur le rôle qu’il est tenu de jouer. Voici un roi, un clochard, un soufi, une femme au foyer, une paysanne voilée, une diseuse de bonne aventure, une danseuse orientale, un derviche, un couple, ou encore un saint.
Fusion merveilleuse
De cette fusion de rôles merveilleusement répartis d’une oeuvre à l’autre, le récepteur est invité à écouter une belle symphonie égyptienne. Celle-ci est puisée dans le rituel patrimonial d’une Egypte populaire et millénaire. Une Egypte « éternelle » d’hier et d’aujourd’hui.
L’essence même de cette Egypte est marquée symboliquement par des scènes de zar (exorcisme), d’une fête populaire, d’une soirée de henné (tatouage fait avant la nuit de noces), de séboue (7e jour de la naissance d’un nouveau-né), d’un été alexandrin, des images de martyrs, d’un pèlerinage à La Mecque, Saint Sacrement, etc. Bref, des scènes d’une Egypte dotée d’un riche héritage culturel emprunté aux Mille et une nuits ou les fameux Portraits du Fayoum.
« Si les Portraits du Fayoum, d’un fort réalisme, sont issus de l’art gréco-romain, le processus de leurs momifications est, pour sa part, un procédé caractéristique du monde égyptien », déclare Lotfi, l’un des rares à pratiquer la technique antique des Portraits du Fayoum, dans ses peintures. Cette technique est réalisée à l’encaustique et au papier.
Guirguis Lotfi utilise, pour sa part, une riche palette de couleurs, mélangées à chaud à la cire d’abeille, à de l’huile de lin et au jaune d’oeuf. Ainsi il confère modérément à ses toiles, luminosité, précision et solidité.
Jusqu’au 7 mai, au 8, rue Al-Kamel Mohamad, Zamalek. Tél. :0100 555 0585
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