Egyptian Project, pendant la Fête de la musique.
(Photo: Tarek Hussein)
Il suffit d’entendre les rythmes structurés et les mélodies du violon pour que le public s’adonne à la musique et répète avec Sayed Emam sur scène Mata ya Kéram Al-Hay Aïni Tarakom (quand est-ce que je peux vous voir ?). En djellaba, la voix grave d’Emam s’empare de la scène, ensorcelle le public qui récite par coeur la chanson soufie Saqani Al-Gharam (les gorgées de l’amour). Emam, avec ses collègues, le percussionniste, Ragab Sadeq et le violoniste et joueur de rebab, Salama Metwalli, suivent les tempos, les structures modernes et les touches électroniques gérées par le Français et directeur de la troupe Egyptian Project Jérôme Ettinger. Le public demande ensuite Habibi, ya Sahbi (mon chéri, mon ami) et autres tubes. Fan du métissage entre la musique traditionnelle ethnique égyptienne et celle électronique pop et rock occidentale, Ettinger fonde cette troupe en 2007. En fait, son histoire remonte à une date plus ancienne. « En France, j’assistais aux concerts où jouais le joueur d’arghul égyptien Moustapha Abdel-Aziz. J’ai été attiré par cet instrument difficile et ses sonorités. J’ai ensuite visité l’Egypte plusieurs fois, afin d’apprendre les techniques de jeu et les secrets de cet instrument », raconte Ettinger, qui a essayé, depuis, de percer les secrets des différentes formes de la musique traditionnelle égyptienne. Ainsi il a rencontré le joueur de tabourin, Sadeq Ragab, avec qui il a revisité les rythmes riches des chansons orientales et a redécouvert plusieurs musiciens et chanteurs traditionnels. « J’ai fait beaucoup d’auditions afin de sélectionner les membres d’Egyptian Project. Je cherchais un chanteur ou une chanteuse, un mélodiste et un percussionniste. Ragab Sadeq, Sayed Emam et Salama Metwalli se connaissaient déjà, mais tous les trois n’avaient pas travaillé ensemble avant la fondation de la troupe », explique le directeur d’Egyptian Project.
Au départ, la tâche n’était pas facile. Il fallait trouver un juste équilibre, une harmonie, entre ces artistes égyptiens en djellaba et Jérôme Ettinger, le Français caché derrière son ordinateur. « Il a fallu du temps pour que ces musiciens, qui gardent encore la tradition campagnarde dans le chant et la musique, s’adaptent à une musique structurée. Pour eux, ce qui compte avant tout c’est la liberté de jouer et de chanter. Ils s’adonnent corps et âme à l’improvisation. Maîtrisant l’art modal, celui du maqam, ils montrent leur potentiel sur scène. Alors que la musique européenne, le rock ou le pop, suit une structure définie », explique Ettinger.
Applaudis partout
Le travail d’équipe, les multiples répétitions et concerts ont permis à ces artistes égyptiens de mieux s’adapter. Ettinger a appris les secrets de la musique et des percussions égyptiennes grâce à Ragab Sadeq. Avec beaucoup de passion, il s’est intégré à cette musique qu’il qualifie de « spirituelle » et de « pure ».
« Ragab et Salama ont déjà participé à des tournées avec les troupes du ministère égyptien de la Culture. Ils ont l’habitude de se produire en Europe. Ragab possède le patrimoine et sait parfaitement gérer une troupe. Au départ, Salama était étonné de voir un ordinateur dans un concert, mais par curiosité, il a réussi à s’intégrer et à se retrouver dans cette musique. Salama, avec son apparence tranquille, est devenu le bonbon de la troupe. Lorsqu’il se lève avec son violon ou son rebab, il enflamme la scène. D’ailleurs, Emam, lui, est un vrai maître du chant. Il pratique tout, le chaabi, le soufi, le patrimonial, etc. C’est une star », lance Ettinger. Avec le temps, les musiciens ont appris à se produire ensemble, à mettre de côté leur individualité et les manières de stars.
La troupe, qui a sorti son premier album en 2012, sous le titre Ya Qamar (ô lune), est souvent en tournée, partout dans le monde. Au cours de la même année, ses concerts en Egypte se sont multipliés. « Avec le public égyptien, tout a explosé. On est réclamé partout. Alors à chaque fois qu’on visite l’Egypte, on essaye d’organiser une série de concerts ensemble ». La troupe vise à instaurer, dans un avenir proche, une école de musique patrimoniale égyptienne, afin de transmettre aux plus jeunes les secrets des instruments ethniques et l’art du chant spirituel. « On est une troupe qui représente l’art égyptien traditionnel et on le présente au monde entier. On cherche à tenir des concerts purement acoustiques, misant sur la voix et les sons originaux des instruments ethniques », ajoute Ettinger. Un deuxième album est en cours de préparation. Mais la troupe est en quête de moyens de financement et de sponsors pour pouvoir le lancer bientôt.
La troupe se produit encore le 21 juin à Tivoli Héliopolis et le 22 juin à Up Town. D’autres concerts sont prévus durant le mois de juillet. A suivre sur : www.facebook.com/egyptianproject
Lien court: