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Mariam Naoum : Il y avait très peu d’ouvrages de référence sur l’histoire sociale de Siwa

Mohamed Atef, Mardi, 13 juin 2017

Mariam Naoum est l’une des plus brillantes scénaristes de sa géné­ration. Elle s’est fait remarquer en 2009 par son film Un, zéro, et a fait un tabac durant la première quinzaine du Ramadan, avec le feuille­ton L’Oasis du coucher. Entretien.

Mariam Naoum

Al-Ahram Hebdo : Pourquoi avez-vous choisi d’adapter L’Oasis du coucher, de l’écrivain Bahaa Taher au petit écran ?
Mariam Naoum : Je suis une grande fan de la littérature. A peine ai-je lu le roman que j’ai été fascinée par ses personnages et ses lieux magiques. Le roman est vraiment fantastique, il nous emmène dans des univers peu fréquentés. J’ai été tout de suite tentée d’écrire un scénario qui se déroule dans l’oasis de Siwa, surtout à une époque et dans des circonstances histo­riques, très peu abordées dans les textes litté­raires.

L’idée mijotait dans ma tête depuis 2012. Entre-temps, j’ai travaillé sur d’autres feuille­tons. Et puis un jour, j’ai proposé au producteur Gamal Al-Adl d’adapter L’Osasis du coucher au petit écran. Il s’est montré très enthousiaste et l’on a commencé à s’y atteler.

— Quels étaient les principaux défis à rele­ver ?
— Le défi est toujours le même lorsqu’il s’agit d’adapter un texte littéraire à l’écran, à savoir comment transformer des sentiments impalpables, tels ressentis par les personnages, en quelque chose de visuel, comment donner corps à ces sentiments. La plupart des textes littéraires mettent en scène des voix intérieures, des « moi » qui se racontent. Et c’est donc au scénariste de travailler dessus pour les extério­riser. C’est exactement ce qui s’est passé avec L’Oasis du coucher.

De plus, il y avait la difficulté de représenter une époque historique, très peu couverte par les diverses références, notamment visuelles. Il fallait donc relever ce défi au niveau des acces­soires, de la réalisation, etc. Car, il n’y a presque pas d’ouvrages qui traitent de l’histoire sociale de l’oasis de Siwa.

Par exemple, en préparant l’histoire de Zat de Sonallah Ibrahim, j’ai trouvé pas mal de réfé­rences sur les années 1950, 1960 et 1970, mais ce ne fut aucunement le cas pour l’oasis de Siwa au XIXe siècle. J’ai dû compter essentiellement sur les mémoires de personnes qui ont vécu cette époque et sur certains récits de voyage.

Mariam Naoum
Une histoire d'amour, dans un cadre pittoresque.

— Y a-t-il donc un brin d’exotisme ou d’orientalisme qui se dégage de cette oeuvre ?
— C’est ce que j’ai essayé d’éviter à tout prix. Lorsque je me retrouvais face à des détails que je jugeais peu conformes à la réa­lité culturelle égyptienne, je n’hésitais pas à recourir à ma propre imagination pour recons­tituer l’image d’une époque.

— Etiez-vous en contact avec l’écrivain Bahaa Taher pendant l’écriture ?
— Tout d’abord, je voudrais le remercier pour avoir accepté d’adapter son oeuvre à l’écran. Nous avons eu quelques conversations d’ordre général sur le roman, et puis, j’avais toute la liberté d’en faire ce que je voulais.

— Y a-t-il une projection politique ou des liens avec le contexte actuel ?
— Ce n’est sans doute pas voulu. Je n’ai quasiment pas changé les événements origi­naux du roman. Je comprends que d’aucuns ont dû faire le lien entre le bombardement d’Alexandrie au XIXe siècle et la révolution de janvier 2011 ; parfois les personnages du roman parlent comme les Egyptiens il y a cinq ans, mais je ne l’ai pas fait exprès. C’est l’histoire qui se répète, tout court. Comment pourrais-je évi­ter cet état de fait, de peur d’être accusée de faire de la projection et de vouloir tordre les événements de l’histoire pour servir mon texte ou mon point de vue ? Les émeutes qui ont suivi le bombardement d’Alexandrie, les maga­sins cambriolés, etc., tous ces détails proviennent des registres de l’en­quête officielle ouverte à l’époque. Je n’ai rien inventé.

— Pensez-vous que le côté visuel ait pris le dessus, faisant de l’ombre à l’écriture dra­matique ?
— Toujours lorsqu’il est question d’oeuvres historiques, l’aspect visuel (décor, accessoires, éclairage) attire l’atten­tion des spectateurs, mais ce n’est pas ce qui définit l’oeuvre, on ne peut pas le juger selon ces seuls critères. Une oeuvre dramatique, qu’il s’agisse d’un film ou d’un feuilleton, doit être jugée différemment, dans son ensemble, en tenant compte de ses diverses composantes.

— Vous avez tra­vaillé jusqu’à l’épisode numéro 18, après, c’est la scénariste Hala Al-Zaghandi qui a pris la relève, à la suite d’un désaccord avec l’équipe du feuilleton. Qu’en dites-vous ?
— Je suis sûre que Hala Al-Zaghandi a essayé de rester la plus fidèle à l’esprit de la première moitié, afin de maintenir le rythme. Car la réalisatrice Kamla Abou-Zikri y a tenu dès le début un rythme très particulier, que d’aucuns ont jugé un peu lent.

— Y a-t-il une coordination au niveau de l’écriture ?
— Je travaillais en direct avec Ahmad Badawi lequel s’est penché sur l’écriture des dialogues, mais je ne suis pas du tout en contact avec Hala Al-Zaghandi. Finalement, c’est au public de juger l’oeuvre dans son ensemble.

— Jusqu’ici vous avez tourné pas mal d’oeuvres avec la réalisatrice Kamla Abou-Zikri, vous avez constitué un duo à succès. Le désaccord actuel mettra-t-il fin à cette coopération ?
— J’ai travaillé avec Kamla, mais aussi avec plusieurs d’autres. J’ai même tourné plus de feuilletons avec d’autres réalisateurs qu’avec elle.

— Avez-vous un projet sur les rails ?
— Oui. Je travaille sur un feuilleton pour le Ramadan prochain. Je ne peux en révéler les détails pour le moment .

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