A l’occasion de sa 28e édition,tenue du 12 au 18 septembre, le Festival du film d’Alexandrie a rendu hommage au cinéma syrien. Il présentait un large panorama d’œuvres dont un long métrage de la réalisatrice syrienne Waha Al-Raheb. Toutefois, la veille de la projection, la direction du festival a déclaré être contrainte à retirer le film de son programme, après que l’Institution syrienne du cinéma eut réclamé aux responsables de déprogrammer le film pour raisons politiques.
Un retrait qui a mécontenté plusieurs artistes syriens présents au festival. Datant de 2003, le film était prévu dans la section Le rôle du cinéma dans le soutien de la révolution syrienne. Il traite de la vie quotidienne en Syrie, à travers l’histoire d’une jeune fille rêveuse qui, face à l’oppression de ses parents, décide d’aller chercher sa liberté loin de sa famille et de sa communauté. « C’est un thème symbolique qui relate les contraintes dont les citoyens syriens — et surtout les artistes — souffrent sous le régime actuel »,explique la réalisatrice du film.
« Nous, les artistes, sommes parmi les plus touchés par ce que vit notre pays actuellement. Nous sommes pourchassés pour la simple raison que nous voulons rester le reflet de notre société. Les contraintes sont chaque jour plus dures et la guerre broie chaque jour les vies de centaines de nos frères »,regrette Waha Al-Raheb.
Face aux risques qu’encourent certains cinéastes, la direction du festival a aussi décidé de garder secrets les noms de trois réalisateurs syriens, par peur de leur créer des ennuis.
« On a pris la décision d’organiser ce programme de films syriens afin d’affirmer notre soutien au peuple syrien qui s’est trouvé du jour au lendemain sujet à toutes sortes de répressions », précise le critique Walid Seif, président du festival. « Notre manifestation vise à soutenir le peuple syrien et sa jeunesse et à maintenir éveillée l’opinion publique sur le drame qui se joue en Syrie »,ajoute-t-il.
Le bouquet de films syriens a été projeté au cours d’une cérémonie d’hommage à Tamer Al-Awwam, assassiné il y a quelques jours — le 9 septembre — par les forces du régime syrien, après avoir crié à travers son documentaire Souvenirs sur les bords : « Cessez le feu, nous sommes un peuple qui mérite la vie ! ».
Festival politique
Notons également la présence des films Al-Aachab al-motaallema (les herbes souffrantes), Ala hodoud Omar Al-Mokhtar (sur les bornes de Omar Al-Mokhtar), Haguez (bordure), Ahmar sourya fe guahim al-qame (le rouge syrien dans l’enfer de l’oppression) et Kan yama kan, ma ad feeh makan (il était une fois, il n’y a plus de place).
Plusieurs écrivains et artistes arabesont aussi apporté leur soutien à la révolution syrienne. Un double colloque a été tenu à Alexandrie et au Caire dans le but de discuter des problèmes que rencontrent les cinéastes et artistes syriens pour faire entendre leur voix de par le monde. « Ils veulent dire ce que des millions de citoyens syriens n’arrivent pas à dire sous le joug du régime d’Al-Assad »,souligne l’artiste Abdel-Rahman Al-Qotayfane.
Depuis le début du soulèvement en Syrie, nombre d’intellectuels et de célébrités ont pris position, suscitant des émotions parfois contradictoires au sein de la population.
« Destiné à nos collègues de Syrie, il va de soi que notre message lancé aujourd’hui à partir de l’Egypte s’adresse au peuple syrien, victime d’un régime dominateur, puisqu’il va jusqu’à torturer et tuer des vieillards aussi bien que des enfants, ce qui représente un crime contre l’humanité »,affirme pour sa part le poète syrien, Hakam Al-Baba.
Un message accueilli par des ovations lors du colloque tenu au Caire par le magazine Horreyati, en marge du soutien des intellectuels égyptiens aux artistes syriens.
Certaines figures égyptiennes ont toutefois adressé, lors des colloques, certaines critiques aux artistes syriens. Le critique Magdi Al-Tayeb a notamment accusé ces Syriens « d’avoir fui leur pays pour se réfugier ailleurs ». Selon lui, « les réalisateurs, scénaristes et autres acteurs syriens n’ont pas été à l’origine du mouvement et n’ont fait que suivre la rue ».
L’écrivain Hakam Al-Baba résume la situation : « Voilà bientôt un an que nous sommes confrontés à la répression d’un régime impitoyable, qui ne tient aucun compte de la réprobation internationale. Les écrivains et les artistes syriens ont déjà payé un lourd tribut. Certains d’entre eux, interdits de publication, ont connu la prison, la torture, l’exil ou même la mort. Alors, le fait de fuir cette barbarie pour se défendre intellectuellement et artistiquement de n’importe où dans le monde ne constitue pas de résignation, mais au contraire une obstination ! ».
Reste à mentionner que même si la guerre en Syrie ne cesse de faire tous les jours plus de victimes, les artistes syriens restent actifs. « Le potentiel artistique demeure. Aujourd’hui, à l’extérieur du pays, des Syriens continuent de produire, d’écrire, de peindre ... »,affirme le comédien syrien Gamal Soliman. Avant de lancer le souhait que la guerre cesse pour que tous puissent revenir au paysl
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