Depuis ces dernières années, les cinéastes maghrébins n’ont plus rien à envier aux spécialistes mondiaux du septième art. Au Maroc, des films réalisés par Narjiss Ennejjar, Nabil Ayouch et Faouzi Bensaidi ont brisé plusieurs tabous en traitant de la prostitution, de la drogue, de la superstition ... Les films d’action se sont également fait une belle place au soleil grâce à un talentueux Noureddine Lakhmari.
Quant à l’Algérie, révolue l’ère où le cinéma fut utilisé à des fins de propagande par la France ! Le pays produit ses films à une vitesse grand «V ». Réalisé en 2010, La Chine est encore loin du Franco-Algérien Malek Bensmaïl a, contrairement à l’intitulé du film, fait le tour du monde en moins de deux ans. Nader Moknèche et Merzak Allouache ont, eux, fait du cinéma algérien une nouvelle école artistique au niveau des pays arabes. Toutefois, selon le critique algérien Ahmed Bedjaoui, « l’Algérie ne produit pas au même rythme que l’Egypte qui a l’avantage de posséder une vraie industrie cinématographique ».
Il ajoute que force est de constater que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont un « public cinéphile exigeant. Chose qui a donné beaucoup de films de qualité et autant de prix internationaux ».
Comme le précise le spécialiste, au cours de la première décennie de l’indépendance, le cinéma algérien disposait de deux fois plus de salles que l’Egypte. Un fait qui permettait de financer la production par les revenus des entrées directes au guichet. « Le cinéma algérien jusqu’à la fin des années 1980 était entre les mains de l’Etat. Les sociétés publiques ont fait faillite avec la fermeture des salles. Un point qui montre qu’auparavant, c’est le spectateur qui finançait la production ».
Ce n’est qu’en 1997 que la production algérienne est transférée au secteur privé, mais sans moyens transitoires. La production a pu, tout de même, vivoter à travers des cinéastes qui ont continué à se battre pour leur métier.
Le Maroc, quant à lui, constitue un quid de la production étrangère. The Bible, Spy Game, Astérix et Obélix et tant d’autres films et séries ont fait du sud marocain — et de ses grandes villes comme Ouarzazate, Taroudant et Marrakech — l’une des premières destinations des producteurs et réalisateurs étrangers. « Les producteurs étrangers se ruent vers le Maroc pour son climat et son soleil, mais aussi et surtout pour la bonne politique financière de ses entités cinématographiques. De même, les formalités administratives relatives au transfert des décors réels sont extrêmement fluides. Par exemple, lorsqu’un producteur étranger exige la présence de 10 000 chevaux à l’endroit du tournage, dès le premier jour du tournage l’entité culturelle ad hoc exécute cette requête en un rien de temps », atteste Mohamad Hefzi, producteur et scénariste égyptien. Certainement, en matière de gestion et de marketing, l’heure est à la communication et à la flexibilité des formalités. L’industrie cinématographique ne déroge pas à cette règle.
Collaborer : le mot-clé à élargir
Au niveau du cinéma tunisien, la coproduction est le seul mot d’ordre. Nombreux sont les producteurs et réalisateurs qui encouragent ce principe à l’échelle maghrébine. D’après plusieurs observateurs, la production tunisienne reste maigre et le nombre de salles de cinéma de ce pays est passé de 82 en 1987 à 17 en 2006. De plus, les spécialistes du métier estiment que la nature du public tunisien a changé par rapport aux années 1980 et est devenue moins intransigeante. Quant à la moyenne annuelle de la production c i n éma t o g r a p h i q u e tunisienne, elle est de trois longs métrages et dix courts métrages par an. L’objectif du ministère de la Culture est d’en produire plus. « Certes, le cinéma tunisien se débat dans des difficultés considérables liées à des crises de transition. Mais il renferme un potentiel énorme et l’Algérie — pour soutenir le cinéma du pays frère — est entrée dans pas moins de huit coproductions avec la Tunisie », précise le critique algérien, Ahmed Bedjaoui. En effet, selon les accords de partenariat signés en 1994 entre les pays du Maghreb, l’idéal serait de promouvoir l’échange des expériences et des expertises cinématographiques dans l’espace maghrébin. Seulement, voilà, certains publics arabes se précipitent à mettre à l’index le paramètre linguistique, à savoir les dialectes maghrébins.
Un souci qui a disparu comme par enchantement aux yeux des connaisseurs le jour de l’invention du sous-titrage. Le plus affligeant est l’attitude de certains organisateurs de festivals arabes qui continuent de négliger la valeur de certains films maghrébins en avançant le même prétexte, alors que ces mêmes films sont accueillis sur des tapis rouges et sous les feux des projecteurs à Hollywood. Quoi qu’il en soit, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont plus qu’une fois montré leur volonté de sous-titrer, voire de doubler quelques-uns de leurs films en arabe pour pouvoir être distribués en Egypte, à titre d’exemple. « En ces temps de crises politiques, les peuples arabes doivent se rapprocher culturellement à travers une véritable politique d’échange. Le cinéma égyptien regorge de qualité et de talents et n’a pas à craindre la confrontation avec les autres cinémas du Maghreb. Je crains qu’en voulant se protéger, les distributeurs égyptiens en sont arrivés au résultat inverse : ils ont isolé leur propre production et perdu des parts importantes de marché au niveau du Maghreb », conclut le critique algérien.
Lien court: