L’art de Rizq entre lyrisme poétique et abstraction mathématique.
Le centre Al-Guézira des arts à Zamalek nous présente une rétrospective de 45 ans d’art à travers 85 peintures de l’artiste-peintre Mohamad Rizq, maître du lyrisme abstrait contemporain. Une rétrospective qui témoigne d’un langage visuel à cachet dramatique très particulier, riche en couleurs joyeuses et fougueuses, en formes géométriques, en lignes épurées et en abstraction figurative foisonnante en perpétuel mouvement. Un mouvement libre, à la fois puissant et dynamique. « En travaillant mes toiles, je ne peux jamais déterminer leurs fins créatives. Je laisse la couleur et ses composantes trouver leurs chemins sur mes tableaux, créer leurs formes et manoeuvrer leur matière artistique, laissant ainsi libre cours à une imagination immédiate au suspens, au choc et à l’expérimentation. D’ailleurs, l’inattendu est la source de la magie créative dans mon art », déclare Mohamad Rizq qui renvoie son savoir-faire à ses études en mathématiques.
Quand on parle d’un savoir-faire mathématique, on s’interroge : Comment Rizq parvient-il à marier sur une même toile l’improvisé et le calculé, le lyrique abstrait et le constructif, le chaud et le froid, le négatif et le positif ? D’ailleurs, ce sont ces multiples relations contradictoires qui créent le mouvement dans les toiles de Rizq. « La créativité est un processus surprenant. Elle exige une certaine forme de connaissance. Mais la connaissance seule n’est pas utile, sauf si nous parvenons à établir des liens significatifs entre les couleurs et les formes sur une même toile. Sans contrôle, l’application des connaissances préalables peut étouffer l’innovation. Ignorer peut être un atout plus important », explique Rizq. Pour lui, peu importe que les codes de sa toile soient déchiffrés. L’artiste cherche plutôt à stimuler l’imagination du récepteur et son esprit créatif. Et d’ajouter : « Mon travail est une sorte de quête spirituelle exigeante, une extraordinaire force psychique. Etre confronté à la surface vide de la toile et chercher à y projeter de l’ordre et du sens est une démarche représentative de la crise existentialiste de l’homme ».
Interaction entre le récepteur et la toile
Rizq semble vouloir secouer le monde. C’est peut-être la raison pour laquelle l’artiste ne laisse jamais d’espaces vides dans ses oeuvres. Il les nourrit de couleurs multiples. « Je n’aime ni justifier le choix de ma palette, ni trouver aux couleurs une signification symbolique quelconque. Mes couleurs effervescentes et pâteuses sont toutes porteuses d’énergie ». C’est l’interaction entre le récepteur et la toile qui renouvelle continuellement l’oeuvre de Rizq. « Une fois le tableau achevé, il n’est plus le mien, il est libre. Il est transmis à tout le monde. C’est une énergie qui est communiquée à autrui », dit Rizq, toujours obsédé par l’idée de la chose et son opposé : le géométrique et l’organique, le clair et l’obscur, l’ombre et la lumière, le rude et le lisse.
D’ailleurs, l’agencement bien mesuré de ces opposés aboutit à une symphonie harmonieuse. Une figure, un paysage, du brouillard, du feu, etc. Autant d’éléments de la nature, qui tissent des histoires et qui rompent avec la monotonie du quotidien. Une manière de « faire vibrer » l’émotion et le regard grâce à un mariage compatible, créant un parfait lien entre le lyrisme poétique et la rigueur symbolique d’un calcul mathématique. C’est-à-dire entre l’abstraction lyrique dite « chaude » et l’abstraction géométrique dite « froide et constructive ». C’est le contraste voulu entre deux matières, formant ainsi un drame, qui s’adresse délibérément aux sens, aux émotions et à l’intelligence. Et ce, dans une vie telle que la conçoit Rizq.
Jusqu’au 11 avril, de 10h à 14h et de 18h à 21h (sauf le vendredi). Rue Cheikh Al-Marsafi, Zamalek, à côté de l’hôtel Marriott.
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