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Une diva, trois suicides et tant de mélancolie

Yasser Moheb, Mardi, 14 mars 2017

Trente ans après la mort de la chanteuse aux origines égyptiennes Dalida, la réalisatrice française Lisa Azuelos lance un film biographique retraçant la vie tumultueuse de cette Italienne du Nil à la destinée tragique. Retour sur sa projection au Caire.

Une diva, trois suicides et tant de mélancolie
Dalida et ses déceptions amoureuses

Quelques jours après la sortie du film français Dalida dans les salles égyptiennes, ce biopic fait couler beaucoup d’encre. Entre fascinés et indignés, les fans de cette diva ne sont pas indifférents. Le film retrace la jeunesse de la petite Yolanda Gigliotti en Egypte et en Italie, son arrivée en France où elle connaît une réussite éclatante dans le milieu de la musique. Quelques mois plus tard, la France chantait Bambino, et la starlette égyptienne était deve­nue Dalida. Un début de carrière assez fascinant, toutefois, ses histoires d’amour toutes imparfaites et ses drames personnels l’ont poussée au suicide. « La vie m’est insupportable. Pardonnez-moi ». C’est par ces mots que Dalida a expliqué son autodestruc­tion en 1987, à l’âge de 54 ans. La cinéaste Lisa Azuelos a voulu réaliser cette biographie filmée sur Dalida, l’artiste, mais aussi sur Yolanda, la femme qui a eu une enfance mélancolique et une vie — notamment amoureuse — alambiquée.

D’après sa déclaration à la presse, la réalisatrice a cher­ché à souligner deux aspects : l’aspect « petite fille d’un milieu modeste », née en Egypte, même si elle est d’une famille italienne, et qui devient une méga-star. Et puis, il y a tout son parcours amoureux et ses tentatives de suicide.

Pour commencer, le film est divisé en deux parties : avant et après sa tentative de suicide en 1967. La première partie, un peu plus lente, plante le décor : des flash-back sur l’enfance de Dalida dans le quartier cairote de Choubra, le regard que les autres portent sur elle, ses pre­mières plaies dues à la séparation de ses parents, puis à la perte de son père, ses débuts et les premières grosses déceptions sentimentales. Quant à la seconde partie, elle rend les événements de plus en plus touchants. Elle retrace le cheminement qu’a ensuite suivi Dalida pour tenter de continuer à donner un sens à sa vie et combler la solitude profonde par le biais de la chanson. Sans doute, le film est rythmé par les plus belles chansons de l’artiste, et la réali­satrice se sert intelligemment des paroles pour se passer parfois de dialogues superflus.

Une esthétique éthérée
Toutefois, il reste la relation de la star égyptienne avec son pays natal, l’élément le plus important pour le public égyptien, et le point de désaccord aux yeux de plusieurs. « Le film manque de beaucoup de choses, pour être une bonne biographie », souligne Nabila Ghannam, étudiante à l’Université américaine du Caire, à la sortie de la salle Zawya où a été projeté le film. « C’est assez éthéré et sans beaucoup de détails. Il n’y a rien sur son adoles­cence et son initiation à l’art, mis à part une scène pauvre la montrant chez la professeure de violon. Pour comprendre la musique d’une artiste, il faut avant tout comprendre ce qui l’a fait venir sur scène ».

Le film évoque l’enfance de Dalida en Egypte, ses maux optiques, sa relation confuse avec son père et la moquerie de ses camarades de ses grosses lunettes. Mais les débuts de la future diva ne sont pas bien élaborés. « Le traitement reste superficiel en quelque sorte, même si l’on montre la souffrance de Dalida presque tout au long du film. On a compilé les pires moments de sa vie, sans grande liaison », commente Choukri Al-Chami, pro­fesseur de scénario à l’Institut d’art théâtral. Et d’ajouter : « Le film s’ouvre en 1967, avec sa première tentative de suicide, puis on assiste à un va-et-vient dans sa vie, sous forme de flash-back. Heureusement, on connaît déjà l’histoire. C’est comme si l’oeuvre vise à compatir avec Dalida et non pas à présenter sa biogra­phie ».

Et à un autre fan de Dalida de critiquer la partie abordant son rapport avec l’Egypte. « Même de retour en Egypte pour tourner le film de Youssef Chahine, Le Sixième Jour, c’est toujours fade et sans émotion. L’Egypte sert simple­ment de décor », affirme Ahmad Islam, comptable.

A part le recours à des comédiens parlant l’accent égyp­tien, le décor est trop orientaliste, montrant des souks, comme dans Les Milles et une nuits, ce qui n’a rien à voir avec le quartier de Choubra à l’époque.

« C’est un peu choquant pour les Egyptiens de voir Dalida passer d’une relation sensuelle à une autre, pour ajouter du piquant à l’oeuvre. C’est plutôt un biopic sous forme de clip, incapable de surpasser les prétentions scé­naristiques pour pénétrer la légende », conclut Nermine Adel, jeune pianiste.

Bref, loin de la prestation étonnante et réussie de la mannequin roumaine Sveva Alviti dans le rôle de Dalida et de la plupart des comédiens, le film laisse plusieurs détails de côté et reste trop à la surface .

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