La fécondité, la pureté, le désir ou le vice … la symbolique de la femme a toujours été riche dans la conscience arabe, sinon humaine. Toutefois, la femme représentée dans les oeuvres de Samir Fouad incarne des états d’âme différents. Lassitude, attente, étrangeté … autant de vocables qui définissent un sentiment de malaise, et un état de tension entre le peintre et les sujets-femmes peints. Ces dernières constituent toujours une clé de lecture des oeuvres de Samir Fouad.
Lorsque l’on regarde l’ensemble de ses tableaux, on se rend vite compte que les femmes représentées sont réduites à des êtres perturbés et mystérieux. Les unes sont peintes dans un style qui baigne dans l’abstraction, et les autres penchent plutôt vers l’impressionnisme. Violemment émotives, ses peintures sont provocatrices. Fouad nous plonge au coeur d’une sorte de dualité, de dédoublement.
Dans ses oeuvres, une fusion de couleurs crée soi-disant des bruits, allant de pair avec le mystère du thème abordé : Al-Naddaha, cette nymphe de mer qui interpelle les hommes. Ces derniers, obsédés par sa beauté, la suivent aveuglément. Mais, elle finit par les tuer. Une légende qui a tant impressionné le peintre pour des raisons inconnues. « Est-ce que c’est la magie relative aux sentiments de peur et de désir face à l’inconnu ? Ou bien c’est l’idée même de la séduction qui comporte tout ce qui a trait à la confusion et à l’orgueil masculin face à l’intelligence féminine ? Ou bien encore c’est la vie qui nous attire par sa beauté, afin de nous emmener, ivres, vers une fin déterminée ? », s’interroge-t-il dans le pamphlet de l’exposition. Ainsi, le peintre a parfois recours à la déformation des femmes peintes, à certains niveaux, pour faire rejaillir le sentiment intérieur sur la réalité figurative.
Toujours debout
Debout en position d’attente, avec un visage soigneusement élaboré et des bras croisés, elle est vêtue d’une robe noire, simple, mais plutôt austère, fortement en contraste avec l’arrière-plan du tableau en bleu clair et jaune. L’impression qui se dégage de ce portrait est assez étrange. Car d’un côté, il évoque une scène du quotidien, et d’un autre, on ne peut s’empêcher de noter une série d’éléments qui témoignent d’une volonté de mise en scène. Remarquons d’abord la couleur de ses cheveux très foncés qui va de pair avec la couleur de sa robe. Ensuite, la présence de la couleur verte grâce à une plante posée sur son balcon, et placée derrière la femme peinte. Un certain équilibre chromatique est fait grâce à la présence d’une autre plante verte à l’extérieur du balcon, en face de la femme. Celle-ci, en masse noire, occupant le centre de la peinture, impose une certaine impression de mystère.
Cette posture ajoute une certaine impression de mélancolie dérangeante au spectateur. Ce dernier n’hésite pas à retourner plusieurs fois, afin de revoir cette même oeuvre, dans l’intention de déchiffrer le secret de cette mélancolie et de cette attente. Des émotions communes reflétées par plusieurs autres oeuvres, dont celle montrant une femme nubienne en robe jaune, qui n’est pas sans rappeler les portraits de femmes de Mahmoud Saïd. Les fleurs de tournesol jaunes placées à côté de la femme, et qui renvoient à la même couleur de sa robe, mettent l’accent sur l’intérêt de la mise en scène pour le peintre.
En effet, Fouad montre que l’expression ne passe pas obligatoirement par le visage : l’émotion pourrait ne pas passer, comme on pourrait s’y attendre, par l’expression de l’individu, mais plutôt par une série d’éléments impalpables qui s’offrent à nos yeux, sans qu’on réussisse à les identifier. L’image de la femme angoissante, inquiétante, montre la difficulté qu’a le peintre à saisir la présence réelle de la femme. De quoi le pousser parfois à peindre son corps mutilé, nu … Seulement, quelques courbes lui accordent des rondeurs, pour insister sur l’attribut féminin. Les femmes gardent toujours cet aspect inabordable, comme dans un rêve. C’est le cas par exemple de cette oeuvre où deux femmes peintes, le dos nus, en état de mouvements, laissent le spectateur confus : est-ce une ou deux femmes ?
La mise à nu du corps féminin ainsi que le mouvement traduisent, par des coups de pinceau rapides et par l’interférence des couleurs, une certaine énergie, une force invisible intense qui s’oppose à l’attente esquissée dans les autres peintures.
Cette représentation de la femme, par des corps mutilés ou des corps soigneusement élaborés, met l’accent sur la dualité féminine : elle est à la fois tranquille, sage, douce, mais aussi outrancièrement folle, schizophrène et déséquilibrée .
A la galerie Picasso. 30, rue Hassan Assem, Zamalek. Jusqu’au 18 mars, de 10h à 21h (sauf le vendredi).
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