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La luthiste rebelle

Névine Lameï , Mardi, 07 février 2017

La musicienne Yasmine Al-Baramawy a fait du luth son principal moyen de communication. Elle mêle la musique arabe classique au rock, au jazz et à l'électro.

La luthiste rebelle
Les cheveux en boucle et la crinière sauvage reflètent aussi un tempérament musical.

En solo, elle traduit avec son luth les émotions les plus pures, une palette de sentiments variant entre colère, amour, violence, haine, humiliation, etc. De quoi toucher forcément les auditeurs. Ainsi, Yasmine Al-Baramawy, 34 ans, est parvenue à s’imposer en tant que musicienne-compositrice.

Lors de son dernier concert, tenu il y a une semaine, à l’espace Room, elle a mêlé la musique arabe classique avec du rock, du jazz et de l’électro. C’est une rebelle en musique comme dans la vie. Elle a été l’une des premières Egyptiennes qui ont osé parler publiquement du phénomène du harcèlement sexuel. Elle en a même fait sa propre cause et ne cesse de participer à des activités sur les droits bafoués des femmes. D’ailleurs, en 2014, le réalisateur Tom Heinemann (Danemark) a tourné un documentaire racontant son histoire sous le titre d’Un coeur qui ne meurt pas. Victime de harcèlement, pendant la révolution du 25 janvier, elle a retrouvé son salut grâce au luth. Une sorte de thérapie.

Diplômée en lettres anglaises, de l’Université du Caire, Al-Baramawy a fait aussi des études libres, à la faculté de pédagogie musicale, tout d’abord en piano, puis en luth. « Lorsque j’ai réussi à acheter un luth avec mon propre argent, j’ai décidé de quitter mon travail dans le domaine du marketing. J’ai de tout temps eu envie de faire une carrière de musicienne. Les notes musicales me laissaient toujours dans un état d’hypnose », raconte Al-Baramawy.

En 2007, elle fait connaissance avec le luthiste talentueux, Mohamad Abou-Zékri. C’est lui qui l’introduit alors à la Maison du luth, dans le Vieux Caire, où elle rencontre le maître luthiste iraqien, Nassir Chamma, et devient membre de son ensemble. « Ce que j’admire en Chamma c’est l’effort qu’il déploie pour développer tout ce qui a trait au luth. L’instrument n’est pas une partie du takht oriental traditionnel, il est devenu très sollicité pour des récitals en solo. Nassir Chamma l’a vivifié et lui a rendu sa liberté à s’exprimer », souligne Al-Baramawy, également disciple de plusieurs musiciens confirmés, comme Abdou Dagher, Fathi Salama, Hazem Chahine et Kamélia Jubran. « Le violoniste Abdou Dagher est le maître incontesté du quart de ton. Fathi Salama aime la fusion des genres, le jazz line et les arrangements musicaux hors pair », déclare Al-Baramway. Et d’ajouter : « Ils me disent que ma musique ressemble plutôt à celle du luthiste et compositeur Hazem Chahine. Nous avons tous les deux des rythmes tantôt forts tantôt doux, des intervalles bien mesurés, une même persistance ».

La musique pour le changement
« Même en jouant de la musique électronique, je préserve mon identité égyptienne. Comme je ne suis pas une personne colérique ou qui a les larmes faciles, je m’exprime par l’intermédiaire du luth », précise Yasmine Al-Baramwy. Elle fait partie de toute une génération de musiciens indépendants. Sur ce, elle collabore avec d’autres musiciens et interprètes dits indépendants comme Abdallah Al-Minyawi ou la troupe Bahgaga, spécialisée dans les chants humoristiques et folkloriques, afin de décrire le chaos politique et sociétal. Et met ses compositions sur le SoundCloud, afin de mieux les partager, comme Anonymes, avec son ton rock coléreux, et Quota, avec son beat occidental joué sur le mode bayati.

Pour le vernissage de l’exposition de son amie, la caricaturiste Doaa Al-Adl, le 23 février prochain, à l’Université américaine du Caire, Al-Baramawy se produira en concert. Les deux femmes tenteront de rendre hommage à la révolution du 25 janvier 2011, chacune à sa manière.

Le 23 février, à 19h, à l’Université américaine du Caire, Campus de Tahrir. Et le 2 mars à 20h, à Da House, 7 rue Messaddaq, Doqqi.

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