Un monde hilarant, une société au bout du nez.
(Photo:Bassam Al-Zoghby)
« je vous prie de laisser mon nez tranquille » est une manière de crier : « Je veux avoir la paix ! ». Cette phrase répétée tour à tour par tous les personnages de la pièce est également le nom de la nouvelle création théâtrale de l’auteur et metteur en scène Islam Imam, qui se joue actuellement sur les planches du théâtre Al-Hanaguer.
Un conflit sépare deux amis de longue date : Sisso et Bisso. Un jour, l’un s’est moqué de l’autre parce qu’il a bu un bouillon de riz, des traces blanches sont restées collées sur son gros nez. La moquerie s’est alors transformée en comparaison et en discussion violente entre les deux amis. Leur désaccord a fini par opposer les deux familles, puis c’est bientôt tout le pays qui s’est retrouvé divisé en deux camps adverses : ceux qui défendent les gros nez et ceux qui défendent les petits nez.
Imam s’inspire essentiellement de l’oeuvre de la dramaturge mexicaine, Maruxa Vilalta, Une Question de nez (1966), en brodant autour un texte qui transpire le dialectal, la ruse égyptienne, et qui renvoie souvent à l’actualité politique. Son monde fantaisiste est parsemé de farces, de commedia dell’arte, de déguisements et de marionnettes. Par exemple, c’est Alice, d’Alice aux Pays des Merveilles, qui introduit son spectacle. Elle commence par raconter l’histoire amusante de la guerre des nez et explique qu’elle cherche à mettre fin au conflit. Les costumes et accessoires de Marwa Auda accentuent l’ambiance hilarante. Les deux familles en conflit portent des habits colorés comme ceux des clowns. Le rouge bourgogne des uns s’oppose au doré des autres. Les perruques des personnages sont assez caricaturales (perruques rouges pour les gros nez et blondes pour les petits nez). Il est clair que le spectateur se retrouve au milieu d’un match où les deux camps se valent en humour et sarcasme. La commedia dell’arte donne libre cours au déguisement et au jeu de masques. La mère d’un des personnage est interprétée par un homme dont les actes et la gestuelle sont tous sur le ton de la dérision, voire de l’autodérision. Lors d’un bal masqué, les familles semblent enfin conclure une trêve. Mais une fois qu’ils ôtent leurs masques, le conflit reprend de plus belle.
Simples fantoches
Le conflit s’aggrave davantage à cause de deux personnes qui viennent mettre de l’huile sur le feu. Ces deux intrus accentuent le rythme de la pièce et créent une ambiance ardente où leur jeu, leur chant, leur danse et leur manipulation des marionnettes, conçues par Mohamad Fawzi, deviennent tout à fait hilarants. Avec le metteur en scène, ils ont choisi de doter les poupées de quelques outils et accessoires propres à la cuisine et à la salle de bains. Les marionnettes sont plutôt figées, accrochées à de longues tiges ou placées sur des roues. Elles représentent l’état du peuple égyptien, aveugle, qui se fait manipuler par les autorités qui tirent sur les ficelles depuis tout à haut. Deux autres personnes intrigantes manipulent deux grandes marionnettes sans fils en se cachant derrière elles. Les scènes sont drôles et paradoxales, rappelant vie quotidienne et vie politique. Cette guerre fait un premier martyr, et les deux familles se rendent compte de la gravité de la situation. Elles cherchent enfin à faire la paix et à chasser les agitateurs intrus. Mais au bout d’un moment, il recommence de nouveau la guerre pour une autre raison aussi simple soit-elle.
Otrok Anfi Men Fadlak, tous les soirs à 20h au théâtre Al-Hanaguer (relâche le lundi), terrain de l’Opéra, Guézira. Tél. : 27356861.
Lien court: