Ayman Taher, le prolongement d’un père qu’il a tant aimé.
Ayant une passion insatiable pour la nature, le désert, la mer, l’art africain, le surréalisme, l’art abstrait, Ayman Taher, fils de l’éminent artiste-peintre Salah Taher, disparu il y a quelques années, appartient à une autre génération que celle du père. Voyageur, boxeur, photographe sous-marin, Taher Junior a un parcours atypique. Né le 12 janvier 1946, il a fait des études aux beaux-arts du Caire, section architecture, et a obtenu son diplôme en 1970, l’année où il a tenu aussi sa première exposition individuelle. Mais il avait déjà commencé à peindre dès l’âge de 2 ans, en badigeonnant dans l’atelier de son père. Et ce, avant de tenir sa toute première exposition à l’âge de 12 ans.
En 1984, il s’est aventuré dans l’industrie textile dans laquelle il cherchait à expérimenter, ensuite, il s’est lancé dans le domaine de la plongée sous-marine et dans la direction de plusieurs centres nautiques à Charm Al-Cheikh. D’ailleurs, un bon nombre de ses toiles reflètent son amour pour le monde sous-marin et ses merveilles. Encore dans la vingtaine, Ayman Taher s’est spécialisé dans la photographie sous-marine, pour se libérer de la férule de son père, qui compte parmi les pionniers de l’art plastique égyptien. Mais avec le temps, il est parvenu à se réconcilier avec l’idée d’être le prolongement de ce père qu’il a tant aimé. Il a alors tenu quelque 20 expositions individuelles, variant entre photographie et peinture, au Caire, à Paris et à Londres.
Le salon des Grands
Sa dernière exposition, récemment tenue à la salle Al-Bab, au musée de l’Art moderne, était une invitation à goûter à la « musique visuelle ». Car plusieurs de ses peintures étaient inspirées de ses morceaux préférés, « une musique que l’on perçoit avec les yeux et non par les oreilles », dit Taher. Il a exprimé aussi à travers ses oeuvres son grand amour pour la mer, le lieu de son coeur. « J’aime les créatures de la mer : les poissons, le corail … mais aussi le sable du désert ».
Ayman Taher a grandi dans une ambiance intellectuelle, puisant dans la bibliothèque bien garnie de son père, mais aussi entouré par une cohorte d’écrivains, amis proches de ce dernier, tels Naguib Mahfouz, Tewfiq Al-Hakim et Abbas Al-Aqqad. D’ailleurs, c’est ce dernier qui a choisi son prénom, et c’est Mahfouz qui a inauguré sa première exposition à l’âge de 12 ans. Il garde en mémoire les souvenirs du salon littéraire du journal Al-Ahram, auquel il assistait avec son père. Il a noué un rapport privilégié avec l’écrivain Hussein Fawzi. Ayant un doctorat en sciences de la mer, il lui a filé son amour pour celles-ci, mais aussi pour la musique occidentale. Jusque-là, on retrouve les traces de ces pièces musicales introduites par Fawzi dans l’oeuvre du peintre. Car l’écrivain-mélomane, auteur du Sindbad le marin, présentait une émission à la radio qui s’intitulait « Avec la musique ».
« Tewfiq Al-Hakim disait à mon père : ce garçon aurait dû être mon fils ! », se souvient Ayman Taher, très fier d’avoir connu tout ce beau monde intellectuel. Pour lui, Al-Ahram se résume au sixième étage, là où se regroupaient tous les grands noms de l’époque. « En apprenant à les connaître, je pensais que tout le monde était comme eux ! ».
« Enfant, j’ai été battu par un autre garçon de ma classe. Mon père m’avait dit : gare à toi si tu viens vers moi, encore une fois, en pleurnichant », raconte-t-il, ajoutant : « Du coup, à l’âge de 13 ans, j’ai appris à boxer. Un point tournant dans ma vie ». Le jeune artiste a appris à se défendre, mais aussi à mieux comprendre l’adversaire, à ne pas baisser les bras. Il a décidé d’adopter l’adage de Nietzsche : « Ce qui ne tue pas, rend plus fort » .
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