Je ne sais pas de simple victime, j’ai quelque chose à vous dire.
D’où viennent ses protagonistes contemplatifs, en attente, dans une sérénité totale ? Ils ont l’air de venir de très loin, de l’époque médiévale, gothique ou baroque. Ils essayent apparemment de s’adapter aux fluctuations du quotidien, à la fragilité de l’instant. Telles sont les protagonistes peintes par l’artiste égypto-syrienne, Souad Mardam Bey, à la galerie Zamalek, sous le titre de Let’s Talk (parlons ensemble).
De par ses toiles, l’artiste-peintre anime un monde d’une élégante finesse, pimenté des contrastes esthétiques : des couleurs neutres et criardes, des tons chauds et froids, du clair/obscur, des habits mariant les styles ancien et contemporain, des motifs décoratifs rococos et d’autres inspirés de la vie quotidienne … Mardam Bey accentue ainsi les effets dramatiques, favorisant l’émotion. « Mes personnages, hommes ou femmes, communiquent par le regard. Ils ont une valeur métaphorique. C’est à travers eux que je raconte la vie telle que je la conçois. Cette vie qui ressemble à un théâtre sociopolitique où la réalité est très ambiguë », déclare Souad Mardam Bey.
Sa dernière exposition datant de 2015, toujours à la galerie Zamalek : Jouets sans jeux, touchait de près à la guerre en Syrie, son pays d’origine. Cette fois-ci, Mardam Bey attribue à ses personnages un nouveau rôle ; ce ne sont plus des poupées jouets, mais des pantins coléreux, victimes de la guerre. Ils ont acquis une maturité, sont devenus plus posés et ont désormais droit à la parole. Cette fois-ci, ils ont envie de dialoguer. Il suffit alors de communiquer avec eux dans la bonne humeur, et ils partageront avec vous leur sérénité, car voyant plus clair à l’intérieur d’eux-mêmes.
« Ce mélange subtil d’émotions et de pensées est le coeur battant de notre lien avec le monde. Nos états d’âme accompagnent chaque moment de notre vie. J’espère que mes protagonistes réussiront dans leur mission, en apportant un message de paix au monde et en tendant la main aux autres. Let’s Talk n’est qu’une initiative de ma part, pour communiquer, bien qu’elle abonde d’interrogations, d’inquiétude, de nostalgie et d’agacement », poursuit Mardam Bey.
Un poisson et des lunettes de soleil
Les motifs symboliques comme le poisson, représentant la prospérité ou la croissance, attribuent aux peintures un cachet iconographique. Il en est de même pour les chats ou les oiseaux, ayant toujours leurs références dans la culture populaire. Les fleurs, les robes en chiffon transparent ou en dentelle, avec les tons ocre ou beige, donnent à ses femmes un air rêveur.
A côté de ce monde où tout est douceur paisible, il y a un autre beaucoup plus agité. Les protagonistes se transforment d’un coup en jongleurs habiles, pour faire avec les soucis de tous les jours. Leurs cheveux sont le plus souvent teintés en rouge orangé. Ils portent des chaussures et des sandales modernes, couleur rouge sang ou lapis-lazuli. C’est la manière de Mardam Bey de juxtaposer des mondes différents, le moderne et l’ancien. La femme en salopette, bien cachée derrière ses lunettes de soleil, vit bel et bien au Moyen-Orient. « Avec leur cachet mystérieux et énigmatique, mes personnages sont inclassables. Ils donnent l’impression de ne pas appartenir à notre temps, mais ils y plongent », indique-t-elle. Et d’ajouter : « La beauté du monde est toujours là, c’est nous qui la tuons. Au lieu de faire porter à mes modèles des masques, j’ai décidé de les maquiller, de leur donner quelques accessoires, étant partie d’un jeu théâtral dramatique et émotionnel ». C’est bien le monde de Mardam Bey.
Jusqu’au 14 février, de 10h30 à 21h (sauf le vendredi). 11, rue Brésil, Zamalek.
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