Un mélange de calligraphies et de graffitis, rendant la vivacité à un monde triste.
Le jour du vernissage de son exposition de calligraffitis (calligraphie et graffiti) à la galerie Artalks, l’artiste franco-tunisien, El-Seed, âgé de 35 ans, était entouré de plusieurs habitants du quartier des chiffonniers de Manchiyat Nasser, au Caire, là où il a vécu et travaillé avec la communauté copte. Ses oeuvres portent chacune le nom d’un des habitants : oncle Békhit, Samaan, oncle Moussa, oncle Fawzi Abou-Ata, Mario, Abanoub … Ces derniers ont accueilli El-Seed pendant trois semaines de travail, afin de réaliser une gigantesque fresque, décorant les façades des maisons. Ce projet de calligraffitis arabes couvre désormais près de 50 bâtiments de briques rouges, souvent inachevés. Et l’on peut apercevoir ses dessins du haut de la colline de Moqattam, ainsi qu’une citation empruntée à saint Athanase d’Alexandrie, un évêque copte du IIIe siècle : « Toute personne qui veut voir clairement la lumière du soleil doit s’essuyer les yeux d’abord ».
Après avoir achevé son travail à Manchiyat Nasser, le 15 mars 2016, El-Seed est alors invité par la galerie Artalks, afin d’y exposer les prises de vue de son projet cairote, ou shot-installations, réalisées à l’aide d’acrylique sur canevas. Il s’agit d’extraits de la citation de saint Athanase, repris sur acrylique, sous une forme abstraite, très significative. La phrase d’Athanase, reprise par El-Seed, crée admirablement un canevas « volant », on dirait une île flottante, de couleurs criardes, dominées par une orange ensoleillée. Cet aspect multicolore apporte un peu de vivacité dans un monde plutôt morne et plus largement dans une région arabe marquée par les conflits et le chaos. « Ce n’est pas la première fois que l’artiste de renommée internationale El-Seed s’intéresse à des projets d’art urbain, dans des endroits publics, caractérisés par de superbes et gigantesques installations, mêlant graffitis et calligraphies arabes. Porteur d’un message humain et sociopolitique, El-Seed a réalisé des oeuvres dans le monde entier : à New York (à Brooklyn), à Paris (Pont des Arts, façade de l’IMA), en Australie, à Rio de Janeiro, au Cape Town, au Singapour, au Qatar, en Algérie et en Tunisie. Pourtant, il reste peu connu en Egypte. Son magnifique projet à Manchiyat Nasser est plus ou moins ignoré par les médias égyptiens. Personne n’en parle. Ce qui n’est pas le cas pour les médias étrangers, très intéressés par le sujet », pércise Faten Moustapha, propriétaire de la galerie Artalks.
Sur son compte Facebook, El-Seed déclare que son projet cairote est « l’une des plus incroyables expériences humaines qu’il n’a jamais eues », affirmant que « les habitants de Manchiyat Nasser sont généreux et honnêtes. Ils ne vivent pas dans une grande poubelle, mais de la poubelle. Ce sont ceux qui nettoient la ville du Caire ».
Question d’identité
Muni de ses bombes de peinture, El-Seed fait parler les murs du monde entier. Une manière de jeter des ponts de culture entre l’Orient et l’Occident, prônant la démocratisation de l’art. Issu de la culture hip-hop, fils d’immigrés, de paysans tunisiens, El-Seed se définit avant tout comme un « homme du peuple ». Il aime travailler dans la rue, et dit souvent être à la recherche de son identité à travers l’art, une identité plurielle.
Il quitte la France, où il est né en 2006, et commence à réaliser des « calligrafittis » en Amérique du Nord. Le graffiteur essaie de se détacher de deux étiquettes qui lui collent à la peau, être « street artist et arabe ». Et pour ce faire, il convoite le moderne, créant de nouvelles typographies, sans se coller à un retour au passé, représenté par la calligraphie traditionnelle, conditionnée par des règles très strictes.
El-Seed a découvert celle-ci, en apprenant la langue arabe, en France, à l’âge de 18 ans. Avec énergie, dynamisme et émotion, l’artiste tente de s’inscrire constamment dans l’époque actuelle. Il a signalé dans un entretien accordé à la revue française Géopolis : « Je graffe en arabe, comme les Japonais le font en japonais. Pas en anglais ni en français : il s’agit de lutter contre une forme d’impérialisme culturel ». A portée universelle, ses calligraffitis s’adressent à l’âme avant de parler à l’oeil.
Jusqu’au 10 janvier, de 10h à 21h (sauf le vendredi). 18, rue Al-Mansour Mohamad, Zamalek.
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