Amr Saad, dans le rôle d’une star de la prédication religieuse.
Hatem (campé par Amr Saad) devient en très peu de temps la nouvelle star montante de la prédication religieuse en Egypte. Désormais, il a des milliers d’adeptes, notamment parmi les jeunes, et plusieurs parties tentent de se servir de sa grande popularité : les médias, les organes de la sécurité et les hautes sphères du pouvoir.
Au fond, la star religieuse elle-même souffre. Elle est tiraillée entre ses valeurs et ses intérêts. A gauche comme à droite, on essaye de le faire chanter, de tirer profit de sa situation, de le soudoyer. Il s’agit de l’intrigue du nouveau film de Magdi Ahmad Ali, Mawlana (notre seigneur), d’après le roman du même titre d’Ibrahim Eissa, sorti en 2012. Ce dernier a en fait co-écrit les dialogues du film, avec le réalisateur qui espère refaire l’expérience, en adaptant de nouvelles oeuvres du même écrivain à succès.
Projeté pour la première fois lors du dernier Festival international de Dubaï, le film a soulevé une vive polémique. Car Il intervient à un moment où l’on cherche à renouveler le discours religieux et à s’attaquer au fanatisme, au lendemain de l’explosion de l’église d’Al-Botrossiya, ayant fait 25 morts et quelque 50 blessés.
Le film s’impose de belle construction dramatique. Il suffit de quelques scènes pour bien introduire le personnage principal et de bien cerner ses conflits internes. Le dialogue sarcastique entre le prédicateur à la mode et le conducteur de rickshaw (tok-tok) nous place sur la ligne de front. Le débat religieux bat son plein, entre la star religieuse et l’homme de la rue.
Amr Saad incarne le rôle du prédicateur, loin des clichés et des prototypes. Il rentre parfaitement dans la peau du prédicateur populiste. L’image aussi s’avère d’une grande éloquence et traduit à merveille les dilemmes du personnage, qui a accédé très vite à la célébrité. Le réalisateur évoque son ascension sociale en nous faisant graviter les marches du minaret. Une fois arrivé au sommet de celui-ci, on est secoué par la voix du prédicateur. On l’aperçoit, perché sur son minbar, en train de faire le sermon du vendredi, précédant la prière. Parmi les fidèles, sont présents quelques éminents hommes du pouvoir.
Fins politiques
Le film ne manque pas de faire allusion à l’Etat qui instrumentalise la religion à son profit. Le régime en crise multiple les jeux politiques pour camoufler son échec. Il se sert de la religion pour faire de la propagande, joue la carte confessionnelle, n’hésite pas à diviser la société. Il se rapproche également des stars de la religion, comme celles du football ou du cinéma, pour atteindre ses fins, aidé par les divers organes de la sécurité.
Les événements se situent avant la révolution du 25 janvier 2011. Le film fait surtout référence à des faits véridiques et des attentats qui ont marqué les esprits. En même temps, le scénario cherche à généraliser le message, sans le limiter à une période donnée.
Il aborde, pour la première fois directement, la rivalité entre la prédication chrétienne et musulmane. Les uns et les autres sont montrés du doigt, peu importe la religion.
Le réalisateur a très bien dirigé les acteurs secondaires : le jeune comédien, Ahmad Magdi, dans le rôle du fondamentaliste, et Ramzi Al-Adl, dans le rôle du cheikh soufi.
Dans l’ensemble, l’oeuvre a traité du rigorisme religieux et de l’effet des nouveaux prédicateurs, de manière fort attrayante et profonde, non sans humour. Elle sera projetée, dans les salles égyptiennes, vers le 25 janvier prochain, et soulèvera sans doute un débat retentissant .
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