Samedi, 07 décembre 2024
Al-Ahram Hebdo > Arts >

Ali Idris : Mon film n’est pas un plaidoyer pour ou contre l’immigration clandestine, c’est un aveu de notre culpabilité

Yasser Moheb, Mardi, 29 novembre 2016

Le réalisateur Ali Idris vient de représenter l’Egypte en compétition officielle du Festival interna­tional du film du Caire avec Al-Barr Al-Tani (l’autre rive), actuellement dans les salles. Une fresque sur le phéno­mène de l’immigration clandestine secouant l’Egypte durant les dernières années. Entretien.

Ali Idris

Al-ahram hebdo : Comment est née l’idée du projet ?
Ali Idris : Depuis des années, j’éprouve un sentiment incessant de vouloir plonger dans ce monde clandes­tin, dans l’état d’âme de ces jeunes qui souhaitent quitter leur patrie et immigrer à tout prix pour le but de devenir riche, de trouver leur chance ailleurs. Un inté­rêt partagé par ma femme, la scénariste Zeinab Aziz, et du coup nous avons passé plus de deux ans à faire la docu­mentation et à essayer de pénétrer ce monde clandestin. Nous avons contacté une journaliste qui a écrit plusieurs articles sur ces migrations illégales. On a décidé alors de visiter l’un des villages dans le gouvernorat de Daqahliya (Delta égyptien), connu comme étant l’un des endroits les plus touchés par ce phéno­mène. Une fois la rédaction du scénario terminée, aucun producteur ne s’est montré enthousiaste quant à notre projet de film, nécessitant un budget énorme. Puis, on a eu un coup de fil du jeune producteur Mohamad Ali (qui tient le rôle principal dans le film) qui s’est montré vivement intéressé par le sujet rarement abordé dans le cinéma égyp­tien.

— Le film vise-t-il à tirer la sonnette d’alarme ?
— Chacun peut le prendre comme il le veut. On y traite d’un fait réel, d’un problème dont souffrent l’Egypte ainsi qu’une bonne part des pays du tiers-monde. Il y a des milliers de morts en mer qui pourraient devenir des cen­taines de milliers dans les prochaines années avec le nombre accru des réfugiés politiques. Personne ne réagit efficacement, nous sommes tous coupables. On voit bien tous que les jeunes partent, mais on ne dit pas grand-chose dessus et on ne fait rien pour les empêcher de quitter le pays. On a l’impression que les Etats ne prennent pas d’initiatives sérieuses à cet égard. Défendre les victimes ne veut aucune­ment dire que je suis d’accord avec la migra­tion clandestine, mais j’éprouve beaucoup de pitié à l’égard de ces partants, et beaucoup d’intérêt en ce qui concerne ce phénomène encore plus aigu, à cause de la crise écono­mique. Le message du film était le suivant : nos pays tiers-mondistes ont les moyens pour changer les choses, mais il faut avoir la volon­té de le faire.

Ali Idris
Al-Barr Al-Tani (l’autre rive), le drame de milliers morts en mer.

— Le film est-il un plaidoyer pour ou contre l’immigration clandestine ?
— Ni l’un, ni l’autre. En fait, ce long métrage ne fait que relater des faits qui malheureusement existent dans notre société comme ailleurs. Tout au long du film, je pose des questions : pourquoi ces jeunes veulent-il traverser la mer pour atteindre l’autre rive ? D’où vient ce comble d’amertume ? Est-ce la poli­tique, la religion, l’éducation ? Ce qui m’intéresse vraiment c’est le fait de raconter une histoire, d’amalgamer tous les éléments de la crise, pour faire un film crédible, loin des clichés.

— Y a-t-il un point commun entre les différents personnages ?
— Pas tout à fait, mais tous veulent chercher l’eldorado ailleurs. En fait, chaque personnage défend quelque chose, sa propre vision de la réalité et de l’avenir. L’un cherche à changer sa situation économique et rêve d’aller de l’autre côté de la Méditerranée. L’autre le suit parce qu’il n’a aucun espoir de rester chez lui, sans métier ni argent. Bref, des jeunes qui ne trouvent d’issue qu’à l’étranger, coûte que coûte. C’est donc un éventail de protagonistes ; cha­cun d’entre eux a son mot à dire.

— Après avoir réalisé une série de comédies avec la méga-star Adel Imam, vous vous tournez vers une tragédie avec une équipe assez jeune, de comédiens pro­fessionnels ou amateurs ...
— Ce film m’a permis de faire des ren­contres et des contacts magnifiques. Une très belle expérience, humainement et profession­nellement parlant, que je tiendrai à développer par d’autres aventures similaires, dans mes prochains films .

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique