La galerie Ofoq1, annexée au musée Mamoud Khalil à Guiza, accueille une rétrospective de l’artiste-peintre alexandrin, Ahmad Morsi, sous le titre de Le Retour au passé, 65 ans de créativité. Et ce, dans le cadre de l’événement mondial « Quand l’art devient liberté : les surréalistes égyptiens (1938-1965) », regroupant une série d’expositions en Egypte, comme ailleurs, sur le groupe des surréalistes égyptiens et leur prolongement. De toute façon, qui dit surréalisme et expressionnisme conceptuel, dit par excellence Ahmad Morsi, ce pluridisciplinaire, à la fois peintre, poète, critique d’art et traducteur.
L’exposition révèle un large éventail d’oeuvres, toutes de grands formats, variant entre peintures, esquisses et gravures, et s’étendant des années 1950 jusqu’à nos jours. De quoi permettre d’aborder l’évolution de l’Egypte en images, selon le regard sociopolitique de l’artiste. Une énergie intense se dégage des toiles, saturée par les sensations d’un monde mythique, oscillant entre le ciel, la mer et le désert. Ce monde est d’ailleurs incarné par des personnages assez poétiques, comme des âmes qui flottent en l’air. Ceux-ci font écho à un au-delà métaphysique, calme et spacieux, pur et rêveur. Ils se placent loin du chaos, des maux de la société et des souffrances accablantes du quotidien. C’est le cas des peintures Nostalgie (1975), Joueur de flûte (1968), Robe rouge (1994), OEil du temps (2000), Pégase (2004), Femme en noir (2008), Homme et mannequin (2011), Cheval blanc (2014) et L’Homme bleu (2015).
Des hommes et des femmes, aux corps nus et sans fronts, se croisent dans le monde abstrait de Morsi, dominé par des pigments grisâtres, violets et surtout bleus. Car le peintre est un passionné du bleu de la mer de sa ville natale, même s’il l’a quittée depuis 1974 pour s’installer à New York. Sur ses toiles, il continue à exprimer sa nostalgie, quant aux beaux jours cosmopolites de son Alexandrie, celle des années 1940 et 1950.
Cela étant, l’oeuvre phare de la rétrospective est sans doute : Pigeon blanc, peinte en 2012, à New York. Un énorme champ vide est parsemé de personnages mythiques, de motifs populaires et d’oiseaux géants en noir et blanc, symboles du bien et du mal, faisant référence à l’histoire alexandrine.
Le patrimoine à jamais
Le style de Morsi reste influencé par Gamaat Al-Fan wal Horriya (le groupe de l’art et la liberté), fondé en Egypte en 1937, en réaction à l’immobilisme politique et aux carcans académiques et artistiques. D’où un surréalisme abstrait et un néo-expressionnisme lesquels s’engagent en douceur dans des compositions aux couleurs chaudes qui abondent en symboles identitaires très dramatiques, issus de l’héritage culturel populaire égyptien (poisson, chats, nains, cheval, ...).
Sa profonde spiritualité et sa traduction mystique de la valeur du temps constituent ce qu’il appelle « l’âme égyptienne unique » contre « l’enfer de New York, avec ses vitrines froides ». On trouve du coup cette âme égyptienne, représentée par l’oeil de Horus qui veille sur à peu près tous les tableaux. Cet oeil protecteur réputé pour éloigner l’envie et la malédiction, dans la tradition populaire, est partout en train de contempler le monde, de l’interroger, depuis l’exil new-yorkais du peintre. Un exil délibéré qui l’attache davantage aux sources.
Jusqu’au 20 novembre, de 10h à 21h (sauf vendredi et samedi). 1, rue Kafour, Guiza, musée Mahmoud Khalil.
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