Quatre films présentés cette semaine dans le cadre du Panorama du film européen ont bien rythmé l’événement. Des portraits peints à travers la vie quotidienne d’une société européenne de plus en plus rude et désaxée, comme dans le film belge La Fille inconnue, réalisé par les frères Jean-Pierre et Luc Dardenne.
Projeté en compétition lors du dernier Festival de Cannes, ce drame social s’inscrit dans la veine ultra-réaliste des réalisateurs liégeois, cette fois-ci avec la comédienne Adèle Haenel en médecin plus vrai que nature, entraînée dans un triste fait divers.
Pour cette énième variation de presque la même figure féminine belge, Jean-Pierre et Luc Dardenne choisissent le faux polar, avec un nouveau personnage de femme au combat, en offrant comme point de départ la mort d’une jeune femme que l’on ne parvient pas à identifier. Jenny— jouée par Adèle Haenel— jeune médecin de banlieue et dernière personne à avoir croisé la route de cette femme assassinée, est prise de culpabilité de ne pas lui avoir ouvert la porte de son cabinet, cherche à la sortir de l’anonymat et de l’oubli en retrouvant son identité. Un moyen à travers lequel on peut témoigner d’un deuxième portrait féminin, une autre victime d’une société écrasante, puisque « la fille inconnue » du titre, c’est cette jeune prostituée noire retrouvée le crâne ouvert, mais c’est aussi cette jeune femme médecin, promise à une belle carrière, et qui se retrouve face à maintes questions: qui est-elle? Et pourquoi elle fait ce qu’elle fait ?
En fait, les frères Dardenne n’ont plus à prouver leur talent pour ce genre de canevas socio-féminin, qui n’empêche ni l’efficience ni l’émoi, et par lequel ils sont devenus les maîtres incontestés d’un cinéma humaniste, naturaliste, indocile, dont les récits se nourrissent de l’indigence sociale et de la révolte de la femme en Europe.
Matériel versus amour
Toujours dans cette veine de drame social, mais encore plus familial, soulignons le long métrage français After Love (l’économie du couple) du réalisateur belge— également— Joachim Lafosse, avec Bérénice Bejo et Cédric Kahn.
Comme la version française de son titre le laisse entendre, il est bien question d’argent dans L’Economie du couple. Dévoilé à la dernière édition de la Quinzaine des Réalisateurs, cette trame assez bien ficelée discute de l’un des problèmes les plus alarmants en Europe comme partout dans le monde: le règne du matériel en l’absence de l’amour. Il s’agit de l’histoire de Marie et Boris vivant ensemble depuis 15 ans, mais qui constatent qu’ils ne sont plus amoureux, au point qu’ils ne s’entendent ni sur les moyens, ni sur la façon de se séparer. Malgré leurs deux petites filles jumelles, leurs 15 ans de vie commune se dressent tel un mur invisible et indépassable. Alors qu’ils se déchirent sur les solutions matérielles de leur séparation, ils sont écrasés par l’intimité obligée par cette cohabitation forcée. Seul l’accident leur permet de retrouver le chemin du dialogue, et de résoudre la crise amoureuse transformée en crise ménagère.
Palestiniennes loin des clichés
Une autre oeuvre, projetée lors des premiers jours du panorama, avait comme thème principal la femme face à ses ambitions et aux contraintes sociales, à savoir le documentaire Speed Sisters (soeurs de vitesse) de Fares Ambre. Le film met en vedette les membres de la première équipe féminine de courses de voitures du Moyen-Orient. Les événements tous véritables sont situés dans la Palestine, faisant la chronique de la première course automobile pour femmes au Moyen-Orient. Celle-ci se compose de pilotes Marah, Mona, Betty et Nour, ainsi que leur manager Maysoun, qui divulguent des personnalités nettement différentes. Offrant un portrait vivant de ses protagonistes pionnières, tout en examinant les complications politiques et culturelles préposées à leur quête de devenir « la plus rapide des femmes Drivers », Speed Sisters réussit à atteindre son objectif. Malgré une certaine longueur dans quelques scènes, le tout s’avère assez féminin, assez crédible et émotionnel.
La musique comme seul Eldorado
Dans la lignée de son prédécesseur, vient le documentaire Sonita, une coproduction germano-irano-suisse, réalisée par l’Iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami.
Déjà l’auteur de six documentaires animés, cette dernière filme avec Sonita la trajectoire d’un destin en pleine confusion et pose la question importante: une autre vie est-elle possible pour une jeune fille qui s’accroche à ses rêves ? De l’Afghanistan à l’Iran, la jeune Sonita suit le parcours d’une jeune réfugiée afghane déterminée à se battre pour ses rêves et à ne pas laisser sa famille décider de son sort. Elle rêve de devenir chanteuse, de quoi ses parents idéaux sont Rihanna et Michael Jackson! Pour elle, le rap est le meilleur moyen d’exprimer sa parole, de se faire entendre et de ne pas être soumise. Mais en Iran comme chez elle, les femmes n’ont pas le droit de chanter. Accueillie au sein d’une ONG qui s’occupe des migrants, Sonita a confiance en l’avenir, elle est sûre qu’elle deviendra célèbre. Elle tient un journal sur lequel elle colle des images glanées de sa vie future: sa maison de rêve, sa photo sur le corps de Rihanna en concert. Sa mère qui est restée en Afghanistan — et qu’elle n’a pas vue depuis sept ans — vient un jour lui rendre visite. Elle veut la marier contre 9 000 dollars, une somme qui permettra à son frère de se marier à son tour. Bref, vivre avec Sonita pendant 90 minutes et apprendre à en découvrir les maux et les rêves reste un vrai plaisir .
Lien court: