La troupe, Likwid, de Bahreïn.
(Photo:Tareq Hussein)
Entre le jazz et la musique arabe y a-t-il une ressemblance, un lien ? Comment attirer les mélomanes de la musique arabe à ce genre plutôt occidental ? Durant la huitième édition du Festival de jazz, tenu au Greek Campus, au centre ville cairote, certaines troupes et stars participantes ont proposé des concerts de chansons contemporaines arabes, avec un zeste jazzy.
« Il faut bien souligner que le public égyptien a l’habitude d’écouter la musique jazz, depuis les années 1940. Si on regarde les films égyptiens de l’époque, longs métrages classiques en noir et blanc, on remarque qu’il y avait des chansons à la mélodie jazz. On découvre aussi la présence de plusieurs groupes du genre. De plus, les photos en noir et blanc d’antan montraient les visites de Louis Armstrong au Caire. Donc l’Egypte accueille le jazz et ses stars depuis fort longtemps », souligne Amr Salah, fondateur et président du Festival cairote de jazz .
Pour plusieurs musiciens, la structure même du jazz permet aux interprètes de s’ouvrir, les uns aux autres, de se libérer. Ils jouent à leur guise et dialoguent ensemble, tout en respectant une mélodie ou un même rythme dès le départ. La musique arabe, elle aussi, permet aux chanteurs et aux musiciens de voyager ailleurs, de passer d’un mode à l’autre, d’improviser librement et de revenir à la mélodie ou au mode de base. On parle alors du Tarab (l’extase) et les mélomanes s’en réjouissent. D’où la similitude entre le jazz et la musique arabe.
Ce rapprochement était assez évident, à travers la dernière édition du Festival de jazz. Celui-ci a accueilli plusieurs interprètes dont le répertoire s’éloigne du jazz, mais qui reste ouverts à toute expérimentation. C’est le cas à titre d’exemple du chanteur-compositeur underground, Hamza Namira, qui a enflammé la scène avec ses chansons. Il a tenté de s’approcher du style jazzy dans certaines chansons. Et a interprété des opus où il s’est permis une certaine liberté, offrant à ses musiciens la chance de nouer un dialogue entre eux. « Quelques-unes de mes chansons portent déjà un soupçon de jazz, mais pour le festival, j’ai essayé de faire des remix à partir des chansons folkloriques. J’ai fait place à l’improvisation, au mashup mélangeant deux titres et à l’interférence musicale », indique Namira.
Il en est de même pour le trio égyptien H.O.H (Hani Adel, Osso, Hani Al-Dakkak) qui a donné ses plus belles chansons dans une ambiance festive. Hani Adel a interprété des oeuvres du répertoire du groupe West Al-Balad. Oussa, guitariste de plusieurs groupes jazz, a repris des opus de toutes ces formations. Et Hani Al-Dakkak a dû chanter certains succès de Massar Egbari.
Arabe-anglais vice-versa
De Bahreïn, Alaa Al-Ghawas et la troupe Likwid ont présenté un show où le pop, le rock et le funk étaient de mise. En fait, Al-Ghawas et Likwid, qui chantent en anglais, rejettent toutes sortes de classification. Ils jouent la musique qu’ils aiment, en toute simplicité.
Al-Ghawas, résidant aux Etats-Unis, est friand de musique occidentale. Il écrit ses paroles en anglais et se produit avec les membres de Likwid, assez célèbres dans les bars rythmés de Bahreïn. La coopération entre Al-Ghawas et Likwid a donné naissance à une musique à l’image de leurs identités culturelles. Ils ajoutent par exemple à la chanson de Jeff Buckley Dream Brother quelques airs orientaux pour en faire un nouvel arragement qui leur ressemble. Rebellion est une autre chanson rock où ils évoquent les réalités de leur pays.
Amr Salah, président et fondateur du festival, s’est produit le dernier jour avec son trio ainsi que la chanteuse et parolière Noha Fekry. Ensemble, ils poursuivent leur projet visant à rendre le jazz accessible à un plus large public. « Il s’agit de reprendre les plus belles chansons de jazz, selon un arrangement oriental. On arabise également les chansons, alors que les gens sont souvent contents de mieux comprendre les paroles. De même, on retravaille certaines oeuvres du folklore égyptien, en leur attribuant un ton jazzy. Une fois, sur scène, le public reconnaît les rythmes et les mélodies et réagit de manière très positive », précise Noha Fekri, l’une des interprètes de ce festival laquelle a essayé de transcender les frontières entre le jazz et la musique arabe. La fusion de ces deux mondes s’est passée à merveille.
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