Le film nous transporte dans un voyage à travers le temps.
Après avoir fait la tournée des grands festivals internationaux, avec pour première escale le Festival international du cinéma de Dubaï en 2015, le documentaire Chante pour moi a illuminé la 32e édition du cinéma méditerranéen d’Alexandrie. L’impact du film a été tel, qu’il a été projeté plusieurs fois pendant le festival à la demande du public, mais aussi des critiques. Le film a remporté le prix Al-Qods pour le meilleur long métrage documentaire arabe. Chante pour moi est selon toute vraisemblance un « one man show » de la réalisatrice du documentaire, qui a cumulé à elle seule les rôles d’auteur, de monteur et de distributeur. Chante pour moi est un hymne iraqien véhiculant les spécificités culturelles, humaines et spirituelles de l’Iraq. Le film est un chef-d’oeuvre cinématographique qui relate avec nostalgie les maux de toute une patrie qui voyage avec ses fils en exil à travers le monde. Le film relate l’histoire de la famille de la réalisatrice et de son périple qui débute au moment de la naissance de Sama aux Emirats arabes unis. La famille y avait vécu pendant un temps, avant d’émigrer pour de bon au Canada vers le début du millénaire. Le film se base sur des témoignages du grand-père de la réalisatrice, enregistrés sur une cassette puis légués à la jeune femme alors qu’elle n’était qu’une enfant. Celle-ci a ensuite découvert ses films par le plus grand des hasards dans les cartons de leur déménagement et en a fait l’oeuvre que l’on connaît aujourd’hui.
La question de l’appartenance
La réalisatrice a opté pour une accroche remontant à une époque très éloignée dans l’histoire, plusieurs milliers d’années en arrière avec l’intention de retracer le parcours religieux de sa famille mandéiste : La narration de cette histoire religieuse en arrière-plan vient constituer une ligne dramatique à laquelle s’ajoute le parcours familial. C’est entre ces deux lignes que la réalisatrice, diplômée d’une école d’art, écrit son commentaire. Elle mélange alors l’attachement à ses racines à la culture cosmopolite qu’elle a découverte dans ses différents déplacements à travers le monde (Emirats, Liban, Etats-Unis et Canada).
Le spectateur ne manquera pas de remarquer un petit air égyptien jaillir du film à travers la chanson de l’éternelle diva, Oum Kalsoum, intitulée Chante pour moi, que le grand-père chantonne à sa petite-fille. Dans un mixage réussi, Sama transpose sa voix sur celle de son grand-père pour chanter avec lui en choeur. Une transposition de voix qui accentue leurs similitudes, leur appartenance et leur partage d’une même culture.
Le film de 38 mn à peine nous transporte dans un voyage à travers le temps, qui aborde les origines philosophiques de la religion mandéiste, ainsi que la particularité de ses fidèles qui ont tous disparu aujourd’hui d’Iraq. Le film pleure l’Iraq d’antan, riche et cultivé, qui de nos jours est en proie au terrorisme. Ce film nous rappelle que quoi qu’il arrive, la beauté intérieure de l’Iraq s’est transformée en une mémoire vivante que l’on perçoit dans le discours de ses patriotes.
Waham invite son auditoire à méditer sur des questions philosophiques d’ordre existentiel et identitaire liées à l’appartenance à une patrie. Elle se demande ici si cette appartenance est conditionnée par une présence physique ou bien si l’on peut se sentir comme faisant partie d’une patrie que l’on n’a jamais vue. La réflexion est juste, bien menée et a touché le public conquis par ce message : l’Iraq vit à travers une nostalgie durable, une mémoire et une culture authentique que ni la distance ni le temps ne pourront effacer.
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