A diversité culturelle, la ville colorée de Réda Abdel-Salam dépouille l’homme de ses masques.
Les bidonvilles, les cohues cairotes et son atmosphère populaire, pollué, bruyant, inspirent l’ensemble des peintures de l’artiste Réda Abdel-Salam, exposées à la galerie Picasso. Des peintures qui évoquent l’esprit de la ville, celle d’un passé nostalgique, identitaire et authentique, dans un temps présent, saturé de couches pâteuses, de lignes superposées, à l’infini, de couleurs d’huile très fluide, denses et contradictoires, de formes géométriques variées, de motifs condensés et de collages. Le tout est régi par le désordre, sous l’effet d’une certaine nuisance visuelle. Et ce, dans un beau contraste de matière et de masse. « C’est la ville telle que je la conçois. Une ville qui ne laisse à ma toile et ses composants aucun espace pour respirer. Une ville à la fois étouffante, criarde, ardente, infectée, non planifiée et chaotique, qui a complètement changé avec le temps », affirme Réda Abdel-Salam dont les toiles sont tissées dans une belle harmonie bien contrastée de mythes, symboles, et de parallélisme entre espaces complètement abstraits et mystérieux. Une manière de la part de Abdel-Salam de chercher, dans sa quête inlassable au quotidien, vécue dans la ville, de nouveaux horizons, où le passé subsiste dans le présent. Il s’agit d’un artiste qui aime mêler le passé à son imaginaire personnel, pour donner lieu à un mythe aux traits contemporains, éternels, fantaisistes, contemplatifs et imaginatifs. Comme si la ville, chez Abdel-Salam, se colorait avec du « pop art », ou encore avec de l’expressionnisme abstrait. « Les rues cairotes, leurs histoires ancestrales, la laideur qui nous entoure en ville, les logements insalubres, l’architecture de ses bidonvilles me révoltent », dit Abdel-Salam qui recrée sa propre ville peinte au quotidien.
Et comme la ville chez Abdel-Salam est toujours liée à l’être humain, ce dernier prend souvent le recul dans les toiles de l’artiste, pour céder la place à des créatures bizarroïdes. Dans la ville « brouillardeuse » de Abdel-Salam, se dresse quelque part sur la toile une figure humaine. Voici une femme peinte en grand, aux visages masqués, portant le voile intégral, et voici une personne contemporaine et moderne, le visionnaire du changement de la ville. « Dans la ville, nous vivons toujours dans le contraste. Un contraste culturel et social, entre la beauté et la laideur qui nous entourent. La ville et l’homme se découvrent et se construisent mutuellement. Mais, il semble que, dans ce rapport de force, l’homme est omniprésent. Les villes diffèrent certes par leur langue, leur culture, leur architecture et leur structure. Mais en fin de compte, elles remplissent toutes la même fonction : abriter l’homme. Ma ville à moi ressurgit dans la brutalité du quotidien, elle se plaît à dépouiller l’homme de ses masques, pour le libérer de son déguisement étouffant », souligne Abdel-Salam dont l’art constitue une sorte de mascarade. C’est le monde d’une réalité en perpétuelle transformation, qui témoigne de l’atrocité des conflits, de la corruption, de l’infamie et des dérives du quotidien. Le tout est accompagné d’une sorte d’angoisse existentielle.
Pour le plaisir visuel
Ses héros se déplacent à leur aise, sans restriction aucune, avec en arrière-fond un bleu méditerranéen, aspirant à une vie paisible et pleine de promesses. Loin du chaos et des soucis. Une manière de la part de Abdel-Salam d’alléger le sentiment étouffant ressenti dans sa toile. « Avec le bleu, je vois la ville autrement », exprime Abdel-Salam. Il n’est pas donc étonnant que l’artiste né à Suez, ville du Canal, au nord d’un bras de la mer Rouge, aux charmes multiples, et qui est venu dans les années 1970 au Caire « la ville du chaos », ne cesse de chercher une vision plus esthétique, moins chaotique de la ville. Une ville beaucoup plus fantaisiste et utopique, que fâcheuse et déplaisante.
Jusqu’au 5 octobre, de 10h à 21h (sauf le dimanche). 30, rue Hassan Assem, Zamalek. Tél. : 2736 75 4
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