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L’esprit des lieux

Névine Lameï, Lundi, 26 septembre 2016

Puiser dans le réel pour créer du surréel. L’artiste peintre Réda Abdel-Salam cherche, à la galerie Picasso, à trouver une vision plus esthétique, moins chaotique de la ville.

L’esprit des lieux
A diversité culturelle, la ville colorée de Réda Abdel-Salam dépouille l’homme de ses masques.

Les bidonvilles, les cohues cairotes et son atmosphère populaire, pollué, bruyant, inspirent l’ensemble des peintures de l’artiste Réda Abdel-Salam, exposées à la galerie Picasso. Des peintures qui évoquent l’esprit de la ville, celle d’un passé nostalgique, identitaire et authentique, dans un temps présent, saturé de couches pâteuses, de lignes superposées, à l’infini, de couleurs d’huile très fluide, denses et contradictoires, de formes géométriques variées, de motifs condensés et de collages. Le tout est régi par le désordre, sous l’effet d’une certaine nuisance visuelle. Et ce, dans un beau contraste de matière et de masse. « C’est la ville telle que je la conçois. Une ville qui ne laisse à ma toile et ses compo­sants aucun espace pour respirer. Une ville à la fois étouffante, criarde, ardente, infectée, non planifiée et chaotique, qui a complètement chan­gé avec le temps », affirme Réda Abdel-Salam dont les toiles sont tis­sées dans une belle harmonie bien contrastée de mythes, symboles, et de parallélisme entre espaces complète­ment abstraits et mystérieux. Une manière de la part de Abdel-Salam de chercher, dans sa quête inlassable au quotidien, vécue dans la ville, de nou­veaux horizons, où le passé subsiste dans le présent. Il s’agit d’un artiste qui aime mêler le passé à son imagi­naire personnel, pour donner lieu à un mythe aux traits contemporains, éter­nels, fantaisistes, contemplatifs et imaginatifs. Comme si la ville, chez Abdel-Salam, se colorait avec du « pop art », ou encore avec de l’ex­pressionnisme abstrait. « Les rues cairotes, leurs histoires ancestrales, la laideur qui nous entoure en ville, les logements insalubres, l’architec­ture de ses bidonvilles me révoltent », dit Abdel-Salam qui recrée sa propre ville peinte au quotidien.

Et comme la ville chez Abdel-Salam est toujours liée à l’être humain, ce dernier prend souvent le recul dans les toiles de l’artiste, pour céder la place à des créatures bizar­roïdes. Dans la ville « brouillar­deuse » de Abdel-Salam, se dresse quelque part sur la toile une figure humaine. Voici une femme peinte en grand, aux visages masqués, portant le voile intégral, et voici une personne contemporaine et moderne, le vision­naire du changement de la ville. « Dans la ville, nous vivons toujours dans le contraste. Un contraste cultu­rel et social, entre la beauté et la lai­deur qui nous entourent. La ville et l’homme se découvrent et se construi­sent mutuellement. Mais, il semble que, dans ce rapport de force, l’homme est omniprésent. Les villes diffèrent certes par leur langue, leur culture, leur architecture et leur structure. Mais en fin de compte, elles remplissent toutes la même fonction : abriter l’homme. Ma ville à moi res­surgit dans la brutalité du quotidien, elle se plaît à dépouiller l’homme de ses masques, pour le libérer de son déguisement étouffant », souligne Abdel-Salam dont l’art constitue une sorte de mascarade. C’est le monde d’une réalité en perpétuelle transfor­mation, qui témoigne de l’atrocité des conflits, de la corruption, de l’infamie et des dérives du quotidien. Le tout est accompagné d’une sorte d’an­goisse existentielle.

Pour le plaisir visuel
Ses héros se déplacent à leur aise, sans restriction aucune, avec en arrière-fond un bleu méditerranéen, aspirant à une vie paisible et pleine de promesses. Loin du chaos et des sou­cis. Une manière de la part de Abdel-Salam d’alléger le sentiment étouf­fant ressenti dans sa toile. « Avec le bleu, je vois la ville autrement », exprime Abdel-Salam. Il n’est pas donc étonnant que l’artiste né à Suez, ville du Canal, au nord d’un bras de la mer Rouge, aux charmes mul­tiples, et qui est venu dans les années 1970 au Caire « la ville du chaos », ne cesse de chercher une vision plus esthétique, moins chaotique de la ville. Une ville beaucoup plus fantai­siste et utopique, que fâcheuse et déplaisante.

Jusqu’au 5 octobre, de 10h à 21h (sauf le dimanche). 30, rue Hassan Assem, Zamalek. Tél. : 2736 75 4

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