Al-ahram hebdo : Comment est née votre troupe Golden Thread ? Et quel est son objectif ?
Torange Yeghiazarian : Je suis originaire d’Iran et je réside aux Etats-Unis. Quand j’ai essayé de trouver ma voix en tant que dramaturge, j’ai constaté que mon univers, celui d’une femme iranienne immigrée, n’intéressait pas le milieu du théâtre américain. Et même si parfois je trouvais quelques théâtres qui s’aventuraient à vouloir réaliser mes pièces, les comédiens n’avaient ni les références, ni le bagage nécessaire pour pouvoir transmettre mes idées sur les planches. J’ai alors fondé ma propre troupe, afin de produire moi-même mes pièces et mettre en lumière l’histoire des émigrés aux Etats-Unis. La troupe s’intéresse aux problèmes d’un Moyen-Orient large qui comprend les pays arabes, ceux du Maghreb, la Turquie et même les pays d’Europe de l’Est.
— Que pensez-vous du théâtre iranien ?
— Le théâtre en Iran est très varié. J’apprécie vraiment la manière dont travaillent les comédiens et les metteurs en scène iraniens. Beaucoup de sujets évoqués sur les planches iraniennes sont similaires à ceux soulevés dans les spectacles cairotes. Je crois que l’on gagnerait en croisant les artistes égyptiens et iraniens. Le théâtre iranien aborde beaucoup de sujets sociaux, qu’ils soient naturalistes, réalistes ou même abstraits. Certains créateurs jouent avec les multimédias et expérimentent de nouvelles techniques. Le théâtre est moins conservateur qu’auparavant. Bien que certaines restrictions concernant la présence d’un homme et d’une femme sur une même scène persistent. La femme doit être entièrement couverte. Le hidjab est obligatoire. Mais les comédiennes manipulent alors leur hidjab comme un accessoire et le portent de différentes manières. Par exemple, quand une actrice joue le rôle d’une femme européenne ou asiatique, elle remplace le hidjab par une perruque ou un chapeau.
— Votre troupe a déjà participé au Festival expérimental en 2004 avec le spectacle Karima City. Comment percevez-vous le festival aujourd’hui ?
— Tout d’abord, je suis honorée de participer à ce festival. Cela témoigne du lien qui se tisse entre notre troupe Golden Thread et le public égyptien. Les artistes égyptiens apprécient notre travail. Le festival m’a paru beaucoup plus organisé cette année. Les artistes arabes et étrangers se trouvant dans une seule et même résidence, les choses étaient plus simples. Et les colloques qui se sont tenus dans un lieu unique ont permis aux différents participants de faire de belles rencontres. Les spectacles égyptiens que j’ai vus étaient créés pour la plupart par de jeunes metteurs en scène. J’ai été impressionnée par le spectacle L’Etranger, présenté par une troupe de jeunes étudiants universitaires. Malgré la barrière de la langue, leur jeu passionné m’a beaucoup touchée. Et Al-Zombie et les dix péchés était aussi un spectacle très intéressant sur le plan visuel.
— Quelle est l’idée de votre atelier de mise en scène tenu durant le festival ?
— J’ai remarqué que les metteurs en scène hors des Etats-Unis se libèrent plus souvent du texte et se permettent de faire des changements plus radicaux. Aux Etats-Unis, la plupart des metteurs en scène s’attachent au texte original. Par curiosité, j’ai décidé de travailler dans cet atelier avec un grand nombre de jeunes comédiens et de metteurs en scène. J’ai choisi de petites scènes de la pièce Our Enemies : Lively Scenes of Love and Combat du dramaturge américano-égyptien Youssef Al-Guindi. Selon chaque groupe, je note les différentes interprétations des jeunes, qu’elles soient fidèles aux scènes originales ou qu’elles s’en dégagent, pour poser la question du rapport du texte.
— Quelles sont les nouvelles productions de Golden Thread ?
— Cet automne, nous célébrons notre 20e anniversaire, et pour cela, nous voulons présenter deux nouveaux spectacles : The Most Dangerous Highway in the World, écrit par le dramaturge américano-afghan Kevin Artigue et monté par Evren Odcikin, et Our Enemies : Lively Scenes of Love and Combat de Youssef Al-Guindi, que je vais monter pour novembre prochain. Al-Guindi est un dramaturge bien connu aux Etats-Unis et nous voulons lui rendre hommage.
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