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Musique: Le chanteur qui défend sa ville

Yasser Moheb, Mardi, 26 février 2013

Le jeune chanteur et compositeur musical Ali Al-Alfi prépare son premier album. Il est l’icône de toute une génération de jeunes artistes révolutionnaires et le porte-parole de sa ville natale, Port-Saïd.

Musique
Ali Al-Alfi

« Chanter, c’est faire vibrer tout le monde et briser toutes les barrières », c’est ainsi que le jeune chanteur Ali Al-Alfi décrit sa mission. Une mission assez spéciale, puisqu’il est devenu depuis un an le porte-parole de toute une ville, celle de Port-Saïd. Dès le lendemain du match de foot­ball au stade de Port-Saïd, qui a tour­né au drame en laissant 74 morts, sa chanson Balad al-bala (ville de la fripe) fait un carton sur Facebook, ainsi que sur la majorité des sites web et des blogs. Une chanson qui a toute une histoire derrière elle.

« J’étais à l’Opéra du Caire pour rencontrer mes amis, lorsque j’ai reçu la nouvelle de cette catastrophe sportive et humaine », se souvient Al-Alfi. « Je me souviens bien d’une personne que je ne connaissais pas parmi les auditeurs de l’Opéra qui s’est mise à m’accuser de traître et de criminel, pour la simple raison que je suis de Port-Saïd ! Même en rentrant chez moi en métro, j’ai échappé à un lynchage pour la simple raison d’avoir dit à quelques passagers que les Port-Saïdis ne sont pas si félons pour commettre un tel crime ! Afin d’éviter les injures des passagers, j’ai dû descendre plus tôt à une autre station », ajoute-t-il.

Le lendemain, une fois rentré à Port-Saïd comme un fugitif, il se rend compte que l’affaire n’est pas facile.

« J’ai appelé mon ami le jeune parolier Tareq Ali qui a déjà publié sur Facebook quelques idées sur le même sujet », dit-il. « Je lui ai demandé d’écrire des paroles simples dans le but de dévoiler la réalité. C’est par Baladi bariä (ma ville est innocente) que la chanson commence dans le but de lancer, dès le début, notre point de vue ! », poursuit-il

Chanter est devenu un enjeu, vu la colère grandissante des Ulras ahlawis ? Bien sûr. « Je sais que les fans du club d’Ahli représentent la grande majorité des Egyptiens, mais lorsqu’on s’attaque à ma ville natale, je ne me tais pas. J’exprime mon point de vue à travers la chanson ».

Les paroles de la chanson sont en fait explicites. C’est une chanson engagée, car Ali Al-Alfi y exprime clairement ce qu’il pense en défen­dant ses idées. Le chanteur se fait donc porte-parole de toute la commu­nauté port-saïdie qui subit actuelle­ment une certaine discrimination. Il dénonce la violence, qui s’amplifie de jour en jour. Selon les paroles de la chanson, le Conseil suprême des forces armées, qui était à la tête de l’Etat, est « responsable de cet inci­dent affreux afin de briser l’unité des révolutionnaires ».

En fait, Balad al-bala (ville de la fripe) est une chanson engagée qui veut transmettre un message très fort : il faut se libérer de cette rage, de cette injustice contre cette ville dont les révolutionnaires ont joué un rôle pri­mordial dans l’histoire de l’Egypte et dans la lutte contre la colonisation française et britannique.

Le chanteur accentue encore ce sentiment par des termes très expres­sifs : « moamra daniya » (complot dégoûtant), « chalet Misr fi ezz al-azma » (a emporté l’Egypte en pleine crise) et « achet 30 sana mazlouma, men hakem fassed we hokouma » (ma ville a passé 30 ans lésée, sous un dirigeant corrompu et un gouverne­ment coupable). Tout un vocabulaire qui signifie et vise une seule chose : le dégoût et la colère que sa ville natale soit offensée et injustement accusée. Des paroles donc à tonalité polémique, dans le but d’évoquer chez les auditeurs un certain choc et de tirer la sonnette d’alarme quant à une telle situation dangereuse.

L’engagement en chansons

D’autres chansons engagées dans la discographie d’Al-Alfi ? Bien sûr, puisque le jeune chanteur a choisi d’être « la voix de ceux qui souffrent et ne peuvent pas s’exprimer ». « Je ne suis ni une grande star ni un jeune premier. Au contraire, je res­semble à monsieur tout le monde », souligne-t-il en souriant. « Je suis très modeste et vis avec les gens simples », ajoute-t-il.

Mélomane depuis son plus jeune âge, Ali Al-Alfi a toujours eu la chanson dans ses veines. Une fois son diplôme obtenu de la faculté d’ingénierie de Port-Saïd, il débute sa carrière en émigrant au Caire, où il commence à se produire dans de grandes salles cairotes telles qu’Al-Saqia et à l’Opéra du Caire. Il a fait partie de troupes telles qu’Ayamna al-hélwa (nos beaux jours) et Ghona rayeq (chant pénard), pour se lancer après en solo. Il s’est démarqué de ses contemporains grâce à son style unique mélangeant chant oriental traditionnel, jazz et rythmes latins.

Parmi ses chansons au goût patrio­tique, on citera Khayef aleiki (j’ai peur pour toi), présentée en duo avec le jeune compositeur et arrangeur musical Ahmad Kikar. « Ne sois pas si faible, tu mérites beaucoup mieux que ça ; tu mérites nos yeux qui te gardent et qui ont peur pour toi », plaide la chanson.

En écoutant un soir le début de la musique de cette chanson, fredonnée par Ahmad Kikar, Ali Al-Alfi a saisi rapidement l’idée. « J’ai contacté mon ami le parolier égyptien Achraf Al-Chafeï pour lui demander d’écrire les paroles de cette chanson. Deux jours ont été suffisants pour l’enregis­trer », affirme Al-Alfi.

La chanson Ana mosh assef (je ne suis pas désolé), qu’il vient d’enre­gistrer avec le jeune parolier Amr Qatamech, est considérée comme un début vers la célébrité. « On a commencé à me connaître dans les milieux artistiques après cette nou­velle expérience, vu que la chanson passe depuis des semaines sur les chaînes satellites. Je suis très content de participer à une telle oeuvre qui représente l’une des revendications populaires, à savoir la poursuite de la révolution égyp­tienne », indique-t-il. Travaillant actuellement sur son premier album, le jeune chanteur Ali Al-Alfi garde ses innombrables ambitions artis­tiques, comme une fleur garde son parfum. « Je rêve de devenir un jour un chanteur adulé, mais avant tout respecté par ses fans », aspire le jeune talentueux.

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