Le ministère égyptien des Antiquités a désormais décidé d’une réduction de 50 % sur les frais de tournage sur tous les sites archéologiques en Egypte. Selon une annonce de la part du ministère, « les prix des nouveaux films varient selon le type de production et le lieu historique requis. Ils varient de 150 dollars pour une émission de télévision à 15 000 dollars pour une production cinématographique ». Cela dit, une baisse des deux tiers des tarifs fixés auparavant.
« Le but est d’encourager les producteurs étrangers à venir tourner leurs oeuvres artistiques en Egypte. Plusieurs pays de la Méditerranée sont en compétition sur ce plan, comme l’Espagne, la Turquie et surtout le Maroc ; tous fournissent un support complet aux productions », vient de souligner Khaled Al-Anani, ministre égyptien des Antiquités.
Sur le plan régional, et parmi tous les pays arabes, le Maroc a toujours été le havre des producteurs de films occidentaux. Il a de tout temps attiré les principales productions hollywoodiennes, même celles qui étaient censées avoir l’Egypte pour cadre historique. Les producteurs américains y ont même tourné la série La Momie, et des films qui se situent en Egypte Ancienne. « Etant donné que l’Egypte possède des sites touristiques et archéologiques extraordinaires, nous devons en profiter. Une exploitation optimale et bien mesurée sera sans doute dans l’intérêt de tout le monde », ajoute Al-Anani.
Selon les cinéastes, cette réaction de la part du ministère des Antiquités représente un pas sur la route de la réforme, toutefois, celle-ci nécessite encore plus de décisions et de décrets de la part des entités officielles et ministérielles, afin que l’affaire ne soit pas un simple essai de raviver le tourisme à travers la production du cinéma, tout en étant loin de seconder véritablement le 7e art et son industrie.
« Pour plusieurs productions américaines ou occidentales, les frais de tournage ne sont pas le grand problème, il s’agit aussi des facilités et des permis de tournage qu’ils doivent obtenir », souligne le producteur cinématographique, Ihab Ayoub. « Sans gérer raisonnablement le côté officiel et sans abattre fermement la bureaucratie dominant tout le système, de manière à décerner les permis de tournage, ainsi que les autorisations de sécurité, plus facilement, le remède restera insuffisant. Les pays voisins demeureront plus attractifs », insiste-t-il.
Connu pour son expérience dans le domaine de la coproduction et de la collaboration avec des producteurs étrangers, Ayoub affirme la présence de plusieurs difficultés majeures, dont entre autres l’intransigeance de la censure, la surévaluation des droits de douane, ainsi que la nonchalance et le manque de support de la part du syndicat des Métiers cinématographiques.
« Outre les tarifs excessifs et souvent illogiques pour tourner les films en Egypte, les producteurs étrangers se trouvent coincés face à d’autres exigences encore plus outrancières, comme la nécessité de verser aux douanes égyptiennes 20 % de la valeur du matériel de tournage en Egypte, ainsi qu’une garantie bancaire de cette valeur pour s’assurer le rapatriement du matériel, en plus d’une somme qui dépasse 500 dollars qu’ils doivent payer hebdomadairement au syndicat des Métiers cinématographiques, pour chaque technicien ou membre de l’équipe de tournage en Egypte ». Et à lui de conclure : « Bref, c’est devenu malheureusement un effroi angoissant pour chaque producteur pensant un jour tourner son film sur les sites égyptiens ».
Le modèle turc et la primauté marocaine
Un succès peut en aviser un autre. La popularité d’un film ou d’une série télévisée entraîne parfois dans son sillage des gains financiers ou certes une réussite touristique, quand les fans ont envie de partir sur les traces de leurs héros. Si les studios turcs deviennent — depuis les cinq dernières années — les lieux privilégiés de tournage des films européens et des spots publicitaires, cette activité productive dans l’industrie du cinéma a parmi ses buts le désir de ranimer le secteur du tourisme et de l’hôtellerie au pays de l’Anatolie, mais avant tout — selon la presse opposante turque — « le rêve de dominer la région, indirectement, sur les plans culturel, artistique et économique ».
Un rêve qui a commencé certes à devenir réalité, surtout après le grand succès réalisé par les séries turques diffusées par les télévisions arabes, avec des héros adulés : Mohannad, Nour ou Fatma, ainsi que l’arrivée de quelques films turcs dans les salles égyptiennes, tels Al-Sultane Al-Fateh (Conquête de 1453).
On a commencé d’ailleurs à trouver la mode et la haute couture turques dominantes dans la plupart des capitales arabes, dont une grande part de jeunes hommes se sont allés à porter les moustaches et les barbes au look turc, alors que certains plateaux en Istanbul ont vu cette année défiler — malgré l’instabilité politique — les équipes de tournage de trois affiches internationales. Mais pourquoi un tel attrait ? Les différentes entités de l’Etat turc se sont résolues à la nécessité d’offrir à la communauté cinématographique internationale tous les renseignements nécessaires pour préparer la production d’un film à l’étranger, avec une gamme d’endroits et d’infrastructures de production bon marché.
Toutefois, c’est le Maroc qui reste jusqu’alors La Mecque des producteurs et des grands studios hollywoodiens et régionaux. Environ 200 films de production étrangère ont été tournés au Maroc entre 2006 et 2015 pour un investissement de plus de 400 millions d’euros, dont 1,17 milliard de dirhams générés par le tournage de films étrangers en 2014, selon le Centre Cinématographique Marocain (CNM). Les productions américaines se présentent toujours en tête, suivies de films anglais, puis français, canadiens et allemands.
En termes de choix des sites pour ces productions, Ouarzazate vient en tête des principaux lieux de tournage réalisés au Maroc, durant ces cinq dernières années, suivi de Rabat, Casablanca, Marrakech et Tanger. D’après le CNM, plusieurs sociétés à Casablanca, Marrakech, Ouarzazate, Asilah et Tanger rivalisent à proposer leurs services aux sociétés de production américaines ou européennes. Le Maroc en profite pour renforcer et multiplier ses avantages compétitifs par la signature d’accords de coopération, dans le domaine de la coproduction cinématographique. Des mesures malheureusement encore absentes sur la scène cinématographique égyptienne.
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