Avant d’arriver à la galerie Zamalek, les embouteillages, la chaleur et l’humidité du mois d’août nous étreignent et nous laissent sans grande défense. Mais il ne faut que quelques secondes à l’intérieur de la galerie, au milieu des oeuvres d’art exposées dans deux salles consécutives, pour se sentir une personne différente. On pourrait le clamer avec Baudelaire, ici tout est calme et beauté. Entre sculptures et peintures, les oeuvres de l’exposition Masterpieces XV revêtent un monde en couleurs. On retrouve une certaine beauté perdue de nos vies modernes, plongées dans la violence, avec les oeuvres des 35 artistes, exposant chacun une ou deux pièces.
En général, les galeries, au mois d’août, exposent des oeuvres plus ou moins importantes dans le but de vendre. Un débarras où il faut fouiller pour récolter quelque chose. Mais ici parmi les 70 oeuvres montrées, selon un agencement élégant, on a l’embarras du choix. Des oeuvres nous interpellent et d’autres moins, mais somme toute, nous baignons dans le monde de l’art.
D’âges différents et de notoriétés variables, les artistes exposent ce qui les fait rêver, c’est-à-dire ce qui leur permet de métamorphoser le monde. Dans la première salle, nous retrouvons les pièces les plus incontournables, celles qui nous présentent des facettes lointaines des artistes. Il y a d’abord, au centre, une grande et belle sculpture de Gamal Al-Séguini, très représentative de son monde, proche du terroir égyptien. Malgré son décès en 1977, à l’âge de 60 ans, à un moment sombre de sa vie, où ses valeurs avaient basculé surtout après l’accord de paix de Camp David, il revêt encore, avec le temps, une splendeur particulière. Non loin, Abdel-Rahmane Al-Nachar, décédé en 1999, nous présente une femme de profil, datant de 1958, désinvolte et rembrunie. Ses oeuvres, qui vacillent entre exhibitionnisme et surréalisme, sont exposées dans un musée qui porte son nom.
D’autres pionniers, encore vivants grâce à Dieu, comme Gazbia Sirry, Zeinab Al-Séguini et Farghali Abdel-Hafiz, nous offrent à voir des oeuvres différentes de leur travail habituel. Abdel-Hafiz montre alors une toile qui remonte à 1983, dans un style complètement différent de ce qu’il peint actuellement. Sur une étendue blanche, une petite plante verte pointe, dans la sérénité. Le monde se fait plus doux. On arrose cette plante vivante tous les jours, pour maintenir une vie qui éclot continuellement.
Balançoire sans prétention
En se promenant, çà et là, parmi les peintures et les sculptures qui nous sourient, on s’arrête étonné et amusé devant le monde original du sculpteur Gamal Abdel-Nasser. Dans une petite salle, les couleurs de Abdel-Nasser et son univers enfantin s’offrent à nous à travers une installation qui ne ressemble qu’à lui. Une balançoire tout en couleurs, avec d’autres sculptures, sans prétention, nous marquent par leur gaieté. Dans la même lignée, Khaled Sorour expose ses peintures qui se jouent du monde des grands. Il y a également la fraîcheur d’Amina Al-Démerdach qui invente un monde en couleurs, entre caricature et peinture.
Mais les enfants sont-ils tous heureux, ont-ils la latitude de jouer dans un monde de guerre ? Souad Mardan Bey, une Syrienne résidant en Egypte, se souvient encore et toujours de la guerre au Liban où elle a vécu pendant longtemps. Un enfant nous contemple, les yeux pleins de souffrance et de nostalgie, refusant un monde que nous avons détruit, nous les grands qui se disent sages. Il en est de même pour cette sculpture de Vache de Nathan Doss qui nous présente le squelette de la pauvreté qui nous atteint tous et de la maltraitance qui nous déchire.
Notre randonnée n’est pas terminée, passant d’une pièce à l’autre. L’homme dans le brouillard, dans la peinture de Waël Darwich, étreint ses émotions intérieures. Ensuite, Rabab Nemr présente deux peintures, dont l’une est en noir et blanc. Le travail de Moustapha Abdel-Moati, assez puissant, reste ancré dans nos mémoires. Il côtoie celui d’autres jeunes artistes comme Gamal Al-Fiqi, Adel Moustapha ou Moustapha Rabie. D’ailleurs, une prochaine exposition leur sera consacrée, afin de refléter un souffle nouveau. Les peintres de Georges Fékri ainsi que beaucoup d’autres noms, peut-être encore moins confirmés, reflètent la richesse de la scène artistique en Egypte. Il faut simplement ne jamais baisser les bras comme le font certains artistes qui appartiennent à des générations consécutives /
Jusqu’à fin septembre à la galerie Zamalek. 11, rue Brésil. Tél. : 27351240. De 10h30 à 21h (sauf le vendredi).
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