Al-ahram hebdo : Après trois ans à la tête du festival, comment évaluez-vous cette expérience ?
Nasser Abdel-Moneim : En trois éditions, le festival a certes évolué. Il y a des essais et des erreurs, on a appris sur le tas. Les jurys successifs et les hommes de théâtre nous ont aidés à modifier la réglementation du festival, à maintes reprises. Cette année, nous avons doublé le nombre de spectacles produits par les organisations de la société civile et par les universités.
J’espère que dans les éditions à venir le festival maintiendra son succès. J’aimerais bien le voir se tenir dans les provinces. Déjà, les spectacles primés effectuent une tournée dans les gouvernorats égyptiens. Mais il faut aussi prévoir des éditions entières, en dehors de la capitale.
Les prix ont eux aussi doublé, comparés à l’an dernier. Et pour la première fois, cette année, tous les producteurs de théâtre sont représentés : les théâtres de l’Etat, le privé, l’indépendant, etc. Le programme des spectacles est surchargé, alors qu’il s’étend sur trois semaines.
En 2014 et 2015, nous avions eu recours à l’aide financière de la société civile afin de couvrir le montant des prix décernés. Cette année, le ministère de la Culture a consacré au festival un budget de 1,2 million de L.E. De quoi couvrir tous les frais de l’édition en cours, jusqu’au 8 août. Nous recevons avec plaisir toute aide que peut nous fournir la société civile, mais cela restera pour la tenue d’activités secondaires. Sur Facebook, la page du festival a enregistré plus de 55 000 fans. La radio et les chaînes satellites couvrent différentes activités. Cela dit, il y a un intérêt accru de la part des médias, même s’il y a toujours des lacunes à combler et des problèmes d’organisation.
— Le public vient nombreux assister aux spectacles. La présence est remarquable cette année ...
— J’espère que le public renouera avec les planches tout au long de l’année et non pas uniquement durant le festival. Au Théâtre des marionnettes, le public a forcé la porte d’entrée et on trouvait à peine des places pour les membres du jury. Les agents de sécurité, chargés de maintenir l’ordre, dans les espaces culturels ne sont pas toujours à même de contrôler les foules enthousiastes. De quoi engendrer parfois quelques problèmes.
— Le nombre de spectacles a augmenté, mais cela s’est fait au détriment de la qualité. Cela est-il dû au niveau de la création théâtrale en général ?
— Je vous réponds en tant qu’homme de théâtre et non en tant que président du festival. Car mon travail au sein de celui-ci est plutôt lié à l’organisation. Je n’interviens pas dans les critères de choix qui sont définis par la réglementation. Pourtant, le festival est une bonne occasion d’observer l’évolution du théâtre en Egypte. Il est évident que le niveau est plus faible cette année. Il faut étudier les raisons de ce vacillement, car ce n’était pas le cas l’an dernier.
Les pièces qui proviennent d’en dehors du Caire sont sélectionnées au niveau des gouvernorats, à travers des concours organisés par les palais de la culture. Elles sont parfois répétitives ou sans nouveauté. Il faut qu’il y ait une stratégie à long terme pour faire évoluer le théâtre dans les provinces, à travers des ateliers de formation, des théâtres laboratoires, … au lieu de se limiter à des formes folkloriques et des mises en scène trop traditionnelles.
— Le théâtre indépendant et universitaire connaissent un essor, contrairement aux spectacles du théâtre de l’Etat. Qu’en dites-vous ?
— Le théâtre indépendant est incontournable ; il fait partie intégrante de la scène artistique. Il participe cette année au festival avec cinq oeuvres, mais le niveau est toujours assez vacillant. Par contre, le théâtre universitaire connaît vraiment un essor. Il s’impose de plus en plus. L’an dernier, le spectacle Al-Gharib (l’étranger), présenté par les étudiants de l’Université de Aïn-Chams a remporté le deuxième prix, au festival. Cette année, les spectacles universitaires font preuve de beaucoup de créativité. Les jeunes nous donnent espoir.
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