Al-Ahram Hebdo : Le théâtre est un cri qui veut changer la réalité des choses. Selon vous, peut-il changer la réalité politique en Egypte ?
Christophe Rouxel : Le théâtre, en plus d’être porteur de messages socioculturels, politiques, éducationnels, philosophiques et autres, est également un engagement entre la mise en scène et la réalité. Il lie d’une manière incroyable les attentes du public, l’imagination du metteur en scène, les messages de ce dernier et la réalité vécue par ce public, principal destinataire de l’oeuvre théâtrale. A l’instar des autres arts nobles (peinture, poésie, littérature …), il a la force et la magie d’éduquer l’opinion publique. C’est-à-dire de divertir et de faire réfléchir. De ce fait, force est de constater que ce genre artistique— le théâtre —est inhérent à la pensée politique d’un peuple.
L’Histoire l’a maintes fois prouvé.
— L’histoire de l’humanité nous a montré, à plusieurs reprises, que l’art et la révolution sont les deux faces d’une même monnaie. Est-ce vrai dans le cas de l’Egypte ?
— A mon sens, il serait hâtif, voire candide de lier de manière systématique l’art, n’importe lequel, à une révolution spécifique. Tout dépend du contexte politique de cette révolution et des moyens concrets de l’art en question.
Autrement dit, je ne pense pas que l’art et la révolution puissent être les deux facettes du même médaillon sans que les pièces maîtresses de la société (le gouvernement et la société civile) le veuillent et l’exigent. Cependant, je ne dis pas qu’il faut baisser les bras, bien au contraire, l’une des premières caractéristiques de l’art théâtral c’est d’avoir des buts concrets dans la vie, de viser loin et d’aller jusqu’au bout de ses revendications.
— Que pensez-vous de la qualité des candidats de cette onzième édition du Festival des jeunes créateurs ?
— Les membres d’un jury se complètent. Ceci dit, les résultats de cette onzième édition du Festival des jeunes créateurs ont déjà été annoncés. Quant à moi, pour des raisons un peu personnelles, je préfère taire mon jugement esthétique et professionnel de la qualité artistique des candidats.
— Quelles sont vos pronostics pour les éditions à venir ?
— Le plus important à mon avis c’est de mettre en avant cette envie de collaborer, de dialoguer et d’échanger avec les artistes français et francophones. Certainement, c’est l’échange et la réceptivité de l’autre qui créent la richesse intellectuelle et favorisent le développement culturel du public réceptif …
— La réputation du théâtre et de l’art égyptiens résonne au-delà des frontières.
Quelles en ont été vos premières impressions ?
— Personnellement, quand je pense aux arts égyptiens, c’est la musique orientale et l’orientalisme en général qui me viennent d’emblée à l’esprit. Et parce que je ne suis pas arabophone, ce n’est que dernièrement que j’ai fait la connaissance du théâtre égyptien à travers la onzième édition du Festival des jeunes créateurs à l’IFE par le biais des oeuvres francophones présentées.
— Selon vous, quelle est l’importance de la francophonie sur la scène artistique d’un pays qui, comme l’Egypte, n’est pas essentiellement francophone ?
— Toutes les langues du monde permettent un échange culturel et la francophonie n’est pas une exception. Si au Maghreb la francophonie a permis à la scène culturelle de s’épanouir, ici en Egypte, la langue de Shakespeare l’a fait. Bref, comme le dicte le credo philosophique du théâtre, écouter l’autre et le comprendre ne peuvent qu’être bénéfiques pour le développement culturel et intellectuel.
— Quelle est la différence selon vous entre vos apprentis en France et les jeunes artistes que vous venez de rencontrer à l’Institut français du Caire ?
— Chacun à ses propres notions de la réceptivité de l’autre, de la critique et de l’envie d’aller de l’avant …
Lien court: