Côté spectaculaire d'une passion légendaire.(Photo: Bassam Al-Zoghby )
Dans ces moments critiques de l’histoire de l’Egypte, la danse vient nous donner un certain élan d’espoir. La compagnie
Les Chevaliers de l’Orient pour les arts du patrimoine présente son nouveau spectacle
Son Prénom est Naassa, chorégraphié et mis en scène par Karima Bédeir. Bédeir tente de faire renaître, à travers la danse, les femmes légendaires de l’Egypte. Elle vient nous rappeler le rôle de la femme égyptienne, sa grandeur, sa force et sa dévotion, comme si elle répondait aux atteintes morales et physiques, au harcèlement sexuel et au viol exercés contre les femmes lors des manifestations contre le pouvoir. Son spectacle
Baheya, donné l’an dernier, résume le soulèvement contre l’injustice et symbolise la révolution.
Cette fois-ci, Naassa est cette femme courageuse qui grâce à sa patience vainc la pauvreté et la maladie de son époux Ayoub. Elle doit vendre ses cheveux pour le sauver, Naassa devient l’exemple de l’amour et du sacrifice. Bédeir s’inspire des mythes et des légendes populaires de l’Egypte. Elle puise dans les contes oraux et les adaptations textuelles abordant l’histoire d’Ayoub et de Naassa pour tisser son drame et associer la narration à la danse.
Conteur d’autrefois
Sur les planches, un vieux narrateurpopulaire introduit les scènes et lance le déroulement dramatique. Son discours poétique, écrit par Chazli Farah, est récité souvent sur les airs de la flûte populaire, le nay. Un air nostalgique du conteur d’autrefois. Sur le plan visuel, on est face à un beau paysage rural. Le décor, conçu par Anis Ismaïl, dresse sur les côtés des planches de grands portraits de paysannes et des tableaux de maisons rurales. L’arrière-fond évoque le coucher du soleil et change de couleurs et de connotations sous l’effet de l’éclairage.
Le grand arbre avec ses branches étendues et ses feuilles vertes comme l’élément du décor essentiel du spectacle sert à rendre l’espace scénique vraisemblable. Les costumes des danseurs, créés aussi par Ismaïl, sont bien étudiés et nous renvoient d’une scène à l’autre aux différents prototypes : villageois, gitanes, sirènes, soufis, etc. La chorégraphie de Bédeir associe différents styles de danse. Au départ, les danses collectives nous introduisent au milieu évoqué. Elles servent à créer un show spectaculaire, avec les danseurs et les derviches tourneurs (troupe Tannoura). Pourtant, dans quelques scènes, l’interprétation collective manque encore d’harmonie.
Les danses évoquant l’histoire et la relation d’amour entre Naassa et Ayoub sont subtiles. Originales, sensuelles et présentées sur les airs de musiques du monde, elles traduisent une passion ardente et témoignent de l’habileté des deux danseurs surprises de la compagnie (Heidi Hani, dans le rôle de Naassa, et Mido Adam, dans le rôle d’Ayoub). Une des scènes-clés du spectacle est celle du mauvais oeil des villageois, portant malheur au couple. A l’arrière-fond, des séquences vidéo résument les différentes pratiques de charlatanisme.
La danse, effectuée sur des rythmes fort trépidants, dévoile des gitans qui complotent contre le couple et exerce une magie maléfique contre Ayoub. Ce dernier est ensuite entouré par des êtres inhumains ou plutôt des « virus » qui l’enterrent sous les planches. Et puis, il est emporté par des soufis. La danse, ici, se rapproche de la pratique soufie des derviches tourneurs, sans se lancer dans l’aspect spectaculaire. La scène nous transpose une spiritualité et une ambiance sacrée. Naassa signe son pacte avec le destin.
Caractérisée souvent par ses beaux et ses longs cheveux, elle les coupe et les offre à la mer qui accorde à son époux la guérison. Sur scène, le pauvre époux est réhabilité par les sirènes. Le mouvement des danseuses, lent et tendre, évoque les soins offerts au patient. Karima Bédeir ajoute au mythe ses propres touches fictives. Vers la fin, le couple fête son succès. Il a vaincu la maladie et les calomnies à travers l’amour. Ensuite, on passe au temps actuel, lorsqu’une danseuse orientale vient célébrer le happy end. Les membres de la compagnie, en tenue contemporaine, célèbrent par la danse la patience de Naassa. Ils espèrent qu’un tel dénouement se produise réellement afin de sauver tout le pays.
Le 13 février, à 20h, au théâtre Sayed Darwich (Opéra d’Alexandrie) à Manchiya. Le spectacle sera Le spectacle sera prochainement présenté à l’Opéra de Damanhour.
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