Al-ahram hebdo : Avant même le début du Ramadan et la projection des feuilletons programmés à cette occasion, le débat sur les limites de la censure a déjà commencé. Que pensez-vous de ce phénomène ?
Khaled Abdel-Guélil : Ramadan est la saison des téléfeuilletons par excellence. Chaque année, un flot croissant de feuilletons sont produits essentiellement pour ce mois du carême musulman et doivent être contrôlés au préalable. Seulement, ces dernières années, le nombre de propositions a tellement augmenté que les censeurs se contentent d’approuver les scénarios avant tournage, sans pouvoir visionner le produit diffusé. Et bien sûr, il y a des dérives. Le réalisateur peut modifier des choses lors du tournage. Certaines tenues peuvent déranger les plus conservateurs, et certains propos faire réagir d’autres personnes. D’où les multiples débats qui ont lieu tous les ans.
— Est-il vrai que sur la quarantaine de feuilletons programmés, certains épisodes peuvent être diffusés sur des chaînes satellitaires arabes sans obtenir la permission de la censure ?
— Oui, malheureusement. D’autant plus que pour faire grimper l’audience, les créateurs de feuilletons abordent toutes sortes de tabous ou de sujets sensibles. Les responsables de la censure n’ont plus les pleins pouvoirs comme auparavant. Cet état de fait m’a d’ailleurs poussé à soumettre une demande officielle au gouvernement égyptien et au ministère de la Culture, afin de restructurer les lois de la censure, non pas dans le but d’ajouter des restrictions et des interdits, mais afin d’obliger les créateurs à respecter les normes.
— Quelles sont les oeuvres avec lesquelles vous avez eu le plus de problèmes ou sur lesquelles vous vous êtes attardés ?
— Il faut souligner que notre travail ne consiste pas à entraver celui des artistes, mais que nous tenons plutôt un rôle complémentaire au profit du public. L’Organisme de la censure a autorisé tous les scénarios présentés et s’est contenté d’émettre quelques remarques ou commentaires concernant quelques-uns d’entre eux. Ce fut le cas par exemple du feuilleton Maämoun wa Chorakah (Mäamoun & Co) écrit par Youssef Maati, à cause de l’audace des dialogues. De même pour le feuilleton Räas Al-Ghoul (tête d’ogre), avec Mahmoud Abdel-Aziz, où nous avons même dû refuser 4 scènes sur les 15 premiers épisodes. Le jeune écrivain et scénariste Abdel-Rahman Kamal, auteur du feuilleton Wannous, nous a également donné du fil à retordre. Dans son scénario, un personnage incarnant Satan réussit à séduire le personnage principal de l’histoire. Nous nous sommes entretenus à deux ou trois reprises avec l’auteur pour qu’il retravaille sa fin, afin que rien ne soit en contradiction avec les principes religieux ou moraux.
— Pour la première fois, le ministère de la Solidarité sociale a prévu un prix d’un million de L.E. pour la meilleure oeuvre télévisée mettant en garde contre les dangers de la drogue. L’initiative a été saluée, mais rejetée par quelques parlementaires. Que pensez-vous de cette démarche ?
— Nous louons toute initiative officielle ou non gouvernementale visant à freiner l’appétit des scénaristes à aller trop loin dans leur manière de traiter les sujets épineux. Sous prétexte de servir la liberté d’expression, ils se livrent parfois à toutes sortes d’abus .
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