
Sanaa Gamil, l’écho d’une époque révolue.
De son vrai nom Soraya Youssef Attallah, la comédienne égyptienne, Sanaa Gamil, est incontournable. Née dans une famille copte de Haute-Egypte, le 27 avril 1930 et décédée en 2002, elle est considérée comme l’un des géants de la comédie en Egypte. Tout le monde se souvient de certains de ses rôles qui retracent l’histoire du cinéma et des feuilletons en Egypte. Elle a incarné le rôle de Néfissa dans Bédaya wa Néhaya (début et fin) avec Omar Sharif et Amina Rizq, dans une réalisation de Salah Abou-Seif. Il est très difficile, disons même impossible, d’oublier cette jeune fille plutôt laide qui se prostitue pour aider son frère à terminer ses études et devenir officier. Un film d’après un roman de Naguib Mahfouz qui traite de la pauvreté, de l’hypocrisie et de l’oppression sociale. Sanaa Gamil avait ce don de se mouvoir avec simplicité devant la caméra et de nous émouvoir grandement. Ce rôle, qui avait été proposé à la grande comédienne de l’époque, Faten Hamama, et qu’elle avait refusé, ne voulant jouer le rôle d’une jeune fille plutôt moche, a été accepté avec joie par Sanaa Gamil qui avait alors la grande chance de montrer ses talents. C’était en 1960, et Sanaa, elle, ne refuse pas cette opportunité qui la place en haut de l’échelle de la comédie. Il s’en suivra d’autres rôles qui restent ancrés dans notre mémoire et qui marquent l’histoire du cinéma. Rogina Bassaly, la réalisatrice du film L’Histoire de Sanaa, donne de nombreuses illustrations des rôles variés de Sanaa Gamil, disparue il y a quelques années.
Grande fan de la comédienne, Bassaly a toujours rêvé de faire un documentaire sur cette comédienne hors pair. En complicité avec Louis Greiss, journaliste de renom, mari de la comédienne et coproducteur de ce film, Bassaly concrétise son rêve. Une gageure difficile pour une personnalité comme Sanaa Gamil qui n’aimait pas trop parler d’elle-même. De plus, la réalisatrice est trop jeune (née en 1989) pour avoir suivi de près cette géante de l’art qu’est Sanaa Gamil.
A travers des illustrations de ses films, des témoignages de comédiens et de personnes qui l’ont connue, mais surtout à travers Louis Greiss, conteur insatiable des histoires de Sanaa et de leur vie commune, la réalisatrice essaye de contourner les énigmes qui traversent la vie de cette femme, ne sachant pas trop au départ les événements qui ont guidé sa vie. Tant bien que mal, Bassaly essaye de donner du sens à un parcours assez spécial. On en sort sur notre faim, mais avec la conviction que nous avons touché à des moments de rêve. Car la vie de Sanaa Gamil est une fiction en elle-même.
Le film est truffé d’anecdotes pleines d’humour et racontées par Louis Greiss, et nous essayons d’attraper les fils d’une histoire qui se disperse dans toutes les directions.
Jouer : Une raison d’être
Nous suivons l’histoire de cette jeune fille, pensionnaire d’un prestigieux établissement scolaire au Caire. Ses parents l’y ont déposée, après voir payé la totalité des frais de la scolarisation, dès l’âge de 9 ans et jusqu’à la fin de ses études, sans plus jamais la revoir. D’ailleurs, elle n’a jamais connu les raisons de cet abandon, mais elle a cultivé au fur et à mesure une vraie passion pour le théâtre. Elle a joué sur les planches du pensionnat où elle a appris également à connaître parfaitement la langue française.
Puis à la sortie du pensionnat, elle rencontre une vague tante et un frère énigmatique qui lui interdisent de faire des études de théâtre. Il est même question d’une gifle de ce frère qui lui fait perdre l’ouïe d’une oreille. Chassée du « nid de famille », elle affronte la pauvreté et connaît toutes sortes d’aventures, surtout d’amour. Elle apprend l’arabe qu’elle transcrit tout d’abord en caractères latins et se jette à travers un grand homme de théâtre, Zaki Tolaymat, sur les planches du Théâtre National.
Rogina Bassaly n’a pas trop de documentations sur les différentes périodes de la vie privée et théâtrale de Sanaa Gamil. Elle essaye de pallier ce manque et nous laisse entendre le plus de personnes possibles, encore en vie, qui pourraient faire office de biographes de la comédienne. C’est, malheureusement, la grande faiblesse de ce documentaire qui toutefois ne nous laisse pas trop abandonnés. Car la comédienne se meut devant nous dans ses différents rôles et dans ses quelques entretiens où elle parle d’une franchise sans fard.
Il y a également l’histoire de leur mariage que raconte son mari, Louis Greiss, qui imaginait à leur rencontre qu’elle était musulmane, à cause de son recours à de nombreuses expressions utilisées par les musulmans dans leur discours. Greiss raconte ensuite leur mariage à l’église et comment les convives présents à la cérémonie n’étaient que des ouvriers qu’il a lui-même rassemblés, à la porte de la revue Rose Al- Youssef. Et ce, pour remplir le hall de l’église.
Ce sont des histoires d’une autre époque où l’on vivait avec simplicité, sans discrimination religieuse ni prétention de religiosité hypocrite. C’est d’ailleurs pourquoi il semble insolite que la réalisatrice s’attarde sur l’imagerie copte des funérailles de Sanaa Gamil, qui a su cumuler son identité religieuse et son parcours laïque l
Soheir Fahmi
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