Chanter pour le brassage ethnoculturel et l’éducation de la jeunesse. Tel est le modus operandi du groupe musical
Nile Project. Un positionnement que ces jeunes issus des pays du bassin du Nil ont réussi, avec brio, à en croire le nombre de leurs fans qui décuple d’année en année. C’est en août 2011 qu’ils ont poussé leurs premiers cris. Aujourd’hui, ils en sont à leur deuxième année de créativité. Grâce au pouvoir des sponsors, ils existent, transportent leur savoir-faire au-delà des frontières et chantent en plusieurs langues et dialectes. L’idée est de vivre l’aventure à plusieurs et de chanter en choeur leurs principes humanitaires. Ce qui fait qu’ils soient uniques, c’est leur mixité et la gémellité de leurs âmes sur scène.
C’est donc avec une grande ferveur que Hadi Salia, Hani Bedeir, Dina Al-Wedidi, Laurence Okello, Mohsen Al-Achri, Michael Bazibu et les autres ont embrassé la grande aventure du Nil. L’appel de l’ethnomusicologue égyptien, Mina Girguis, fut tellement irrésistible qu’il a réussi à faire adhérer, d’un seul trait, une vingtaine de chanteurs et musiciens de par la zone orientale du vieux continent au Nile Project. Et ce grâce surtout à la richesse des rythmes afro-gitans.
Il y a quelques semaines, Mina et ses poulains ont pris la route vers le centre culturel Fekra d’Assouan. Ville qui symbolise, depuis la nuit des temps, le brassage culturel dans tous ses états et dans toute sa splendeur. Le choix des chanteurs du « projet du Nil » pour cet endroit était tel qu’ils ont décidé de dédier au moins un concert par an à la « Belle du sud », comme ils se plaisent désormais à l’appeler. Une envie qui s’est bel et bien concrétisée le 27 janvier dernier.
Berceau de la révolution égyptienne, la place Tahrir n’est pas exclue des centres d’intérêt du groupe. C’est pour cette raison et à l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution que ces messagers vont donner un concert (gratuit) dans la capitale égyptienne, le 31 janvier.
« Le projet musical en poche et les instruments sous les bras, nous avons eu plus d’un tour dans notre sac dans l’objectif de nous lancer sur scène en 2011. Mais depuis, nous avons réalisé que la tâche est lourde, car notre mission ne se limite pas à chanter sur scène mais vise aussi et surtout à inspirer, éduquer, innover et démontrer aux civilisations du bassin du Nil qu’il suffit de donner la parole à la jeunesse des pays limitrophes dans n’importe quel domaine, pour que celle-ci jubile et exprime, sans langue de bois, ce qu’elle a sur le coeur. Cette étape, nous sommes tous fiers de l’avoir dépassée », affirme Mina Girguis, fondateur du groupe.
« Par le biais de nos concerts et conférences éducatives, nous nous adressons à notre environnement socioculturel immédiat pour faire face aux défis des pays du grand bassin du Nil. Nous nous focalisons sur l’importance de l’éducation, des arts d’une manière révolutionnaire », poursuit Mina Guirguis. A Addis-Abeba, à Juba ou au Caire, les craintes quant au devenir sociopolitique des citoyens sont les mêmes. D’où la nécessité d’opter pour un moyen aussi populaire que le chant pour surpasser ces difficultés ou, tout au moins, les exposer au commun des mortels.
S’inspirer du populisme …
« Nous ne méprisons pas le terme populisme. Mais nous nous en inspirons dans le but de nous approcher des craintes et souffrances de la jeunesse des pays du Nil. D’ailleurs, nous avons déjà chanté, gratuitement, dans les villages les plus enclavés des pays de la zone, à savoir la RD Congo, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie, le Kenya, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Egypte. La majorité de nos chansons ressemblent à des contes dont la morale possède un message humanitaire. Nous nous inspirons essentiellement des histoires que nous racontent les jeunes et vieux que nous rencontrons lors de nos sempiternelles péripéties », continue Mina Girguis.
Certainement, les peuples du bassin du Nil ont exprimé, plus d’une fois, leur envie de dépasser leurs différends géopolitiques pour s’unir de par leurs similitudes ethnoculturelles et sociopolitiques. Ces dernières années, à l’instar du cinéma indépendant, la musique populiste semble être l’opium de tout révolutionnaire qui se respecte. En effet, la vague des révolutions arabes, malgré ses points négatifs, a laissé une bonne impression chez les peuples limitrophes du grand Nil, à en croire les témoignages collectés par Mina et ses amis, lors de leurs différents déplacements dans la région. De même, l’ère où les chansons avaient une connotation purement sentimentale serait révolue. C’est du moins le cas chez ces nouveaux groupes qui se taillent la part du lion en termes de succès, de vente et d’admirateurs, à l’instar du Nile Project.
« Le choix porté sur le bassin du Nil n’est pas fortuit. La zone est riche en civilisations, histoires, leçons humanitaires, problèmes sociopolitiques mais aussi en achèvements et modèles à suivre », nous lance d’emblée Sarah Al-Miniaoui, attachée de presse du groupe. Elle explique qu’« au-delà de nos concerts et en étroite collaboration avec diverses entreprises, ONG et entités homologuées par les ministères de la Jeunesse et de l’Education des pays limitrophes de l’Egypte, nous chapeautons des projets artistiques novateurs dans le but d’éradiquer l’analphabétisme et la pauvreté. Dans la vie, tout changement commence de cette manière ».
En un rien de temps, ces chanteurs pétris de détermination ont trouvé le moyen sine qua non pour voler de leurs propres ailes. Sans y aller par quatre chemins, ils ont séduit l’ambassade américaine du Caire qui n’a jamais fait la fine bouche pour financer une partie de leurs déplacements. Idem pour le ministère égyptien du Tourisme et celui de la Culture, l’Agence suisse pour le développement et la coopération, le Centre culturel Fekra d’Assouan, l’Organisation Nahdet Al-Mahroussa, ainsi que quelques banques locales et sociétés de produits alimentaires qui encouragent l’éducation et les échanges culturels. Un bel avenir semble se profiler pour les membres de Nile Project.
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