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Shakespeare revisité

May Sélim, Lundi, 21 mars 2016

Dans quelques jours sera commémoré le 400e anniversaire du décès de Shakespeare (1564-1616). Déjà sur les planches égyptiennes, trois spectacles proposent de nouvelles adaptations de ses chefs-d’oeuvre : Macbeth, La Mégère apprivoisée et Hamlet.

Shakespeare revisité

Détruire pour faire rire

Shakespeare revisité
Danser et chanter au cabaret. (Photo:Bassam Al-Zoghby)

Macbeth n’est plus la pièce sombre et tragique de Shakespeare. Elle se trans­forme en un spectacle hilarant à travers la mise en scène de Yousra Al-Charqaoui intitulée Macbeth film arabe qui se joue actuellement sur les planches du centre Ibdaa. Une version qui fait rire et qui rompt avec l’aspect classique de l’oeuvre originale. « Rien n’est tabou dans mon adaptation. J’aime tout changer, tout détruire et aller jusqu’au bout », souligne la metteuse en scène qui a choi­si de parodier les films arabes commerciaux et populaires qui visent à faire rire et mélanger le monde des cabarets et des ban­dits avec la pièce de Shakespeare. Cette mise en scène fait partie d’un projet artistique supervisé par le met­teur en scène Essam Al-Sayed pour la troisième promotion des metteurs en scène au studio du centre Ibdaa, dirigé par Khaled Galal.

A l’origine, la pièce shakes­pearienne raconte l’histoire du courageux Macbeth, cousin du roi Duncan et chef de son armée. Revenant victorieux d’une bataille, il rencontre trois sorcières qui lui annoncent qu’il sera le futur roi. Quant à son ami et général de l’armée Banquo, elles lui promettent une descendance royale. Macbeth est nommé duc de Cawdor par le roi qui a voulu le récompenser. Poussé par sa femme qui aspire au pouvoir royal, le duc assassine le roi. Il vit dans la crainte de perdre sa couronne et est tourmenté par les remords. Sa femme, aussi tiraillée par le regret, se suicide. L’oeuvre datant de 1606 est devenue l’exemple type de la corruption, la trahison et l’aspi­ration aveugle au pouvoir. Le personnage de Lady Macbeth symbolise la femme perfide et arriviste. Sur les planches, l’his­toire change de cadre, Macbeth est un gangster qui s’occupe du cabaret Cawdor. Les sorcières ne sont que deux vulgaires dan­seuses orientales. S’ajoutent d’autres personnages qui contri­buent à la création de l’am­biance d’un cabaret comme le chanteur mélancolique qui donne un effet humoristique par ses refrains ou encore le présen­tateur qui enflamme la scène par ses propos exaltés. Les comédiens sur scène changent de langage et d’intonations. Ils adoptent un langage vulgaire et courant, afin d’alléger les scènes et donner libre cours au lancement des effets humoris­tiques. Les comédiens déclen­chent le rire en ridiculisant tout et en créant un show burlesque. Pourtant, l’exagération dans les effets humoristiques et l’inter­prétation stéréotypée du cabaret ont créé l’effet de déjà-vu. A l’instar des films commerciaux, la pièce ainsi revisitée fait rire, juste pour plaire.

Tous les soirs à 20h au centre Ibdaa, terrain de l’Opéra, Guézira. Tél. : 27363448.

Le spectaculaire prend le dessus

Shakespeare revisité
Une belle histoire d’amour. (Photo:Bassam Al-Zoghby)

S’inspirant de l’intrigue principale de la comédie shakespearienne La Mégère apprivoisée, la metteuse en scène Marwa Radwan a créé un spectacle impressionnant sous le titre de Gamila (belle). La pièce relate l’histoire de Gamila, une femme épouvan­table qui refuse de faire entrer les hommes dans sa vie. Elle est sévère, violente et intran­sigeante. Sa petite soeur est amoureuse du voisin. Pourtant, cette dernière n’arrive pas à se marier vu que le père veut absolument d’abord marier sa fille aînée. Le voisin a recours à ses amis. L’un d’eux, un vrai Don Juan, accepte le pari et décide de faire tomber Gamila amoureuse de lui.

Radwan crée ici un spectacle musical inté­ressant, offrant ainsi à son public une heure de joie où tout est bien étudié. Dès le départ, le show musical est annoncé par un genre très en vogue, à savoir l’électro populaire (chaabi). Dans une autre scène, le show à l’Indienne est de mise. D’autres chansons sont écrites et composées par Ahmad Tareq Yéhia. La chorégraphie est élaborée par Monadel Antar. Le tout est interprété et dansé par les comédiens avec brio. Composée par Ahmad Tareq Yéhia, la musique est sou­vent rythmée et dansante. Seul Nefsi (j’ai envie) évoque les rêves d’une femme amou­reuse. Les chansons jouent un rôle drama­tique important et donnent son rythme à la pièce. Elles résument l’histoire d’amour, introduisent le héros principal, le problème du couple voisin qui s’aime malgré les cir­constances défavorables, etc.

La chorégraphie des danses collectives traduit un mouvement original, simple et plein de zèle. On assiste souvent à des scènes où la danse met en opposition le monde des hommes et celui des femmes et accentue leurs différences. Mais finalement, les deux mondes fusionnent et l’harmonie, ainsi que l’amour triomphent.

Le décor de Mahmoud Al-Gharib, l’éclai­rage de Amr Abdallah et les habits de Marwa Auda contribuent aussi à la création d’une scène attrayante, brillante et animée.

Les comédiens excellent dans le jeu, le chant et la danse. Mais parfois l’héroïne prin­cipale tombe dans la monotonie, notamment dans les premières scènes.

A la fin, Gamila et le Don Juan se donnent à l’amour. Les deux personnages se marient et la fin heureuse est annoncée par une chan­son qui résume le concept de tout ce spec­tacle : créer un spectacle divertissant à la fin heureuse.

Tous les soirs à 20h (relâche le lundi) au théâtre Al-Ghad, Agouza. Tél. : 33043187

Hamlet, version contemporaine

Shakespeare revisité
Les deux Hamlet ensemble. (Photo:Ahmed Waddah)

Hamlet, le prince danois qui veut venger le meurtre de son père, punir sa mère d’avoir été complice de son oncle assassin, ôte ses habits du XVIIe siècle. Il devient l’un de nos contemporains. Ce qui nous surprend dans la mise en scène de Monadel Antar est une adaptation textuelle qui associe le texte shakes­pearien au texte Des Idées folles du journal de Hamlet de Naguib Sourour et la psychanalyse de Freud pour le personnage de Hamlet. Dans cette version, Hamlet est plutôt un schizoph­rène. Il est scindé sur scène en un jeune homme et un adolescent qui n’a pas plus de 16 ans. Les scènes alternent entre les deux personnages et ils ne se trouvent face à face que dans une scène de confrontation où chacun complète le discours de l’autre. « Ce sont les deux faces de Hamlet », souligne Antar. Son Hamlet est un homme confus, hésitant. Il est tantôt le sage qui déduit la vérité, tantôt un adolescent imma­ture. Tantôt un révolutionnaire qui aspire à la vengeance, tantôt un passif qui a peur d’agir. Le spectacle oscille entre le langage classique du texte originel, le dialectal et le poétique de Sourour.

Ce spectacle a été lauréat de la bourse de production théâtrale de la Bibliothèque d’Alexandrie, consacrée à de nouvelles adapta­tions des textes de Shakespeare.

Antar, à l’origine danseur et chorégraphe, a créé un spectacle où le dialogue entre Hamlet et son ami Horatio est essentiel et où la danse vient résumer et simplifier différentes scènes.

D’une certaine manière, on découvre que Horatio est le vrai porte-parole de Antar. Il déclare son point de vue directement au public et dévoile les préjugés qui ont été souvent col­lés au personnage de Hamlet. De plus, il dénonce la corruption dans la cour danoise, les régimes politiques dans le monde arabe et la guerre partout dans le monde.

Quant à la danse, elle représente souvent les scènes de rencontre de Hamlet et sa bien-aimée Ophélia. Elle est également utilisée ici pour la fameuse scène de la pièce par laquelle Hamlet dénonce ouvertement les assassins et dévoile comment son père a été tué.

La scénographie de Amr Al-Achraf est basée sur la diffusion en direct des scènes tournées sur les planches comme un jeu de Théâtre numérique. Des caméras captent alors les per­sonnages d’un angle lointain et nous font voir un autre aspect de leurs caractères, loin de l’avant-scène.

Contrairement à la fin tragique et mortelle de Hamlet, Antar propose de conclure son spec­tacle par un adieu poétique. Hamlet reprend les mots du texte de Sourour et ne cesse de redire à son ami Horatio : « Ce sont les derniers mots de mon journal ». Il abandonne le palais royal et voyage vers une autre terre.

Le 23 mars à 20h, et le 24 mars à 18h au théâtre Al-Hanaguer, terrain de l’Opéra, Guézira. Tél. : 27356861

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