Ocean 14, jeunesse sans grand éclat

Un plagiat des films américains.
« Si les jeunes stars ne cessaient de s’imposer depuis des années pendant la saison estivale et celles des fêtes, il faudrait créer une nouvelle saison intermédiaire pour les nouveaux talents, loin de la course effrénée du box-office », souligne Mohamad Al-Sobki, producteur du film Ocean 14, actuellement dans les salles, avec tout un groupe de jeunes acteurs.
Il s’agit d’un plagiat des films américains éponymes, joués entre autres par le trio George Clooney, Brad Pitt et Matt Damon. Il relate l’histoire de Täoun (en arabe : peste), un escroc qui, face à plusieurs échecs dans sa vie, décide du jour au lendemain de réunir 14 cambrioleurs, afin de réaliser un coup audacieux : voler les bijoux de la fameuse chanteuse émiratie, Ahlam. Cette comédie légère se place jusqu’alors au top du box-office égyptien, avec plus de 12 millions de L.E. comme recette depuis sa sortie dans les salles il y a trois semaines.
Sur le papier, l’idée pourrait séduire : réunir la fiction et la réalité dans un même plat, avec la sauce de la comédie policière. Toutefois, sur le grand écran, aucune séduction scénaristique ne se présente. Coécrit par le trio Ahmad Magdi, Ihab Beleibel et Amr Badr, le script du film est malheureusement creux. Il n’y a aucun canevas dramatique, aucun suspense. L’histoire reste très froide et indigeste, on en fait des tonnes pour finalement pas grand-chose. Même si l’oeuvre avait au moins la volonté de donner vie à tout un bouquet de jeunes acteurs connus à peine à travers les seconds rôles, et surtout à travers la troupe théâtrale Théatro Misr, l’objectif est raté dans l’ensemble. Les points faibles résident en fait dans la banalité des événements, la peinture artificielle et trop caricaturale des personnages, et surtout celle de Täoun, interprété par le jeune Omar Moustapha Metwalli, un peu à la Bouha de Mohamad Saad et à Al-Qarmouti, le personnage fétiche du comédien Ahmad Adam.
De même, le film avance un amas de personnages entassés dans un seul espace, des types qui, malgré les dialogues bavards, restent flous et sans grande importance dramatique, plongeant dans une grande théâtralisation et des procédés purement commerciaux. Blagues, chansons populaires électro-chaabi (mahraganat), deux ou trois danseuses orientales, bref, tous les ingrédients commerciaux, qui restent quand même indigestes.
Le jeune réalisateur, Chadi Al-Ramli, y offre des plans plats, un montage fatigant, des images fades, etc. Bref, rien de spécial. Il en est de même pour la bande sonore de Adel Haqqi, laquelle est assez froide et sans grande signification.
La 4e Pyramide, piratage à la Robin des bois

Un hacker-héros, beau et intelligent.
Possédant un art secret, les hackers fascinent de plus en plus le grand jeune public, et donc, les réalisateurs de films et de séries. Malheureusement, le pirate informatique est souvent dépeint de manière approximative et stéréotypée.
Le film Al-Haram Al-Rabie (la quatrième pyramide), qui vient de sortir en salle, ne tombe pas trop dans ces travers. Le cybercriminel, ou plutôt le hacker-héros joué par le jeune comédien Ahmad Hatem, n’est pas un malade, autiste, mais un homme d’action, simple, beau et intelligent. Il s’agit ici du personnage de Youssef — campé par le jeune Ahmad Hatem — qui travaille comme chauffeur de taxi tout en étudiant l’informatique à la faculté d’ingénierie, afin de gagner son pain et soigner sa mère, gravement malade. Il verra cette dernière mourir à la réception d’un hôpital privé — hôpital d’Al-Haram (hôpital des Pyramides) — car les responsables de celui-ci ont refusé de l’accueillir faute d’argent. Depuis, Youssef a décidé de se venger du chirurgien et propriétaire de l’hôpital, en piratant ses comptes bancaires, puis ceux d’autres célébrités corrompues et les transférer aux comptes de certaines associations caritatives.
Film d’auteur, Al-Haram Al-Rabie (la quatrième pyramide) du jeune réalisateur Peter Mimi s’inspire des stratégies d’attaque modernes et évite les stéréotypes mâchés sur les pirates informatiques.
On s’attendait à ce que le film corresponde bien à l’image véhiculée par les films hollywoodiens. Cependant, on est agréablement surpris par un métrage bien filmé, habilement monté et bénéficiant d’un rythme assez accrocheur. Il s’agit du type de films où l’on ne s’ennuie pas facilement. Quoique inacceptable logiquement, l’intrigue est bien choisie, et arrive, sans faire des montagnes, à attirer l’attention et à divertir le spectateur.
Les comédiens, eux, sont presque tous excellents, surtout Ahmad Hatem, assez mûr et campant son personnage sereinement. Merihan Hussein, Riham Abdel-Ghafour, Mohsen Mansour, mais surtout Bayoumi Fouad et Moustapha Abou-Serie, ont tous livré une prestation accomplie. Mais ce qui rend également ce métrage si efficace, c’est probablement sa bande originale, signée par le producteur du film Seif Oreibi, et laquelle joue un rôle important quant au maintien du rythme du film. Avec des recettes tablant autour de 2 millions de L.E., en deux semaines de projection, ce film a été créé pour les jeunes, par des jeunes. Il a réussi à s’adresser différemment à ces derniers qui occupaient les salles à un moment donné. Objectif atteint, ou Presque.
Arme des élèves, un film sans aucun gout

Rien qu'une bande d'enfants...
Quand le générique démarre enfin, le silence est soudain dans la salle qui se fige, sauf des quelques murmures des petits spectateurs, principal public du film. Car Silah Al-Talamiz (arme des élèves), écrit par Mahmoud Saber et réalisé par Tamer Harbi, est interprété par un groupe d’enfants, partageant la vedette avec plusieurs jeunes comédiens professionnels.
L’histoire se déroule dans une école primaire dont le propriétaire est mort subitement ; ses héritiers n’accordent aucun intérêt ni à la mission pédagogique de l’établissement, ni à l’avenir des élèves. D’où une suite d’aventures rocambolesques.
Vide de tout sens et de toute fin artistique, le film cherche à communiquer un seul message simpliste et trop direct : les enfants ont constamment besoin de soin et de tendresse de la part des adultes, notamment les enseignants. Ces derniers doivent oeuvrer à gagner la confiance et le respect des jeunes, pour ne pas les laisser indifférents. Toutefois, pour faire parvenir ce message, les auteurs du film tombent dans le piège de la vulgarité, en transmettant aux jeunes spectateurs des idées pernicieuses et déformées.
« C’est exactement ce jeu du chat et de la souris entre les élèves et les professeurs qu’il fallait éviter à tout prix, mais le film ne fait que l’amplifier pour arracher les rires du public et leur sympathie », affirme Racha Al-Tabeï, mère de famille, qui a assisté à la projection du film avec ses deux enfants.
Pour sa part, l’Organisme de la censure n’a pas manqué de défendre sa position d’autoriser la projection du film à travers plusieurs communiqués de presse : « Nous respectons le droit de toute oeuvre dramatique à être projetée, surtout si elle ne se heurte pas aux tabous de la société ».
Au-delà de toute analyse artistique et des 100 000 L.E. de recettes enregistrées, Silah Al-Talamiz s’achemine vers une forme controversée de drame, où les préjudices sont partagés. C’est un échec collectif, dépassant celui du système pédagogique : dans le film comme dans la réalité, nous avons affaire à des enfants à l’éducation ratée, qui n’ont pas eu droit à un enseignement intelligent ou efficace.
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