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Le patriote rebelle

Névine Lameï, Lundi, 25 janvier 2016

L'artiste peintre, Hamed Abdallah (1917-1985), avait le mal du pays jusqu'à sa mort en exil à Copenhague. Une rétrospective lui est dédiée à la salle Ofoq1, pour commémorer le trentième anniversaire de sa mort. Absolument à redécouvrir.

Le patriote rebelle
Le petit peuple, toujours présent dans l'oeuvre de Abdallah. (Photo:Mohamad Moustapha)

Pour commémorer le trentième anniversaire de la mort de l’artiste Hamed Abdallah, la galerie Ofoq 1 accueille une rétrospective de ses oeuvres achevées entre 1930 et 1980. C’est-à-dire de la période classique à la période avant-gardiste et révolutionnaire, qui a commencé vers 1958. Celles-ci comprennent une multitude de formes géométriques, de lettres et d’improvisations calligraphiques.

Ainsi, l’on se promène parmi quelque 75 oeuvres, entre peintures, dessins, aquarelles, gouaches et lithographies, témoins de l’audace et du renouveau que cet artiste a apportés à l’art égyptien contemporain. Ces oeuvres, de taille moyenne, qui proviennent de la collection privée de la famille Abdallah, en France, comme d’un nombre de collectionneurs, révèlent le génie de l’artiste décédé en 1985.

Très fidèle à ses origines égyptiennes, Abdallah demeure quand même méconnu, dans son propre pays qu’il a dû quitter vers la fin des années 1950, pour des raisons politiques. « Abdallah, un militant de gauche, s’est opposé aux autorités locales et à l’occupation étrangère. Il ne pouvait pas vivre dans les contradictions. Malgré sa colère contre le régime nassérien, il a refusé de continuer de vivre à Paris ou d’exposer dans les pays qui ont fait la guerre à son peuple, notamment au lendemain de l’agression tripartite contre l’Egypte, en 1956 », déclare Karim Francis, commissaire de l’exposition en cours, chargé de promouvoir l’art de Abdallah un peu partout dans le monde, avec l’autorisation de Kirsten, l’épouse de Abdallah, et de son fils Samir.

En exil en France, puis au Danemark, les peintures de Abdallah révèlent à quel point il resté attaché à sa terre natale. Son monde regorge de thèmes et de motifs folkloriques, de couleurs fluides, de lettres arabes, de textes sacrés, tirés de la Bible ou du Coran. Il y a toujours des silhouettes libres qui s’expriment, indépendamment de leur signification. C’est ce qui marque amplement la série de Abdallah, datant des années 1950 : improvisations calligraphiques abstraites, avec des compositions illusoires, présentées dans un langage universel qui insiste sur la relation entre la forme et l’espace.

Vivre dans les Grottes
Son côté rebelle s’exprime, parfois, à travers la fantaisie de la texture : papier mâché ou froissé, polystyrène, plâtre, ciment, sable, nitrate d’argent, surfaces craquelées, polyester, asphalte ... L’artiste fait preuve d’un désir fou d’expérimenter les divers matériaux. Ceci paraît évident à travers la série Les Grottes, exposée au fond de la salle Ofoq 1. Ou encore à travers deux de ses peintures majeures, intitulées Chandawili, travaillées avec de l’aérosol coloré.

« Il est temps de faire connaître au grand public qui était Abdallah, le patriote rebelle. Le mois de janvier, celui où l’on fête la révolution de 2011, s’avère adéquat pour une telle rétrospective. En février 2014, nous avons publié un bel ouvrage sur son parcours et son oeuvre : L’oeil de l’esprit (édition Bachari). Et ce, en même temps que l’exposition de 25 toiles de Abdallah, au Musée d’art moderne, dans l’enceinte de l’Opéra du Caire », souligne Karim Francis. Et d’ajouter : « J’espère voyager avec cette rétrospective, à Téhéran, à Beyrouth, à Paris et à New York. D’ailleurs, le Metropolitain compte acquérir prochainement quelques-unes de ses peintures. Je pense que les oeuvres de Abdallah, relativement chères, peuvent être acquises plutôt par des musées que par des particuliers. Personnellement, quand j’ai exposé quelques-unes de ses toiles, dans ma galerie privée, je n’ai rien vendu ».

Issu d’une famille de fellahs, originaire de Sohag (Haute-Egypte), habitant un jour le quartier cairote de Manial Al-Roda, Hamed Abdallah scrutait les rues et les cafés. Il les peignait, mais n’a jamais coupé le cordon ombilical avec son monde rural. En France, puis au Danemark où il a vécu jusqu’à sa mort, Abdallah goûtait aux cultures du monde, sans chercher à s’en inspirer. Il puisait en lui-même le prolongement des civilisations pharaonique, copte et islamique. De quoi avoir laissé ses traces sur sa phase classique, de 1933 à 1945, dont on trouve certaines oeuvres à l’exposition d’Ofoq 1. Il s’inspirait des gens simples, d’hommes et de femmes, sur un pied d’égalité.

A la salle Ofoq 1, annexe du Musée Mahmoud Khalil, jusqu’au 8 février, de 10h à 21h (sauf vendredi et samedi). 1, rue Kafour, Guiza.

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