Les interprètes se défoulent sur scène, en ridiculisant un peu tout.
Le monologue, ce genre qui cherchait à livrer des chansons légères et rigolotes, tournant la société en dérision, a connu un véritable engouement dans les années 1930. Aujourd’hui, cet art, proche des humoristes en France, n’a plus sa place en Egypte, ni au cinéma ni dans les cabarets, comme auparavant. Pas à jamais, semble-t-il. Le jeune compositeur et parolier, Ayman Helmi, spécialiste du luth et du chant andalou, diplômé de l’Institut de la musique arabe, vient de lancer un nouveau projet visant à vivifier ce genre en voie de disparition. Il collabore avec la musicologue Nahla Mattar et avec des jeunes paroliers dont Ahmad Haddad, Michael Mounir, Khalil Ezzeddine et Chadi Atef, afin de mettre en scène son premier spectacle Bahgaga (plaisir fou). Et ce, sans omettre six jeunes filles, Asmaa Aboul-Yazid, Israa Saleh, Raghda et Samar Galal, Nihal Kamal et Weäm Essam, lesquelles interprètent les monologues nouveaux et anciens que choisissent les coéquipiers.
Les monologues revêtent une force poétique, un effet dramatique et lyrique qui fait monter l’émotion des six interprètes à son comble. On ne manque pas de faire le lien avec l’actualité, dans un style assez moderne. « En tant que femmes qui ont leurs propres histoires et problèmes, les interprètes de Bahgaga m’ont inspiré dans l’écriture de certains nouveaux monologues sur la société. Ceux-ci traitent d’histoires d’amour peu réussies, de filles célibataires en quête d’un conjoint, de la misère d’une femme active, etc. », souligne Ayman Helmi qui pense former prochainement une troupe musicale, au nom de Bahgaga. « Les jeunes ont le sens de l’humour ; ils se moquent de tout. L’art du monologue, jeté aux oubliettes, ne va pas leur déplaire, dans ces temps difficiles où les rêves révolutionnaires s’effondrent », exprime Helmi qui a une expérience de longue date dans la musique dite Underground, un peu contestataire, favorisée par les jeunes. Et d’ajouter : « Mes monologues ont un cachet émotionnel et sarcastique ; ce sont des armes à double tranchant : ils divertissent et nous apprennent beaucoup sur les tares de notre société. Ils sont nouveaux, mais ont quelque chose d’ancien, soi-disant l’esprit des monologues qu’on connaissait dans les films en noir et blanc, avec des interprètes tels Chocoucou, Ismaïl Yassine, Aziza Helmi et d’autres ».
Jugeant que les anciens monologues sont lourds à écouter de nos jours, Helmi devait les réarranger, selon une vision moderne, mariant les instruments orientaux et occidentaux, le classique, le folklorique et le contemporain. La musicologue Nahla Mattar partage cette manière de voir. Elle maîtrise les techniques d’écriture courantes de la musique tonale ainsi que les techniques d’instrumentation. Dans ses arrangements musicaux pour Bahgaga, elle se sert des instruments à vent (trompette et saxophone) afin de produire des effets comiques. Ceux-ci prennent le dessus, face aux autres instruments d’usage, qu’il s’agisse de percussions, de violoncelle ou de luth, qui ont plutôt un impact chaleureux et nostalgique. « Dans Bahgaga, les instruments à vent constituent de vrais outils de communication. Les anciennes troupes populaires en Egypte, comme Hassaballah, favorisaient les cuivres, cela égayait leur musique », confirme Mattar.
Le spectacle est prévu en décembre prochain à l’espace Alwan, à Zamalek. Les dates restent à préciser.
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