Abla dans son atelier cairote.
(Photo:Mohamad Moustapha)
Dans son atelier du centre-ville cairote, Mohamad Abla ne tarde pas à avouer son malaise social, tel il le ressent actuellement en bougeant dans la capitale égyptienne. Un sentiment tout à fait contraire à ce qu’il éprouvait en Inde, pendant un séjour de quelques mois passés à New Delhi. Dans cette ville, dit-il « le vieux côtoie le tout nouveau », cela s’applique à l’architecture comme au champ sociopolitique.
L’Egypte et l’Inde sont deux pays d’anciennes civilisations, lesquels possèdent un riche héritage culturel, avec des éléments très disparates. Abla les perçoit comme ils existent dans la réalité : bigarrés et disparates. « L’un des thèmes principaux de la philosophie indienne est l’unité fondamentale derrière le foisonnement des apparences. Cette philosophie issue du bouddhisme vient rejoindre les autres philosophies indiennes, dont les valeurs communes sont la recherche de la vérité, le sens de l’unité, le détachement, l’obéissance, la tolérance, la non-violence et la maîtrise de soi. Ces valeurs humaines perdent de leur éclat jour après jour en Egypte. Comment donc y parvenir à une véritable démocratie ?! L’Egypte, malheureusement affectée par l’érosion de la classe moyenne depuis la Révolution de 1952, est divisée en très riches et très pauvres. D’où une société de consommation, sans une réelle productivité culturelle », explique Mohamad Abla, lequel parle en connaisseur, ayant appris à scruter la ville au loin, depuis tant d’années. Et d’ajouter : « Dans l’Egypte actuelle, nous n’observons qu’entassement, tumultes et chaos. Un mouvement informel avec des gens qui errent sans but, qui font des va-et-vient insignifiants et qui se bousculent au lieu d’avancer ».
L’image de Delhi est tout autre, du moins c’est ce que l’artiste tente d’exposer à travers ses peintures. Récemment montrées au Centre culturel indien à Zamalek, ses toiles et esquisses débordent de couleurs vives et d’énergie, de détails anecdotiques propres à l’Inde. Ces oeuvres diffèrent complètement de sa série de peintures La Ville et ses éclats, lancée en 2008 et inspirée du Caire. Cette série était plutôt de couleurs grisâtres, turbulentes, à vision moins optimiste.
Ses récents tableaux de Delhi séduisent par leur intérêt pour l’élément humain, la foule et ses détails vestimentaires (salwar-Kameez, sari, lengha, churidar, coiffe). C’est l’Inde des « mythes », respectés au quotidien, qui éblouit davantage Abla, lequel dépeint le Raj Ghat, le Shanti Vana, le Jama Masjid, le Fort Rouge, le marché de Chandi Chowk, le Qutub Minar, le Tombeau de Humayun, etc. « La musique et la couleur font un en Inde. En déambulant dans les rues, vous aurez le sentiment d’être dans le Vieux-Caire, on se croirait au quartier d’Al-Hussein. Les gens sont d’origines très diversifiées », accentue Abla. Dans ses peintures, il y a de tout : des musulmans, des bouddhistes, des sikhs, des jaïns, des hindous, des descendants des Dravidiens, des Aryens, des Métis et des Mongols. « Ces peuples traînent avec eux un bagage culturel impressionnant qui a su résister au fil des ans. L’Inde, qui compte plus d’un milliard d’habitants, est le deuxième pays le plus peuplé du monde. Il a donc les mêmes problèmes d’urbanisation que l’Egypte. Néanmoins, là-bas tout est plus ou moins dans l’ordre établi, contrairement à l’Egypte, où nous vivons dans le chaos, la désobéissance et l’irrespect de la loi », témoigne Abla. Et de poursuivre : « Les Indiens, eux, respectent la loi et la tradition. Ils vivent en quiétude et en harmonie. A chacun son culte. De plus, le fait que l’Inde soit un nouveau pays industrialisé, cela représente un véritable atout pour le secteur des nouvelles technologies appliquées aux ressources humaines ».
Abla pense se rendre, la prochaine fois, au Yémen, le pays de la légendaire reine de Saba et du barrage mythique de l’Antiquité. Et ce, afin de puiser dans une nouvelle thématique vouée au pays et à ses habitants.
Jusqu’au 27 août, de 19h à 15h, au Centre culturel indien, 2, rue Aboul-Féda, Zamalek.
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