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Aux couleurs de l’Inde

Névine Lameï, Lundi, 24 août 2015

Un séjour de quelques mois à New Delhi a inspiré à Mohamad Abla une série d'oeuvres, exposées au Centre culturel indien. L'artiste-peintre compare Le Caire à Delhi, à travers un va-et-vient entre ces deux villes anciennes et surpeuplées.

Aux couleurs de l’Inde
Abla dans son atelier cairote. (Photo:Mohamad Moustapha)

Dans son atelier du centre-ville cairote, Mohamad Abla ne tarde pas à avouer son malaise social, tel il le ressent actuellement en bougeant dans la capitale égyp­tienne. Un sentiment tout à fait contraire à ce qu’il éprouvait en Inde, pendant un séjour de quelques mois passés à New Delhi. Dans cette ville, dit-il « le vieux côtoie le tout nouveau », cela s’applique à l’archi­tecture comme au champ sociopoli­tique.

L’Egypte et l’Inde sont deux pays d’anciennes civilisations, lesquels possèdent un riche héritage culturel, avec des éléments très disparates. Abla les perçoit comme ils existent dans la réalité : bigarrés et disparates. « L’un des thèmes principaux de la philosophie indienne est l’unité fon­damentale derrière le foisonnement des apparences. Cette philosophie issue du bouddhisme vient rejoindre les autres philosophies indiennes, dont les valeurs communes sont la recherche de la vérité, le sens de l’unité, le détachement, l’obéissance, la tolérance, la non-violence et la maîtrise de soi. Ces valeurs humaines perdent de leur éclat jour après jour en Egypte. Comment donc y parvenir à une véritable démocratie ?! L’Egypte, malheureusement affectée par l’érosion de la classe moyenne depuis la Révolution de 1952, est divisée en très riches et très pauvres. D’où une société de consommation, sans une réelle productivité cultu­relle », explique Mohamad Abla, lequel parle en connaisseur, ayant appris à scruter la ville au loin, depuis tant d’années. Et d’ajouter : « Dans l’Egypte actuelle, nous n’observons qu’entassement, tumultes et chaos. Un mouvement informel avec des gens qui errent sans but, qui font des va-et-vient insignifiants et qui se bousculent au lieu d’avancer ».

L’image de Delhi est tout autre, du moins c’est ce que l’artiste tente d’exposer à travers ses peintures. Récemment montrées au Centre culturel indien à Zamalek, ses toiles et esquisses débordent de couleurs vives et d’énergie, de détails anecdo­tiques propres à l’Inde. Ces oeuvres diffèrent complètement de sa série de peintures La Ville et ses éclats, lancée en 2008 et inspirée du Caire. Cette série était plutôt de couleurs grisâtres, turbulentes, à vision moins optimiste.

Ses récents tableaux de Delhi séduisent par leur intérêt pour l’élé­ment humain, la foule et ses détails vestimentaires (salwar-Kameez, sari, lengha, churidar, coiffe). C’est l’Inde des « mythes », respectés au quoti­dien, qui éblouit davantage Abla, lequel dépeint le Raj Ghat, le Shanti Vana, le Jama Masjid, le Fort Rouge, le marché de Chandi Chowk, le Qutub Minar, le Tombeau de Humayun, etc. « La musique et la couleur font un en Inde. En déambu­lant dans les rues, vous aurez le sen­timent d’être dans le Vieux-Caire, on se croirait au quartier d’Al-Hussein. Les gens sont d’origines très diversi­fiées », accentue Abla. Dans ses pein­tures, il y a de tout : des musulmans, des bouddhistes, des sikhs, des jaïns, des hindous, des descendants des Dravidiens, des Aryens, des Métis et des Mongols. « Ces peuples traînent avec eux un bagage culturel impres­sionnant qui a su résister au fil des ans. L’Inde, qui compte plus d’un milliard d’habitants, est le deuxième pays le plus peuplé du monde. Il a donc les mêmes problèmes d’urbani­sation que l’Egypte. Néanmoins, là-bas tout est plus ou moins dans l’ordre établi, contrairement à l’Egypte, où nous vivons dans le chaos, la désobéissance et l’irrespect de la loi », témoigne Abla. Et de poursuivre : « Les Indiens, eux, res­pectent la loi et la tradition. Ils vivent en quiétude et en harmonie. A chacun son culte. De plus, le fait que l’Inde soit un nouveau pays industrialisé, cela représente un véritable atout pour le secteur des nouvelles techno­logies appliquées aux ressources humaines ».

Abla pense se rendre, la prochaine fois, au Yémen, le pays de la légen­daire reine de Saba et du barrage mythique de l’Antiquité. Et ce, afin de puiser dans une nouvelle thématique vouée au pays et à ses habitants.

Jusqu’au 27 août, de 19h à 15h, au Centre culturel indien, 2, rue Aboul-Féda, Zamalek.

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